COP 23 : Une demi-victoire pour les pays en développement

Les négociations des nations unies  sur les changements climatiques ont pris fin ce matin 18 novembre 2017 avant 7 h sur fond musical fidjien. Ces négociations de deux semaines se sont éternisées, comme d’habitude, pour établir un compromis entre pays développés et en développement. Pas facile. Récit.

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par Houmi Ahamed-Mikidache

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La mise en oeuvre de l’accord de Paris comporte plusieurs éléments : l’adaptation et l’atténuation, à travers les contributions nationales, les pertes et dommages, l’adaptation, le fond d’adaptation, la finance, le transfert des technologies, la transparence, le soutien, et le renforcement des capacités. La plupart de ces éléments ont été pris de façon isolée à travers un dialogue facilitatif établi pendant la COP 21, poursuivi à Marrakech pendant la COP 22, puis à Bonn cette année, avec la présidence fidjienne, et le dialogue de Talanoa, une conversation entre pays du nord et du sud pour atteindre  les objectifs de 1,5° C sur du long terme.

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Le dialogue de Talanoa

« Nous avons  rempli notre mission : avancer les lignes directrices de la mise en oeuvre de l’accord de Paris et nous avons aussi preparé les actions d’ambitions pour le dialogue de Talanoa en 2018 », a affirmé le Premier ministre des îles Fidji et Président de la COP 23, Frank Bainimarama. Pour ce dernier, de nombreux aspects positifs ont marqué cette COP : la communauté internationale a épousé le concept fidjien de grande coalition pour de meilleures ambitions en intégrant les gouvernements nationaux, les Etats et villes, la société civile, le secteur privé et toutes les femmes du monde.

« Nous avons lancé un partenariat global pour permettre à des millions de personnes vulnérables aux changements climatiques d’avoir accès à une assurance », a déclaré le Président de la COP 23. Selon lui, cette Conférence des Nations Unies sur le Climat a mis en avant la population. Elle a permis aux personnes non expertes sur les changements climatiques de participer aux négociations. Avec pour objectif  : montrer au monde qu’il existe des personnes souffrant des changements climatiques tous les jours.

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Ce qui a été accompli

Samedi, 2 h 40 du matin, le groupe de négociateurs africains sort encore une fois d’une des salles de négociations et cette fois-ci, ils sont ravis : « Nous avons résolu la question sur le fonds d’adaptation et celle sur l’article 9.5 »,affirme l’ambassadeur Nafo du Mali, président du groupe des négociateurs africains. Les décisions adoptées précisent qu’il y aura des modalités de mises à dispos ition des ressources financières  mobilisées à travers des interventions publiques en lien avec l’article 9 de l’accord de Paris.

L’article 9.5 de l’accord de Paris explique que les pays développés doivent communiquer de façon biennale des informations indicatives, quantitatives et qualitatives liées au financement de l’adaptation et de l’atténuation.

Autre point résolu : la question des pertes et dommages. Mais, cette fois-ci  les ministres  ne sont pas intervenus selon Seyni Nafo : « Le programme sur 5 ans est passé : il va y avoir un forum annuel, il va y avoir un dialogue des experts sur la finance, sur le soutien et un groupe de travail sur la question des migrations sera mis en place. »

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Aller et retour

La nuit dernière a été marquée par de nombreux va-et-vient des délégués. Et cela s’est poursuivi jusqu’à l’aube. A 3 heures du matin, la République d’Equateur, au nom du Groupe 77+Chine (134 pays), a exprimé ses inquiétudes sur les engagements pré-2020 que doivent respecter les pays développés. Les délégués ont encore une fois quitté la salle plénière. Et, à 5 h du matin, la République Démocratique du Congo, au nom des 52 pays de la Coalition des Nations à Forêts Tropicales Humides, émet une autre objection : « Nous avons perdu l’opportunité de conclure une bataille pour la REDD+ et par la même occasion de faire gagner les îles Fiji : nous regrettons que les consultations de haut niveau n’aient pas eu lieu plus tôt », déclare Tosi Mpanu Mpanu, qui est aussi le chef de la délégation de la République démocratique du Congo, situé donc dans le bassin du Congo, le deuxième poumon du monde après l’Amazonie.

Pour le négociateur congolais, le secteur forestier ne doit pas être ignoré, parce qu’il contribue  à la réduction de gaz à effet de serre. M. Mpanu Mpan a aussi exprimé sa déception sur plusieurs notions liées aux efforts de la Coalition qu’il préside pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en voulant intégrer les acteurs non étatiques dans les négociations. Il a aussi listé les différentes difficultés au niveau procédurier pendant les deux semaines de négociations.La Coalition des Nations à Forêts Humides Tropicales a aussi exprimé son soutien sur la déclaration du groupe 77 et la Chine sur les  engagements pré-2020 des pays développés.

Le groupe des négociateurs africains a lui aussi appuyé la déclaration du Groupe 77+Chine et aussi exprimé son mécontentement concernant le manque d’action accélérée pour la période pré-2020. « L’amendement de Doha, une décision du protocole de Kyoto, n’est toujours pas mis en œuvre et les moyens de mise en œuvre des pays en développement régressent », explique l’ambassadeur Nafo.

Perspective

Finalement, avant 7 h du matin,  le Président de la COP donne ses conclusions,  après que tous les délégués aient pris la parole, notamment l’Union Européenne (qui a encore une fois affirmé cette année vouloir ratifier l’amendement de Doha), les Petits Etats Insulaires en Développement, l’Australie, les Pays les Moins Avancés, l’Iran, le Mexique, le Perou, et la société civile qui avait évoqué plus tôt dans la journée le déséquilibre des actions de réduction de gaz à effet de serre entre les pays développés et en développement.

Point résolu : la question des pertes et dommages. Mais, cette fois-ci  les ministres ne sont pas intervenus selon Seyni Nafo.« Le programme sur 5 ans a été adopté : il va y avoir un forum annuel, il va y avoir un dialogue des experts sur la finance, sur le soutien et un groupe de travail sur la question des migration sera mis en place », fera remarquer plus tard le chef des négociateurs africains dont le mandat s’est terminé à l’issue de cette COP.*

Pour la présidence de la COP 23, cette conférence des Nations Unies pour le climat est cependant un succès. « Nous quittons Bonn avec de remarquables réalisations : l’initiative sur la préservation des océans, l’accord historique sur l’agriculture, le plan d’action sur les femmes, les décisions en faveur des autochtones et des populations locales et nous nous sommes assurés d’obtenir plus de sécurité financière pour le fonds d’adaptation : je suis d’ailleurs heureux de voir que le fonds d’adaptation serve l’accord de Paris, précise le Président de la COP 23. Toutefois, pour les négociateurs africains, les 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour le financement des plans d’action nationaux semblent difficiles à atteindre, même si cette question, qui devrait faire l’objet de discussions poussées en 2018, a été évoquée lors de consultations et dialogues parallèles. «  Cela restera une chimère », a lancé un négociateur africain sous couvert d’anonymat.

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La présidence du groupe de négociateurs africains revient cette année pour deux ans à l’Egypte.

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Cet article a été publié sur le site ERA Environnement.

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