Le colloque sur l’Antarctique qui se tenait le 29 juin dernier à l’Institut océanographique de Paris a été l’occasion de rendre hommage au rôle pionnier de Michel Rocard, Premier ministre, puis ambassadeur des Pôles, dans la défense du continent blanc.
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par Laurent Samuel
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Ce colloque, tenu à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Michel Rocard, était organisé par l’Institut Océanographique/ Fondation Albert Ier Prince de Monaco, la Fondation Prince Albert II de Monaco, l’ONG Pew Charitable Trusts, et la Coalition pour l’Antarctique et l’Océan Austral (ASOC), avec le soutien logistique du Varda Group de Rémi Parmentier. Ainsi que l’a précisé à la tribune Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique, l’objectif était aussi de faire connaître les initiatives de la France, de l’Australie et des pays européens en faveur d’un réseau d’aires marines protégées en Antarctique.
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En préambule, un message vidéo du Prince Albert II de Monaco rendant hommage à Michel Rocard a été diffusé, suivi d’une vidéo de l’ancien Premier ministre, reçu dans ces mêmes lieux il y a 2 ans, dans lequel il affirmait que l’ Antarctique est un « bien public universel » à défendre
avec énergie.
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Stephan Brady, ambassadeur d’Australie en France, a ensuite pris la parole pour rappeler que le protocole de protection de l’Antarctique (signé à Madrid en 1991 et entré en vigueur en 1998) avait été rendu possible par la coopération franco-australienne nouée alors que Michel Rocard était Premier ministre, et pour affirmer l’engagement de son pays pour les aires marines protégées et le respect de l’interdiction de l’activité minière dans ce continent.
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Une première table ronde, animée par Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom, a réuni trois acteurs impliqués dans l’interdiction des forages et mines en Antarctique : Jim Barnes, cofondateur et directeur exécutif de l’ASOC, Kelly Rigg, coordinatrice de la campagne Antarctique de Greenpeace entre 1984 et 1992, aujourd’hui co-directrice du Varda Group, et Brice Lalonde, ministre de l’Environnement de 1988 à 1992 dans les gouvernements de Michel Rocard et Edith Cresson, aujourd’hui président de l’Académie de l’eau.
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Jim Barnes a souligné le rôle de l’ASOC, créée en 1978, contre la Convention pour l’exploitation de minerais signée en juin 1988, mais tuée dans l’oeuf en 1989 avec l’annonce par Hawke (Premier ministre australien) et Rocard qu’ils ne la ratifieront pas. L’ASOC a aussi beaucoup oeuvré pour le protocole de protection de l’Antarctique.
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De son côté, Kelly Rigg a évoqué les manifs de Greenpeace dans les villes occidentales, l’installation d’une station scientifique en Antarctique, les expéditions contre les pistes aériennes. Brice Lalonde, quant à lui, a raconté que Rocard adorait la mer, était passionné par la planète et (fait rare dans la classe politique française !) parlait bien anglais. Pour ce protestant, il faut effacer la tache de l’affaire Greenpeace encore toute récente (1985) en renouant des relations avec l’Australie, où Brice Lalonde est envoyé pour inviter en France le Premier ministre Hawke. Dans un contexte où le GIEC vient d’être créé et où Time a déclaré la Terre « planète de l’année », la campagne pour la défense de l’Antarctique est menée par le Commandant Cousteau (dont la pétition, bien avant les réseaux sociaux, rassemble plus d’un million de signatures en un mois !), Greenpeace et soutenue par le Quai d’Orsay.
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Une deuxième table ronde était consacrée au « continent en changement » que constitue l’Antarctique. Thomas Stocker (université de Berne) a insisté sur la fonte des glaces, la perte massive de masse du continent, le réchauffement eaux et l’acidification progressive de l’océan austral. Françoise Gaill (plate-forme océan et climat) a indiqué que l’élévation estimée du niveau de la mer est passée de 60 cm à 2 m en dix ans, et que la disparition de la couche de glace entraîne une baisse du nombre de manchots empereurs. Anne-Catherine Ohlmann (université de Grenoble) a présenté le projet Ice Memory, archive mondiale de carottes de glaces des glaciers les plus menacés partout dans le monde, qui seront stockées en Antarctique, notamment à la base Concordia. Un projet franco-italien qui s’étend au niveau mondial.
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Dans une allocution à la fois vivante et documentée, Serge Ségura, Ambassadeur chargé des océans, a évoqué l’histoire de la présence française en Antarctique de la fin du XIXe siècle à nos jours (lire ici sa récente tribune dans le Monde : Haute mer : « On ne veut pas transformer les océans en aquarium »).
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La dernière table ronde a été consacrée aux aires marines protégées. Le Pr Philippe Koubbi (Muséum d’histoire naturelle de Paris) a souligné qu’elles sont nécessaires à cause du changement climatique, avant de les passer en revue (Orcades sud, Mer de Ross…). Anne Gaelle Verdier a présenté les TAAF (Terres australes et antarctiques française), « un gouvernement local sur 2 millions de km 2 », riches de très fortes concentrations d’oiseaux marins (47 espèces), de mammifères marins, d’invertébrés, de flore… Les TAAF ont créé une réserve naturelle de 672 969 km2, essentiellement marine, qui est la 6e aire marine protégée au monde en termes de surface, et est candidate pour la liste verte de l’Uicn et le patrimoine mondial de l’UNESCO.
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Les débats de cette riche journée ont été conclus par Nicole Aussedat (JNE) au nom de l’ASOC, et par l’explorateur Jean-Louis Etienne qui a présenté son projet Polar Pod d’exploration de l’Antarctique (lire ici l’article de Muriel Labrousse sur Media Peps).
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La présence de nombreux « grands anciens » de Greenpeace (dont Rémi Parmentier, Kelly Rigg, Arnaud Apotheker…) a aussi permis de rendre un hommage informel au rôle de cette ONG dans le combat pour la protection de l’Antarctique.
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Cet article a été publié sur le site Media Peps (lire ici). Un résumé complet en français de la conférence est disponible ici.
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