Agé de 90 ans, Philippe Saint Marc, pionnier de l’environnement en France et membre de longue date des JNE, nous livre un ouvrage-bilan qui détaille sa vision des causes de la crise écologique et des solutions pour s’en sortir. Au-delà de ses manifestations physiques (pollution de l’air, de l’eau, des sols, des aliments, mais aussi bruit, stress…), la crise écologique est aussi et surtout aux yeux de Philippe Saint-Marc une crise de société, marquée par la montée de la violence et de comportements de fuite tels que la drogue, la dépression, la solitude ou le suicide. On ne sera pas forcé de suivre l’auteur dans sa dénonciation de l’ « amoralisme » contemporain, des ravages de la pornographie (même si des mesures seraient nécessaires pour en protéger les enfants et les adolescents sur Internet) et des méfaits du « mariage pour tous ». Mais force est de reconnaître la pertinence de ses propositions pour une « humanisme écologique » : « renaissance » de la famille et de l’école, développement de l’apprentissage et du tissu associatif, priorité à l’agriculture biologique et à la revitalisation des campagnes, « verdissement » des villes…
Pour autant, les pages les plus passionnantes de ce « petit traité » (654 pages quand même…) sont celles où l’auteur raconte son action à la tête de la Mission d’aménagement de la côte Aquitaine entre 1966 et 1970. Dans une démarche très innovante, Philippe Saint-Marc avait alors imposé que l’on tourne le dos au modèle de « bétonnisation » qui venait de ravager les côtes du Languedoc, au profit d’un tourisme de nature, ancré au cœur de la forêt et de la campagne landaises. On lui doit notamment le « curage » et le libre accès au public des rivières de la grande et de la petite Leyre, depuis leurs sources dans la forêt de la Haute Lande jusqu’à leur embouchure sur le bassin d’Arcachon, qui, 50 ans plus tard, viennent de se voir décerner le très exigeant label « rivière sauvage ». Philippe Saint-Marc nous narre aussi son rôle décisif dans la création des deux des premiers parcs naturels régionaux français, ceux des Landes de Gascogne et de la Haute Vallée de Chevreuse (en région parisienne), pour la défense de laquelle il avait fondé dès 1964 un Comité de sauvegarde. Il retrace enfin les circonstances de la création à Marquèze, dans les Landes, du premier écomusée de France en 1970, ainsi que celles, rocambolesques, de sa révocation en mars 1970 par le Premier ministre (et maire de Bordeaux) Jacques Chaban-Delmas pour avoir bloqué un vaste projet immobilier sur les rives inconstructibles des étangs de Cazaux et Sanguinet.
En annexe de ce livre touffu et riche, on découvrira le fac-similé de lettres adressées à Philippe Saint-Marc par les Présidents de Gaulle, Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac, ainsi que par le ministre gaulliste Olivier Guichard, dont il souligne le rôle (méconnu) en faveur de l’environnement, avec en particulier la création des Parcs naturels régionaux en 1967. On y trouvera enfin le texte de la Charte de la Nature dont il fut l’un des rédacteurs en 1972, et qui recueillit plus de 300 000 signatures, dont l’absence de prise en compte par les partis politiques fut l’un des facteurs de la naissance en France de l’écologie politique.
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Éditions Frison-Roche, 654 pages. 24,00 € – www.editions-frison-roche.com
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(Laurent Samuel)
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