Rédigé par une chercheuse née en 1983, ce livre retrace avec beaucoup de justesse et de précision les dernières années de la vie de Pierre Fournier, journaliste et dessinateur mort en 1973 à l’âge de 35 ans. L’auteur s’est fondée sur des entretiens avec quelques proches, sur ses écrits, mais surtout sur des centaines de lettres manuscrites (oui, c’était avant l’époque des courriels et des textos…) que cet « homme de correspondance » envoyait à sa femme Danielle, à Cavanna, son rédac’ chef d’ « Hara Kiri », à ses amis et à ses lecteurs, en gardant précieusement une copie carbone de chacune de ces lettres. On y découvre en 1968 un Fournier très affairé à monter un projet de village communautaire et écologique dans les Alpes. Si ce projet (pour lequel il avait envisagé de quitter « Hara Kiri ») tourne court, il constitue le déclic qui le décide à aborder de front la thématique écologique dans un article « fondateur » paru le 28 avril 1969 dans « Hara Kiri Hebdo ». Cet ouvrage nous éclaire aussi sur ses relations (« l’opposition dans l’osmose ») conflictuelles sur le plan des idées, mais toujours amicales, avec Cavanna qui, contrairement à Fournier, croit que la science peut contribuer à résoudre la crise écologique. Au fil des pages, on apprend que c’est en mai 1971 que Pierre Fournier adhère à l’AJEPN (aujourd’hui JNE), car, tout en préparant le rassemblement contre la centrale nucléaire de Bugey (juillet 1971), il estime être devenu un « journaliste informatif » grâce notamment à ses articles très documentés sur les dangers de l’atome qui paraissent dans « Charlie Hebdo ».
Diane Veyrat nous éclaire aussi sur la genèse de « la Gueule Ouverte », avec un Fournier partagé entre le désir d’avoir enfin « son » journal et son souhait de continuer à « profiter » de ses pages hebdomadaires dans « Charlie ». Il songe parfois à lâcher l’écriture pour vivre de ses tableaux et relancer son projet de village communautaire écolo, et rêve à d’autres moments d’écrire « un ou deux livres », afin de proposer une « synthèse philosophique et politique ». On apprend aussi que Fournier, perfectionniste toujours insatisfait de lui-même et des autres, portait un regard très critique sur les premiers numéros de « la Gueule Ouverte », le dossier du N° 1 (paru en novembre 1972) sur les dangers des radios systématiques étant à ses yeux « le seul grand truc » du journal depuis sa création.
Ce livre, sur la couverture duquel figure une belle photo de Pierre Fournier avec ses trois enfants, est complété en « annexes » par une riche sélection d’extraits de lettres et d’articles dont le dernier, paru le 12 février 1973 (trois jours avant son décès) dans « Charlie Hebdo », dénonce la construction d’une route transamazonienne mettant en péril « la dernière grande réserve naturelle du globe », « au risque de modifier le climat de la planète et d’entraîner des catastrophes en chaîne sur les cinq continents ».
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Les Cahiers dessinés, 192 pages, 17,00 € – www.lescahiersdessines.fr
Contact presse : Claire de Soras. Tél.: 01 44 32 05 63 – claire.desoras@libella.fr
(Laurent Samuel)
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