Roland Bechmann s’est éteint le 25 janvier 2017, après cinq années rendues difficiles par la mort de sa femme Martine. Pour la communauté des protecteurs de la nature, Roland Bechmann restera l’homme de l’association Aménagement et Nature et de la revue du même nom.
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par Roger Cans
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Né le 1er avril 1919 à Paris, Roland Bechmann est le fils d’un architecte reconnu, qui a entre autres construit la Cité internationale de Paris, conçue pour accueillir les étudiants étrangers derrière le parc Montsouris. Lui aussi deviendra architecte, mais, alors qu’il n’est seulement qu’élève-architecte, il passe une licence ès-lettres – dont trois certificats d’histoire – à la Sorbonne, où il a comme professeur Marc Bloch. Par la suite, l’historien Jacques Le Goff l’encourage dans ses recherches sur l’influence des différents facteurs du milieu (ou de l’environnement) sur les méthodes de construction et l’évolution de formes de l’architecture au Moyen-Age, thème de son doctorat en géographie.
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Survient la guerre. Roland Bechmann, amoureux de la montagne depuis toujours, rejoint en 1943 le maquis du Vercors, où il retrouve l’écrivain Jean Prévost, grand prix de littérature de l’Académie française. Lors d’une offensive allemande, le 1er août 1944, Jean Prévost est tué à la tête d’une compagnie des Forces françaises de l’intérieur. Il avait 43 ans. Roland Bechmann sera par la suite décoré de la Croix de guerre avec citations à l’ordre de l’armée et nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire. En 1960, il va animer l’association des amis de Jean Prévost, à laquelle adhère Haroun Tazieff, « un admirateur de Jean Prévost depuis les années trente », notamment pour sa culture du sport.
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Dès lors, Roland Bechmann se lance dans une carrière d’architecte originale, tant en France qu’en Afrique. Il construit de nombreux ensembles de logements sociaux, dont un resté fameux en Mauritanie. En 1969, il dessine les plans d’un lycée agricole, près d’Avignon, qui sera ensuite inscrit à l’inventaire des Monuments historiques.
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La vocation « écologiste » de Roland Bechmann survient au début des années 1960, lorsqu’il se porte candidat pour l’aménagement de la vallée de Saint-Martin-de Belleville, en Savoie, près du parc national de la Vanoise en préparation. A cette occasion, l’architecte ne se contente pas de soumettre ses plans. Il réunit une équipe pluridisciplinaire qui comprend des architectes, des urbanistes et un ingénieur agronome. Cette équipe parcourtl e terrain à pied, survole la vallée en avion, étudie les sols et la géologie, consulte les documents historiques, rencontre les habitants et leurs élus. Le projet d’aménagement qui en résulte surprend par son ampleur « multifonctionnelle ». Le représentant du ministère de l’agriculture, Paul Harvois, est séduit par le projet, mais l’administration penchera finalement pour un projet plus classique, genre « Sarcelles des neiges ».
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Roland Bechmann rencontre tout de même le ministre, Edgard Pisani, toujours ouvert aux idées nouvelles, qui lui dit : « Vous devriez créer une association car, dans les ministères, on n’a pas le temps de réfléchir ». L’architecte prend alors contact avec les associations existantes, comme la SNPN à Paris ou la SEPNB en Bretagne. Il leur propose de fédérer tous ceux qui se préoccupent d’aménagement du territoire et de protection de la nature. Mais le mot « aménagement » fait peur aux protecteurs. Roland Bechmann réunit donc chez lui, le 28 juin 1964, une soixantaine d’architectes, urbanistes, professeurs, médecins et professionnels divers soucieux de réfléchir à l’avenir. La journée, intitulée « Nature et Développement », est présidée par Eugène Claudius-Petit, ancien ministre de la Construction. Parmi les participants, on retrouve Serge Antoine (DATAR), Paul Harvois, Pierre Joxe, commissaire au Plan, Pierre Cot, ancien ministre et conseiller général de Savoie, des professeurs de la Sorbonne et un militant de la protection de la nature, Jean-Baptiste de Vilmorin, directeur de la SNPN.
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Le groupe adopte un nom qu’il garde jusqu’en 1979 : Association pour les espaces naturels et les parcs nationaux. Il se fixe quatre objectifs : 1) Promouvoir l’inventaire général du patrimoine naturel, des sites à préserver et des vocations des sols. 2) Harmoniser, moderniser et compléter les textes visant à la protection de la nature et du cadre de vie. 3) Inclure dans tous les projets d’aménagement ce qu’on appellera plus tard une étude d’impact. 4) Introduire dans l’enseignement ces notions nouvelles.
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Dès cette année 1964, Roland Bechmann publie une revue appelée Aménagement et Nature, d’abord boudée par les protecteurs de la nature qui refusent le mot « aménagement ». Tant pis. La revue va traiter des thèmes environnementaux (les zones côtières, les résidences secondaires, industrie et paysage rural, les études d’impact, etc.)
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Pour son premier anniversaire, en 1965, l’association organise à l’abbaye de Royaumont deux journées d’étude sur « L’homme et la nature ». On y entendra Bertrand de Jouvenel demander que l’on fasse entrer la nature dans la comptabilité nationale, puis une communication sur les pollutions dues au transport de pétrole – deux ans avant le naufrage du Torrey-Canyon !
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De son côté, Roland Bechmann se lance dans la publication d’ouvrages qui lui tiennent à cœur, concernant le Moyen-Age. En 1981, il publie Les racines des cathédrales (Payot), inspiré de sa thèse de géographie soutenue en 1978. Il veut montrer que les cathédrales gothiques ne sont pas nées des caprices d’un architecte, mais sont le fruit de leur milieu, de leur époque, des circonstances géographiques, politiques, sociales, des changements de l’agriculture et de l’exploitation du bois. Il récidive en 1984 avec Des arbres et des hommes : la forêt au Moyen-Age (Flammarion). En 1986, il publie en collaboration le Carnet de Villard de Honnecourt XIIIe siècle, récompensé par l’Académie française. En 1991, il publie enfin Villard de Honnecourt, la pensée technique au XIIIe siècle et sa communication (Picard, 1991). Il décrit là les machines et engins de siège fabriqués en bois, qui seront aussi utilisés pour la construction des cathédrales.
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A la fin de sa vie, Roland Bechmann écrit une « fiction prospective écolo-satirique », L’arbre du ciel (HB Editions 1997) qui sera repris en poche au Serpent à Plumes en 2000. Jusqu’à la fin, il réunit chez lui le comité de rédaction d’Aménagement et Nature, et charge son petit-fils Nils Ferrand, de scanner tous les articles pour les mettre en ligne.
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Pionnier de l’environnement, Roland Bechmann a constamment défendu une idée chère : la protection de l’environnement ne doit pas être confinée aux militants locaux, mais doit devenir l’affaire de tous, y compris dans les sphères gouvernementales.
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