Energies renouvelables, renouveler les emplois ou les employeurs ? Faut-il verdir les esprits ?

La tendance est d’évoquer le renouvelable surtout en termes d’énergie (solaire, géothermie, éolien…). Est-ce pertinent ? Il faudrait rénover nos esprits en renouvelant aussi les secteurs d’emplois et les mentalités des employeurs !

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par Jane Hervé, avec Carine Mayo et Richard Varrault

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De fait, cela demanderait une révolution de nos pensées, lesquelles ne sont actuellement qu’au stade de la prise de conscience de la gravité de la situation écologique. Nous mettrons encore des années à trouver des solutions, à renouveler les pratiques énergétiques et agricoles tant sur le plan individuel que local et – un jour ou l’autre – à l’échelon planétaire. Alors qu’en est-il de l’emploi ?

L’Irena (Agence internationale des énergies renouvelables) a fait le bilan annuel de l’emploi dans le secteur des énergies renouvelables le 8 mai 2018. Ca donne quoi ? En France, on trouve 107 000 emplois dans les filières dites renouvelables*. Quels sont les secteurs du renouvelable les mieux représentés ? Il s’agit de ceux de la biomasse et des agrocarburants (bioéthanol, biogazole, etc.), lesquels emploient chacun 30.000 travailleurs. En conséquence, la transformation des végétaux, déchets verts, déchets agricoles, ordures ménagères, bois reste lnotre meilleur employeur dans le renouvelable. Or cela conduit pourtant au saccage de nos forêts, dénoncé par les syndicalistes de l’ONF qui déplorent un surcroît de responsabilités pour les forestiers. Cela soutient aussi une agriculture intensive destinée à produire des biocarburants et non à nourrir les habitants de la planète. De tels emplois révèlent l’une des aberrations de l’exploitation des sols et forêts à la française. Participent-ils vraiment à un développement soutenable ?

Ne faudrait-il pas orienter ces emplois – outre la biomasse – vers l’installation du photovoltaïque, de l’éolien, de la géothermie afin d’acquérir les compétences nécessaires à notre avenir énergétique ? En effet, la France n’est pas au top de ses capacités, eu égard à toutes les zones ventées dont elle dispose et à sa façade maritime qui permet de produire de l’énergie issue de la houle ou d’installer des turbines animées par les courants marins.

Au niveau européen

Que se passe-t-il à l’échelon européen ? L’employeur France** arrive en troisième position des pays européens derrière l’Allemagne (325 000 emplois) et le Royaume-Uni (118 200 emplois). Une domination qui se retrouve également dans le secteur de la biomasse : celui-ci totalise déjà 389.000 emplois européens, en tête des secteurs devant l’éolien (344 000 emplois). « L’utilisation de la biomasse bénéficie d’un soutien politique croissant », souligne d’ailleurs l’Irena. L’agence précise cependant que « la moitié des emplois européens dans ce secteur se trouvent dans six pays seulement : l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, la Pologne et la Finlande ». De même, l’éolien français est loin de faire jeu égal avec le niveau européen. Il ne totalise que 18 800 emplois. A l’échelle du continent, l’Irena précise que l’éolien allemand (160 000 emplois) domine très largement ce secteur, devant le Royaume-Uni (41 800), le Danemark (26 600), les Pays-Bas (21 500), avant la France. A noter que l’Allemagne, avec 47 % des emplois européens du secteur, crée autant d’emplois que les dix autres premiers pays européens. A réfléchir sans doute pour miser à l’avenir sur de meilleurs chevaux énergétiques!

Responsabilité écologique dans l’emploi ?

Peut-on créer des emplois moralement écologiques? Est-ce un concept à développer ? Rien n’est moins évident en France où tout est règlementé partout ! Et pourtant il faudra y parvenir. Ainsi que cela a été souligné lors des rencontres Eau et agriculture, des enjeux partagés, la quantité d’aides aux agriculteurs reste importante à l’échelle locale – du bassin versant (eau drainée sur les pentes pour créer les cours d’eau), de la présence des agences de bassin – en vue de soutenir un développement durable (six agences de l’eau gèrent les ressources en eau et la production d’eau potable). L’orientation modulée de ces attributions devrait faciliter un développement plus respectueux de la nature.

Au terme de notre incompétence en matière de gestion du développement, ironisons encore sur le fait que ces emplois participent prétendument à la croissance « verte ». Ils semblent n’être là que pour la croissance (économique) et non pas pour le vert (écologique) ! Il nous faut donc verdir nos esprits (et nos emplois en conséquence) pour défier un avenir où les ressources (alimentaires et énergétiques) seront de plus en plus limitées.

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* Rappelons qu’il y a au total 29,2 millions d’actifs en 2016 (dont 25,8 millions ayant un emploi).

** France : 107 000 emplois énergie renouvelable, dont 30 000 biomasse, 30 000 agrocarburants, 18 800 éolien.

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