Les Français et la nature par Valérie Chansigaud

« Pourquoi si peu d’amour ? » rajoute le titre. Valérie Chansigaud, historienne des sciences à qui l’on doit entre autres l’excellent « L’Homme et l’animal » (Delachaux et Niestlé 2013), primé par l’Académie française en 2014, propose à cette question des réponses érudites et passionnantes, nous révélant au passage des auteurs aussi importants que méconnus chez nous. Amoureuse des araignées, l’auteure a trop souvent constaté la répulsion qu’elles provoquent en France, alors que d’autres pays ne montrent pas de telles réactions et publient de nombreux livres sur ces animaux. Les comparaisons sont révélatrices de cette triste « exception culturelle française », qui ne date pas d’hier. Un exemple : notre Buffon national colportait des préjugés sans fondement dans son « Histoire naturelle », alors que le clerc anglican Gilbert White publiait ses authentiques observations de terrain dans son « Histoire naturelle de Selborne ».

Valérie Chansigaud propose deux thèses principales pour expliquer la désaffection des Français pour la nature. Dans la première partie, l’auteure nous montre, par de nombreux exemples historiques et contemporains, la différence entre notre culture et celle de nos voisins anglophones ou germaniques. Une part est faite aux médias, avec un hommage à Pierre Déom et à « La Hulotte » (une des belles exceptions à l’exception française !). La seconde thèse lie cette différence culturelle à la dimension sociale et politique, car les Français sont moins « efficaces pour faire émerger des mouvements sociaux de protection des animaux et de la nature comme pour instaurer une démocratie pluraliste et véritablement éthique » (ce qui n’empêche pas les destructions de la nature dans les autres pays précise-t-elle). Aujourd’hui encore, les associations françaises, bien moins puissantes que celles des pays limitrophes, ont peine à mobiliser.

La richesse de ce livre ne permet pas d’en faire ici une présentation juste et complète. L’exemple des femmes, l’ambiguïté des discours des politiques et bien d’autres sujets abordés dans l’ouvrage mériteraient de l’être ici. Un mot cependant sur Élisée Reclus, moins méconnu que d’autres, mais dont l’ampleur de l’œuvre demande une telle quantité de lecture que sa pensée a été peu diffusée. Reclus est pour Valérie Chandigaud « le plus important penseur français de l’environnement », et a droit à un chapitre entier. À découvrir dans ce livre indispensable !


Éditions Actes Sud, 20 € – www.actes-sud.fr
Contact presse: Emmanuelle Gaulier. Tél.: 01 55 42  – e.gaulier@actes-sud.fr
(Marc Giraud)