La biodiversité enfin prise en compte… dans les discours

 


par Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)
BOUGRAIN-DUBOURG-Allain

 

Et voilà qu’enfin la biodiversité semble renaître de ses cendres. Du moins dans les plus hautes sphères qui ne lui accordaient qu’une attention discutable.

Rappelez-vous, la lettre du Grand Débat. Le Président de la République s’attarde sur la biodiversité en indiquant qu’elle doit être gérée à partir des connaissances scientifiques. Pas un mot sur l’éthique… Et d’enchaîner : il ne faut pas qu’elle pèse sur la concurrence en matière d’agriculture ou d’industrie. La fragilité du vivant, le devoir de solidarité, les services rendus par la nature, etc. ne sont pas au programme.

Quoiqu’il en soit, à l’occasion du sommet de l’IPBES, Emmanuel Macron témoigne, à l’arraché, de son empathie pour la biodiversité. Très franchement, si la démarche ne peut qu’être saluée, les mesures proposées ne bouleversent pas le paysage écologique. Elles reprennent, une nouvelle fois, les préconisations du Grenelle de l’Environnement, de la loi 2016 sur la reconquête de la biodiversité ou du plan d’actions pour la biodiversité de Nicolas Hulot.

Mais ne soyons pas grincheux, réjouissons-nous des bonnes résolutions… même tardives. Reste que, dans le même temps, on constate que le CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature), honorable assemblée consultative de 70 ans d’âge, pourrait perdre de sa sagesse au profit des régions. Sans entrer dans le détail d’une stratégie qui, au final, ne peut qu’affaiblir la nature, il s’agit de simplification administrative. À propos de simplification qui ouvre la porte à toutes les maltraitances du vivant, on pourrait évoquer la loi destinée à simplifier la gestion des dons en faveur de la reconstruction de Notre Dame. Son article 9 laisse abasourdi : « le projet ne doit pas être affecté par les contraintes environnementales !» lit on en résumé. Alors même que la stratégie de reconstruction n’a pas encore été déterminée, on prend la précaution de ne pas être embarrassé par le respect de l’environnement !

Faut il ajouter qu’alors que le Président nous rassure sur sa volonté de préserver la biodiversité depuis le perron de l’Élysée, son ministère de la Transition écologique et solidaire s’obstine à mettre la belette, la martre, la fouine et le putois sur les listes d’espèces dites nuisibles. Pour information, l’UICN souhaite que le putois en question rejoigne la pathétique liste rouge tellement l’espèce est devenue fragile. Et la chasse ? Silence radio sur les 6 000 tonnes de plomb qui polluent nos territoires, pas un mot sur les tourterelles des bois à l’agonie et sur la vingtaine d’espèces chassables figurant elles aussi sur les listes de l’UICN. Doit-on ajouter l’absence de solidarité de l’Etat pour les programmes Life désormais financés exclusivement par l’Europe et des collectivités ou des privés ?

Agiter le beau drapeau des grands principes de résilience ne suffira pas à générer un vent de confiance.

Membre « historique » des JNE, Allain Bougrain-Dubourg est Président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Retrouvez-le tous les samedis matins à 6 h 48 sur Europe1 pour sa chronique Entre chien et loup.