En décembre 2018, le WWF France avait estimé que les conditions de sécurité n’étaient « malheureusement plus réunies pour garantir un déroulement pacifique de la marche (pour le climat) du 8/12 à Paris. Dans ce contexte, le @WWFFrance n’y prendra pas part et s’associe à N. Hulot pour inviter les organisateurs à la reporter début 2019 ». Nous voilà début 2019.
par Marie-Joséphine Grojean
Alors, marche ou pas marche ? La question se pose désormais chaque samedi. La réflexion sur la sécurité semble vraiment hors sujet. La sécurité ! Comme si on était en sécurité dans ce monde ! L’argument sécuritaire n’a rien à voir avec ce qui est en jeu dans le phénomène GJ qui s’avère être, en plus d’un problème de société, un problème de civilisation, mettant en cause pêle-mêle, une civilisation matérialiste, consommatrice, capitaliste, donc foncièrement inégalitaire et destructrice. Le fait d’opposer de façon constante, systèmatique, presque idéologique, l’écologique au social, d’opposer comme cela a été exprimé d’une manière limpide, même si lapidaire « la fin de mois à la fin du monde », est une lecture inappropriée de ce qui se joue actuellement dans les sociétés occidentales et particulièrement dans la société française.
Pourquoi cette mise en opposition (qui est presque une mise en accusation) est-elle inappropriée ? Parce qu’elle relève d’une manière de penser obsolète, celle des logiques exclusives, logiques du tiers exclus, logiques qui ont fait le nid des libéralismes et d’un progrès technique supposé rendre les gens plus heureux (les gens sont-ils plus heureux ? Vous avez certainement la réponse…).
Schématiques, réductrices, ces logiques binaires exclusives n’intègrent ni les réalités sociales ni les données du Vivant. Or, ce sont les réalités sociales et les données du Vivant qui fondent la pensée complexe qui est au coeur de l’écologie, c’est à dire au coeur de la Nature : là où jouent les interdépendances et les interactions de tous ordres et de toutes échelles. Cette pensée complexe des interdépendances est au coeur du Vivant ; et les fins de mois qui prennent à la gorge la majorité des humains font partie du Vivant.
Les humains d’aujourd’hui ont besoin d’apprendre à retisser des liens nouveaux avec la Nature, à percevoir les interdépendances, à saisir les interactions, cela pourrait pourrait ouvrir des perspectives de changement sur la situation d’une planète en voie de dévastation, situation aussi tragique que celle des fins de mois. Tout cela est une question d’éducation et de culture. Cette culture du risque n’a pas été mise en oeuvre. Cette éducation à la pensée complexe n’a pas été faite. On croit que l’information peut se substituer à l’éducation. Ce n’est pas vrai. L’information, c’est du quantitatif, c’est de l’événementiel : c’est de l’accumulation de données qui finit par gommer les données. Dans l’éducation, on est dans le qualitatif ; on est dans la méthode : on apprend à penser. C’est évidemment beaucoup plus difficile…
Peut-être n’est-il pas inutile aussi de rappeler quelques fondamentaux que l’habitude, l’inertie, le gavage informatif, ont transformé en loukoums de l’écologie (qu’elle soit institutionnelle, politique, verte, ou tout autre qualificatif… )
Par exemple, le concept de Développement Durable. Il est né en 1992 lors de la Conférence de Rio des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, les participants ayant alors pris conscience des menaces que notre mode de développement faisait peser sur la planète et sur l’humanité. Il a été alors proposé que soit élaboré un autre mode de développement « qui réponde aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.» (On parle bien ici des besoins de la Planète ET de ceux de l’Humanité).
La Déclaration de Rio dit aussi, et en priorité, que « les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la Nature ».
Le Développement Durable veut donc « promouvoir un modèle respectant l’environnement et qui puisse assurer le bien-être des femmes et des hommes d’aujourd’hui sans compromettre celui des femmes et des hommes de demain ».
Pour faire bref, l’intégration de l’écologie et du social est d’évidence, et cela depuis le début. Cela s’appelle la convergence… des objectifs, des luttes, des désirs, des nécessités….
Salut à tous. Bons samedis de début 2019
PS : ces quelques lignes de Pierre Bourdieu tirées d’une interview de 1999 avec Günther Grass relatée dans le journal le Monde.
« La force des dominants n’est pas seulement économique, elle est aussi intellectuelle. Elle est aussi du côté de la croyance. Et c’est pour cela, je crois qu’il faut « ouvrir sa gueule », pour essayer de restaurer l’utopie, parce qu’une des forces de ces gouvernements néo libéraux, c’est qu’ils tuent l’utopie.
Il ne s’agit pas seulement de contrecarrer et de contrarier ce discours dominant qui se donne des allures d’unanimité. Pour le combattre efficacement, il faut pouvoir diffuser, rendre public le discours critique. Nous sommes sans cesse assaillis par le discours dominant… »