ZAC écologique ?

Certaines mesures pourraient considérablement améliorer la conception de ces zones de nouvelles urbanisations.

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par Jean-François Noblet

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Il est courant que les Plans Locaux d’urbanisme (PLU) se vantent de préserver les terres agricoles tout en prévoyant la réalisation de nouvelles Zones d’Aménagement Concertées (ZAC) industrielles ou commerciales sur le modèle communément réalisé : bâtiments en parallélépipèdes entourés de parkings imperméabilisés et de pelouses uniformes bien tondues agrémentées de quelques arbres d’ornements. Le tout étant protégé par une clôture infranchissable et un éclairage nocturne souvent illégal. Bref, tout ceci n’a rien du prétendu développement durable et il est bon de suggérer un certain nombre de mesures qui pourraient considérablement améliorer la conception de ces zones de nouvelles urbanisations.

La ressource naturelle la plus menacée, l’espace

Il est grand temps d’arrêter notre consommation d’espace qui menace la production de notre nourriture et la biodiversité. Aussi nous devons exiger que les bâtiments des zones industrielles ou commerciales soient conçus dans l’objectif de l’économie de l’espace : réalisation de caves pour stockage ou parkings, de structures à étages, utilisation du toit pour espace vert, maraîchage ou panneaux solaires. On sait aujourd’hui planter de vrais arbres ou créer des mares sur les toitures et la plus grande colonie d’œdicnèmes criards d’Egypte se trouve sur les graviers des terrasses de l’hôpital du Caire. Il serait également possible de prévoir des espaces verts et des parkings communs à plusieurs entreprises et des bâtiments mitoyens ce qui améliorerait considérablement le paysage si dégradé des entrées des villes de France. Evidemment cela suppose une volonté politique et un travail de concertation préalable avec les futurs occupants, mais la matière grise investie sera la meilleure assurance de voir cesser notre gabegie d’espace.

La perte de terres agricoles

Il n’est pas impossible de la réduire en prévoyant l’implantation de jardins potagers sur les toits, de vergers dans les parkings, de ruches et de remplacer les tontes des pelouses par la fauche du foin. Du bétail peut entretenir les espaces verts et des vaches, un âne ou un gros cheval dissuadera la pénétration d’un espace clos. Les murs peuvent accueillir de la vigne ou des fruitiers traités en espalier.

La perte d’espace de biodiversité

La diversité des espèces est toujours plus forte dans le sol qu’au-dessus. Aussi il faut imposer l’arrêt de l’imperméabilisation du sol : stationnements en dalles alvéolées semées de gazon pour les petits parkings. Pour les grands parkings a été testé avec succès un mélange terre/pierres qui permet à fois portance, infiltration et croissance d’un gazon qui maintient le substrat et participe à la dépollution, notamment en dégradant les hydrocarbures polycycliques. Rappelons ici l’importance du sol naturel pour le stockage du carbone.

Evidemment, la conception et la gestion des espaces vertes seront fondamentales : prévention des espèces végétales envahissantes lors des travaux, interdiction de plantes exotiques, plantation de haies champêtres et d’arbres fruitiers de vieilles variétés locales à la place des essences ornementales, tonte à 10 cm de hauteur des pelouses ou fauche tardive, interdiction des pesticides, création de mares pour réserves à incendies, de noues pour stocker et épurer les eaux de surface des parkings. On peut prévoir un compost collectif pour gérer les déchets de tonte et les feuilles mortes.

La planification des lots d’une future ZAC tiendra compte des corridors biologiques existants et du Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE) afin de les conserver.

On conservera la libre circulation de la faune et de la flore par des espaces verts non clos, des sentiers piétons ou des pistes cyclables, des haies ou des rangées d’arbres. Il faudra imposer des clôtures perméables (par exemple avec un espace de 10 cm au ras du sol et une hauteur limitée). Une haie taillée à base de pruneliers ou de charmilles sera aussi efficace et bien plus agréable à regarder. Afin de permettre le passage et la colonisation de l’espace par des espèces animales nocturnes on imposera l’installation d’éclairages respectueux de l’arrêté du 25 janvier 2013 qui impose son arrêt au moins à une heure du matin et qui s’allument an bord de voirie ou de chemin piéton uniquement lors du passage d’une personne ou d’un véhicule.

