Voilà une enquête sur les abattoirs, de l’intérieur. Le journaliste Geoffrey Le Guilcher a réussi à se faire embaucher grâce à un CV quelque peu manipulé. Il commence ce job le 18 juillet 2016. Il y restera 40 jours. Bien sûr, il n’est pas à la tuerie – une vache abattue toute les minutes – isolée du reste de l’usine mais sur la chaîne qui suit la même cadence infernale. Chaque ouvrier doit « traiter » une vache par minutes. Ce rythme absurde engendre aussi bien la maltraitance animale qu’humaine d’ailleurs peu d’ouvriers franchissent la cinquantaine en bonne santé. Avec les gestes répétitifs, le canal carpien et les tendons des épaules s’usent de façon accélérée.
Geoffrey Le Guilcher a non seulement partagé le quotidien des ouvriers mais aussi, avec certains, les temps de loisirs. Les ouvriers d’abattoirs sont généralement appâtés par le CDI qui leur est proposé et d’autres avantages en voie de disparition ailleurs : le treizième mois, des primes d’assiduité et d’intéressement, de jolis cadeaux à Noël.
Geoffrey Le Guilcher parle également du rapport du consommateur à la viande. Généralement, il ne veut pas savoir. L’abattoir est un espace clos hors de la ville. La mort qui y règne est occultée. Les ouvriers ne parlent pas de la souffrance animale, bien qu’une formation de sept heures sur le sujet soit obligatoire depuis le 31 juillet 2012. Dans les faits, près d’une vache sur six et un veau sur quatre peuvent quitter la saignée dans être morts. Ces bêtes inachevées peuvent avoir une réaction dangereuse mais le silence est de mise. Les ouvriers d’abattoir ne font pas cela par plaisir mais pour gagner leur vie. Alors, il leur faut tenir et surtout, ne pas trop penser. La lecture de ce livre sobre est édifiante.
Éditions de la Goutte d’or, 170 pages, 12 € – www.editionsgouttedor.com
Contact : editionsgouttedor@gmail.com
(Danièle Boone)