A Alger, les restes de pain, parfois des baguettes entières non entamées, qui sont habituellement jetés mêlés aux ordures ménagères, font maintenant partie de la liste des déchets comme le papier, le carton, les emballages en matière plastique… à collecter de manière sélective, le fameux tri.
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par M’hamed Rebah
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Une poubelle est réservée au pain, de couleur jaune vers le doré, comme la sienne. Elle est posée bien en vue, dans des rues de la capitale, et porte l’indication « pain» , en arabe et en français. Dans la campagne d’explication et de sensibilisation organisée en ce moment par une association de protection de l’environnement en partenariat avec la wilaya d’Alger, des enfants, dépliants illustrés en main, sont chargés d’apprendre aux adultes à jeter le pain dans la poubelle « jaune» en montrant sa photo sur le dépliant.
Ces enfants accompagnés et encadrés par des jeunes, sont transportés dans un bus à dominante verte, référence à la nature et à l’écologie, portant le slogan « Pour une ville propre ». Il parcourt les artères de la capitale et s’arrête sur les lieux de passage très fréquentés pour permettre aux membres de l’association de rencontrer les citoyens et faire leur travail de sensibilisation sur la protection de l’environnement, mais, en fait, exclusivement sur le thème des déchets ménagers.
Le bus « écologique » stationne parfois sur le trottoir, avec le moteur en marche, ses vibrations ne semblent pas déranger les enfants et les jeunes, vêtus d’un tee-shirt vert et d’une casquette du même ton, entièrement pris par leur travail d’explication avec les passants. Les gaz qui s’échappent du bus, qui brûle le carburant le plus polluant qui soit, le gas oil, n’interpellent aucun de ces petits acteurs de l’écologie ni leur encadrement.
Ils sont également indifférents aux « autres » atteintes à l’environnement, comme les nuisances sonores provoquées tout autour d’eux, par les klaxons et les sirènes de voitures spéciales, les coups de sifflets incessants, les vociférations de gens qui ne savent parler entre eux qu’en hurlant, et toutes sortes de bruits qui empoisonnent le cadre de vie urbain. A quelques mètres, sous leurs yeux, le montage d’une scène sur le trottoir d’en face, pour une soirée dite « musicale », annonce l’affreux tapage nocturne qui va empoisonner la vie des riverains dès le soir. Mais le plus important pour les « voyageurs » du bus écologique est que les gens comprennent que « le pain doit être jeté dans la poubelle qui lui est affectée ».
Il est clair que cette « campagne » de sensibilisation manque de préparation et qu’elle servira à remplir un bilan où sont notés des chiffres qui traduisent le nombre de personnes rencontrées, le nombre de quartiers visités et peut-être le nombre de km parcourus par le bus, mais il n’y aura jamais la quantité de carburant gaspillé quand le moteur continue de tourner alors que le bus est à l’arrêt (pendant une heure ou deux) et encore moins la quantité de polluants rejetés par ce bus et respirés par les enfants.
La crédibilité de toute l’opération s’en ressent et son résultat aussi. Les gestes éco-citoyens se font attendre et la gestion des déchets ménagers ne sort pas de l’impasse. Cette campagne se passe à Alger. Dans d’autres villes de l’intérieur, la protection de l’environnement est traitée directement en liaison avec les exigences posées par l’amélioration du cadre de vie quotidien des citoyens. A El-Bayadh, dans le sud-ouest du pays, à près de 600 km de la capitale, une vaste campagne de lutte contre les nuisances sonores a été menée le mois dernier par les éléments de la police chargés de la voie publique, nous a appris une dépêche de l’APS. « Elle s’est soldée par la mise en fourrière d’une cinquantaine de motocyclettes qui pétaradent à longueur de journée sur les artères principales de la ville. Il s’agit de la seconde opération du genre menée dans ce sens vers la fin du premier semestre qui s’est achevée par la mise en fourrière de plus de 120 mobylettes ». A Alger, les motos « pétaradent » aussi à longueur de journée, et même la nuit, en toute liberté comme si elles étaient non concernées par les lois qui punissent les fauteurs de bruit (loi sur l’environnement et code de la route, en attendant la nouvelle loi sur la santé).
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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mercredi 8 novembre 2017.
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