Très souvent, les bureaux d’études préconisent la pose de nichoirs dans les espaces verts afin de compenser l’impact supposé de l’aménagement sur la faune. Outre le fait qu’il faut exiger que ces nichoirs soient fabriqués impérativement en ciment de bois (Catalogue www.nichoirs-schwegler.fr)  pour qu’ils durent 30 ans et assurent un confort thermique suffisant à la faune, il faut insister sur l’intégration des nichoirs dans les bâtiments. Il existe quantité de modèles vendus pour cela et il est facile d’inciter des chauves-souris, des martinets, des hirondelles ou diverses espèces de passereaux à les utiliser. La Ligue pour la Protection des Oiseaux section Isère a édité un excellent document  à diffuser impérativement à tous les élus et techniciens chargés d’une nouvelle ZAC.

Les déchets de chantier inoffensifs (rochers, pierres, terre, sable, tuiles etc.) peuvent être utilisés pour constituer un ou plusieurs hibernaculum (refuge, gîte ou partie de terrier qui sert à l’hibernation d’un animal) à reptiles. Les arbres devant être coupés pour la ZAC seront couchés avec un tractopelle puis élagués au sol et ensuite coupés au pied. Ils pourront être replantés ensuite sur place pour servir de nichoirs naturels à la faune des bois morts et des arbres creux. Ainsi la perte de biodiversité sera compensée.

N’oublions pas tous les pièges mortels qui sont installés involontairement. On trouve sur ce site et d’autres tous les conseils pour éviter les baies vitrées qui assomment les oiseaux. Les Jardins de la solidarité à Moirans en Isère (www.jardins-solidarite.fr) ont conçu une échappatoire performante à installer dans tous les bassins de décantation en plastique.

Un vrai problème consiste à faire respecter les principes de la gestion différenciée des espaces privatifs des différents lots de la ZAC conformément au cahier des charges établi lors de la vente ou location des parcelles. Cette question doit être réglée dès l’étude d’impact du projet. Le financement d’un écologue pédagogue chargé du respect des cahiers des charges doit être prévu en amont.

La ZAC développement durable ?

Lorsqu’une espèce animale ou végétale protégée est impactée par une future ZAC, il faut constituer un dossier de demande de dérogation de destruction d’espèce protégée. Or il ne faut pas oublier de produire les preuves de son intérêt public majeur.

L’article L411-2 4° du Code de l’environnement encadre les dérogations à la protection des espèces et des habitats. Il impose au pétitionnaire le respect de trois conditions :

1) Justifier son projet par une ou plusieurs des raisons suivantes :

  • Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et des habitats naturels
  • Pour prévenir des dommages importants aux exploitations
  • Pour des raisons impératives d’intérêt public majeur

2) Démontrer l’absence d’autres solutions satisfaisantes

3) Démontrer que le projet ne nuira pas au maintien à l’état de conservation favorable des espèces concernées

Chacune des conditions doit être clairement et explicitement démontrée.

Or il est de tradition d’invoquer la création d’emplois en oubliant généralement la perte des emplois agricoles existants sur le site d’une future ZAC ou les services écosystémiques que la biodiversité joue sur le terrain. Nous devons veiller à ce que les arguments des pétitionnaires ne se contentent pas d’un baratin de lieux communs éculés.

La conception et le fonctionnement futur d’une ZAC devrait aussi démontrer son attachement à la lutte contre le dérèglement climatique : isolation parfaite des bâtiments, énergies nouvelles, transports doux, gestion et recyclage des déchets, plan de publicité restreinte, etc.

En respectant tous ces conseils, il devrait être possible de créer de nouvelles ZAC à moindre impact, assurant une meilleure protection de la biodiversité et de la qualité de vie des humains.

Retrouvez Jean-François Noblet sur son site : www.noblet.me

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