Messieurs les Ministres,
Notre association, qui rassemble plus de 200 journalistes spécialisés en environnement, a été alertée des graves atteintes portées à l’enseignement des Sciences de la vie et de la Terre (SVT) par des scientifiques et des enseignants.
Nous exprimons la plus vive inquiétude sur les capacités futures de la jeunesse à comprendre les grands enjeux environnementaux qui n’ont jamais été aussi prégnants.
Ainsi, en classe de première, les SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) ne feront pas partie du tronc commun. Elles constituent désormais un des enseignements de spécialité. Il est à craindre qu’une proportion importante des lycéens oriente ses choix vers d’autres options, surtout que l’enseignement des SVT pourrait ne pas être proposé dans l’ensemble des lycées. Cette inquiétude est d’autant plus fondée que le nombre de postes au concours externe au CAPES de SVT connaît cette année une baisse importante de 20 % par rapport à la session précédente de 2018, elle-même consécutive à une réduction comparable l’année précédente.
Tout aussi grave est la situation de la classe de terminale, y compris pour les élèves qui auront choisi un parcours scientifique. Les élèves n’auront plus la possibilité de conserver des enseignements de mathématiques, de physique-chimie et des SVT puisqu’ils ne pourront conserver que deux spécialités sur les trois qu’ils auront choisies en première. Un certain nombre d’entre eux se trouvera ainsi privé de cours de SVT pour privilégier les deux autres spécialités.
Enfin, la situation des SVT en classe de seconde, qui concerne l’ensemble des lycéens, reste la même que précédemment. C’est-à-dire que cet enseignement reste le parent pauvre des cours de sciences puisqu’il est dispensé à raison de 1 h 30 par semaine, contre 3 h pour la physique-chimie et 4 h pour les mathématiques. La réforme du lycée aurait pu être mise à profit pour proposer un meilleur équilibre horaire entre les matières scientifiques, d’autant que le programme des SVT a fortement été étendu. Les élèves auront plus de notions à aborder dans un temps toujours aussi réduit.
Ces modifications profondes des conditions d’enseignement des SVT nous font craindre qu’une partie importante de la population n’ait pas le savoir scientifique de base pour comprendre les grands enjeux environnementaux qui sont de plus en plus complexes, en particulier ceux du climat, de la biodiversité et de l‘énergie, mais également tous les autres qui suscitent des controverses : OGM, nanotechnologies, gaz de schiste, gestion des déchets radioactifs …
C’est grave en ces temps où nos lecteurs ont de plus en plus de difficultés à faire la différence entre une information et une « fake news» diffusée sur les réseaux sociaux, entre un fait scientifique et une opinion. C’est grave en ces temps où les théories complotistes et les rumeurs fleurissent et où le public se méfie de plus en plus des sciences. Chaque citoyen doit pouvoir exercer son esprit critique. Encore faut-il qu’il ne soit pas laissé dans l’ignorance. Que sera un public complètement naïf ?
Notre rôle en tant que journaliste est d’informer, d’alerter, d’interpeller et de donner les éléments des débats pour que chacun puisse se forger sa propre opinion, non pas sur les faits, mais sur les analyses et les choix de politiques environnementales. C’est pourquoi nous sommes très sensibles à une dégradation des connaissances de base du public sur ces sujets.
Cette réforme ne fera que renforcer le doute sur les sujets que nous traitons et qui font appel à des notions supposées être apprises en SVT. Quelle sera la capacité du public à ne pas considérer que faits scientifiques et opinions se valent ? Etre « réchauffiste » ou « négationniste du climat » n’est plus alors qu’une question personnelle et non plus une question scientifique. C’est déjà un peu le cas. Ce le sera plus encore.
Nous avons ainsi plus que jamais besoin d’un public éclairé.
C’est pourquoi nous sommes contre cette réforme et la baisse du nombre de postes au concours externe au CAPES de SVT et nous vous appelons impérieusement à reconsidérer les décisions qui ont été prises à ce sujet.
Nous serions ravis de vous rencontrer pour en discuter plus avant avec vous.
Nous vous prions d’agréer, Messieurs les Ministres, en l’expression de notre très haute considération.