Plein d’espoirs sur la mise en place d’une vraie cohabitation entre éleveurs et prédateurs, les défenseurs de la vie sauvage attendaient un tournant de la part du gouvernement. Il n’en est rien : mis à part quelques avancées très floues, le Plan national d’action loup 2018-2022 est essentiellement fondé sur des tirs de loups.
par Marc Giraud
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Ce nouveau Plan loup reste donc dans la lignée des tirs voulus par Ségolène Royal. Il est soumis jusqu’au 29 janvier à la consultation du public et à l’avis du CNPN (Conseil National de Protection de la Nature), et devrait être adopté en février.
Quand c’est flou…
Quelques timides avancées ont été obtenues par les défenseurs des loups : les mesures de protection devraient être développées et mieux contrôlées, les tirs de défense (c’est-à-dire près des troupeaux) privilégiés en période d’exposition des troupeaux (janvier à septembre), les tirs de prélèvements (en dehors des troupeaux) restreints de septembre à décembre.
En principe, les éleveurs ne protégeant pas leur troupeau ne devraient plus être indemnisés de leurs pertes, et de trop nombreux éleveurs ne jouent pas le jeu. Cette conditionnalité de l’indemnisation à la protection est une mesure que les associatifs de CAP Loup demandent depuis des années, mais les termes du plan en limitent fortement la portée : le contrôle sera effectué « en routine » et non lors du constat des dommages. Mais c’est précisément à cette occasion que ce contrôle serait le plus aisé (agent déjà sur place), et le plus utile pour déterminer si la mesure de protection était effectivement en place au moment de l’attaque. Par ailleurs, cette conditionnalité ne sera mise en place que « de façon proportionnée, progressive et adaptée à l’ancienneté de la colonisation de l’espèce et au niveau d’attaques subies par les troupeaux ». Autant dire que ça n’est pas fait…
Pire, le plan prévoit de freiner l’expansion du loup sur les fronts de colonisation où les éleveurs seront dispensés de toute protection de leur troupeau ! Ou comment reporter les difficultés sur les zones voisines, et sur les années suivantes…
Quant au seuil annoncé de 500 loups d’ici la fin du quinquennat, il est loin de garantir la viabilité de l’espèce à long terme, de l’ordre de 2 500 à 5 000 individus selon l’expertise ESCO. Et que se passera-t-il une fois ce seuil atteint ? Est-ce la population maximale que les politiques sont prêts à accueillir ?
Les ministres changent, les tirs de loups continuent
Ce plan ne contient aucune remise en cause fondamentale de ce qui ne fonctionne pas depuis 14 ans, le fil directeur reste l’organisation des tirs. Depuis 2004 des loups sont abattus, depuis 2004 les dommages augmentent… Les études menées à l’étranger le montrent : les tirs létaux sont inefficaces, voire contre-productifs, car ils désorganisent les meutes. De plus un loup mort ne transmettra pas la peur du troupeau, alors qu’un loup effarouché apprendra la leçon à sa meute. Le plan prévoit d’ailleurs d’étudier l’efficacité des tirs en France. Mais faut-il y voir un signe ? Cette étude n’est présentée qu’en toute fin du document. Sa logique pose question : pourquoi organiser et faciliter des tirs alors qu’on ne sait pas si ça aura un effet positif sur les attaques ? La réponse est peut-être dans une vaine recherche de paix sociale…
Le « plafond » annuel de loups à abattre concernera 10 à 12 % de la population, sans que, selon le texte, soit mise en péril la viabilité de l’espèce. Or, l’état de conservation favorable ne doit pas être apprécié par rapport au risque d’extinction mais par rapport à la capacité d’accueil du milieu, qui est l’objectif à atteindre. La France devrait garantir la croissance de la population, et pas seulement éviter son extinction.
Trente cinq loups ont déjà été abattus depuis début juillet. Sur ces 35, un seul été abattu par un éleveur défendant son troupeau, les 34 autres l’ont été par des chasseurs, louvetiers ou agents de la brigade anti-loup de l’ONCFS… Sept n’étaient que des louveteaux, dont 3 tués lors de la même opération par un agent de l’ONCFS en « tir de défense » d’un troupeau en août dernier à Cipières (06). Quatre mois après sa demande d’éclaircissement, CAP Loup a enfin obtenu une réponse du préfet de Région, qui confirme que l’État favorise l’abattage de louveteaux, même si ceux-ci ne sont pas en âge d’attaquer un troupeau domestique, même sans savoir si ces abattages ont un quelconque effet positif !
Pour 2018-2019, le gouvernement projette d’autoriser à nouveau l’abattage de 40 loups de janvier à décembre 2018. Le précédent plafond ayant été fixé de juillet 2017 à fin juin 2018, ce sont bien potentiellement 75 loups (35 déjà abattus + 40 nouveaux) qui pourraient être abattus en une année si ces 40 étaient abattus entre janvier et fin juin 2018, soit 20 % de la population ! Avec le développement et l’amélioration de l’efficacité de la brigade loup de l’ONCFS annoncée dans le plan, ce chiffre n’est pas hypothétique.
De surcroît, il est également prévu que les préfets pourront dépasser, sans aucune limite, le plafond d‘abattage en cas de « situation exceptionnelle », notion non définie et impensable après 25 ans de présence du loup. Ceci vide de sens la notion de plafond à ne pas dépasser pour garantir, soi-disant, la viabilité de la population. Bref, les « avancées » du plan loup sont aussi des reculées potentielles, et bien déguisées.
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Des protecteurs pas entendus
Il suffit de quelques brebis lâchées dans des rues et de quelques menaces de troubles pour qu’un gouvernement cède aux anti-loups. Il n’en est pas tout à fait de même avec les protecteurs. Le samedi 13 janvier, des représentants du collectif CAP Loup venus de toute la France ont porté au ministère de la Transition écologique et solidaire le message de milliers de Français et de ses 200 000 membres. Pour des raisons administratives, de timing et de sécurité, l’événement fut rapide et cadré, avec peu de personnes. Mais aucun représentant n’a été reçu au ministère. Le clou de cette « performance » : un portrait de loup symbolique composé de plus de 1 000 photos de citoyens et de personnalités publiques brandissant une pancarte « STOP aux tirs des loups ». Parmi les personnalités posant avec des pancartes pro-loup : Aymeric Caron, Hubert Reeves, Paul Watson, Jeanne Mas, Hélène de Fougerolles, Yann Artus-Bertrand, Guillaume Meurice et bien d’autres…
Les protecteurs demandent :
1/ la fin de cette politique de tirs
2/ le contrôle de la bonne mise en œuvre par les éleveurs des moyens de protection subventionnés (clôtures, chiens, bergers)
3/ l’arrêt strict et immédiat des indemnisations en cas de prédation pour les éleveurs qui n’ont pas protégé leur troupeau
4/ le développement par l’État de nouveaux dispositifs de protection des troupeaux et d’effarouchement des loups si nécessaire.
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- CAP Loup regroupe 40 associations de protection de la nature et des animaux, soit plus de 200 000 adhérents directs. www.cap-loup.fr
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