Alors que se tient à Paris du 29 avril au 4 mai 2019 la 7e session plénière de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), voici un point sur les réflexions et débats en cours autour du concept de biodiversité.
par Dominique Martin Ferrari
Il y a une trentaine d’années, le concept de diversité biologique a mené à celui de biodiversité. Partant d’une assise biologique, notamment génétique, l’apport de l’écologie permit alors d’intégrer les interactions des êtres vivants entre eux et avec le milieu physique dans lesquels ils étaient plongés. La notion d’écosystème en dériva. Puis ce fut la prise en compte des relations entre cette catégorie particulière constituée des humains et de leurs sociétés avec les autres habitants de la planète qui aboutit à la conception actuelle de la biodiversité.
Au moins provisoirement car, au cœur de ces réflexions mouvantes, alors que se tient à Paris du 29 avril au 4 mai 2019 la 7e session plenière de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), deux positions se sont fait jour durant la Nuit de la biodiversité qui était organisée le 27 avril à la Maison des Océans par la FRB et l’AFB :
– les radicaux : ils constatent l‘effondrement permanent, parlent de la 6e extinction, de la disparition des espèces que nous n’avons même pas eu le temps de découvrir et de l’impact sur les sociétés humaines. Ils annoncent la fin de ce monde qui repose sur la biodiversité. Très pessimistes et un tantinet désabusés des promesses passées, des engagements pris et non respectés, ils restent très environnementalistes, soucieux de contenir l’homme dans ses limites.
– les transitionnistes : ils ne remettent pas en question l’effondrement, n’ont pas d’attitude de déni face à l’hécatombe mais retrouvent l’humilité d’un vivant parmi les vivants. Si l’homme est incapable de choisir entre l’économie et la protection, d’équilibrer ce qu’ils nomment le développement durable, alors il doit regarder en face ce qui arrive et être capable de s’adapter.
Constat : au-delà du débat scientifique pur (biologie, conservation) doit se développer un constat éthique et philosophique. C’est en tout cas ce que propose le responsable scientifique de l’IPBES : « la masse disparaît sans que nous le sachions. Quelles valeurs mobilise-t-on pour savoir où nous voulons aller avec le reste du vivant ? Peut-on tenter de se préoccuper de la biodiversité au-delà de ce qu’elle représente pour nous? Comment nous en préoccuper au-delà de nos intérêts (c’est-à-dire protéger une espèce parce que nous en avons besoin, parce que c’est beau, parce qu’elle représente notre histoire, notre patrimoine, notre identité….) ? ».
Pour l’instant, les nouvelles technologies (banques de gènes, cryogénie, réimplantation…) essaient de ne pas choisir, de conserver le maximum, afin de garder à la conservation de la capacité de temps long (mais c’est s’abstraire du fait que nous ne connaissons pas encore tout, ou de l’évolution que nous ne pouvons maîtriser…).
Pour répondre aux politiques, les chercheurs devront être attentifs à ces différentes approches.
D’autant que le constat est clair sur un point : « nous avons à la barre un monde politique qui n’a pas été pensé pour répondre à ces questions là ». Comprendrait-on qu’à l’entrée dans un nouveau monde, on laisse fuir ou on garde la volonté de maîtriser la transition ? Et à tous ceux qui disent c’est impossible, la science peut prouver qu’elle a parfois réussi : soit par une volonté politique peu démocratique (cf. le nucléaire), soit au contraire, comme l’a expliqué Hervé Le Treut, en mettant tout les intéressés autour d’une table, en prenant le temps de former (avec l’aide des experts) de discuter et de décider. « Il y a beaucoup d’étages dons notre démocratie et si on veut traiter de problèmes complexes, il faut faire fonctionner cette démocratie ».
Ce qui a entraîné un débat sur la dernière proposition du Président Macron, à savoir la création d’un Conseil de défense écologique : « pourquoi pas, si cela oblige les ministères à agir de manière systémique » ou « à quoi bon : nous avons des articles constitutionnels, nous avions un Conseil du développement durable qui devait servir à cela : en vain ».
Ce qui semble marcher : le rôle du consom-acteur dans l’alimentation (proximité, bio = lutte contre la bétonisation et les pesticides); la bataille contre le plastique; la mobilisation en cours sur les modifications comptables : intégrer la destruction dans les masses négatives (internalisation).
En résumé, la Nuit de la biodiversité est une belle réussite. Nous passons sous silence tout le travail d’invention et de participation des étudiants : les ateliers participatifs de créations, le débat flash… Mais nous aurons l’occasion d’y revenir puisque ce travail va se poursuivre toute l’année et sera partagé par de nombreux festivals (films, photos, BD….).
Grand rendez-vous en septembre avec les Générations Futures.