Ce jeudi 19 janvier 2017, une rencontre était organisée par Pierre Lefèvre (JNE) avec le concours de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité à l’Institut des sciences de la communication CNRS pour faire un bilan de la treizième COP biodiversité qui s’est tenue à Cancun du 4 au 17 septembre 2016.
par Danièle Boone
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Après une rapide présentation, Pierre Lefèvre a donné la parole à Pierre-Édouard Guillain, directeur de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB). Il avait pour mission de rappeler l’histoire de la COP biodiversité. Cette conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) est une sœur moins connue de la Convention sur le Climat.
Il existe une troisième Convention sur la lutte contre la désertification, elle aussi peu connue. Ces trois conventions ont été adoptées lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.
Placée sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), la COB se réunit tous les deux ans. 196 pays en font partie, soit la quasi-totalité des pays à l’exception des États-Unis, observateur néanmoins très actif. La conservation de la nature, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques sont les trois objectifs de la CDB.
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Le plan stratégique pour la biodiversité pour 2011-2020
En 2010 a été adopté un plan stratégique pour la biodiversité pour 2011-2020 qui invitait les Etats à élaborer des plans de stratégie pour la biodiversité. C’est dans ce cadre que la France a adopté sa stratégie nationale pour la biodiversité, avec 20 sous-objectifs. Un des gros enjeux de la CDB est de couvrir tous les aspects de la biodiversité (exploitation forestière, gestion des eaux, océans, territoires très exposés des zones intertropicales, etc.), ce qui explique que cela devient vite un immense chaudron de réflexions et d’échanges.
Il y a des objectifs assez forts comme la suppression en 2020 des subventions dommageables à la biodiversité ou la création d’un espace protégé couvrant au moins 17 % de la surface terrestre et 10 % des océans. Et puis il y a une stratégie de mobilisation financière, notamment un doublement de l’aide au financement de la biodiversité dans les pays du Sud. C’est aussi un moment pour inciter les questions de biodiversité à s’internationaliser. Publication également de cahiers techniques assez reconnus dans le sérieux et l’aide qu’ils peuvent apporter
La CDB a poussé le sujet du principe de précaution en disant que ce n’est pas parce qu’on n’a pas de certitudes scientifiques qu’il faut repousser des mesures qui vont dans le sens de la réduction des menaces sur la biodiversité ou ne pas mettre en œuvre la création d’aires protégées. C’est également une convention qui n’est pas que protection la nature mais qui essaie aussi de regarder les implications sur les systèmes économiques, les systèmes sociaux. C’est pourquoi il est donné une grande place aux populations autochtones et locales (Article 8J).
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Une COP intermédiaire
Cette année à Cancun, le thème principal était l’intégration des politiques de biodiversité dans tous les autres secteurs économiques – forêt, agriculture, pêche et tourisme. Il y a ainsi eu des grands forums d’échanges avec des rapprochements d’experts.
C’était une COP intermédiaire et l’occasion de faire le point sur les objectifs d’Aichi adoptés lors de la conférence tenue en 2010 dans la ville japonaise du même nom. Ces 20 objectifs rassemblés dans un plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 s’inscrivent dans une vision à long terme où la diversité biologique est valorisée, conservée, restaurée et utilisée avec sagesse, en assurant le maintien des services fournis par les écosystèmes, en maintenant la planète en bonne santé et en procurant des avantages essentiels à tous les peuples.
La gestion des problèmes de biodiversité entre pays a été l’une des questions importantes abordées à Cancun. Des questions sont à régler en commun lorsqu’on partage de la biodiversité ou que la biodiversité circule entre pays. C’est le cas de la biologie de synthèse qui était un des sujets de discussions assez ardues. La mise en application du protocole de Nagoya (partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques) était un autre point important. Il y a en effet une frustration d’un certain nombre de pays qui possèdent de la biodiversité et voient des gens prélever, utiliser et identifier les connaissances traditionnelles ou des ressources génétiques (principes actifs de plantes, venin, etc.) pour fabriquer des produits qui génèrent beaucoup d’argent alors que ceux qui ont la ressource n’en tirent aucun avantage. Ils souhaiteraient donc qu’il y ait un rééquilibrage, pas forcément monétaire d’ailleurs. Cela pourrait être aussi de l’échange de savoir.
Après cette première intervention dense, Pierre Lefèvre a donné la parole à Xavier Sticker, ambassadeur français délégué à l’environnement qui a parlé entre autres des objectifs d’Aïchi et du protocole de Carthagène sur la biosécurité. Il nous a également annoncé que la prochaine COP biodiversité se tiendrait en 2018 en Égypte.
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Les droits des peuples autochtones
Sandrine Bélier, directrice de l’association Humanité et Biodiversité, a ensuite parlé du droit des peuples autochtones, détenteurs et utilisateurs d’importantes ressources génétiques, la France avec ses territoires d’Outremers étant très concernée. Elle a la particularité d’être à la fois détentrice et utilisatrice, ce qui lui donne un rôle très particulier au sein de l’Europe. Toutefois, elle bloque avec le Danemark pour accorder des droits particuliers à ces peuples à cause de gros enjeux économiques, les brevets notamment. Le secteur économique n’était pas du tout favorable à l’adoption du protocole de Nagoya car cela leur fait perdre un certain nombre d’avantages. Le problème de la biopiraterie est posée car déposer des brevets et imposer des royalties ensuite à des populations qui détenaient et utilisaient une ressource naturelle génétique comme dans le cas du haricot jaune, où des paysans, pendant des centaines d’années, ont cultivé cette espèce essentielle et s’en nourrissent au Mexique. C’est ce type de situation que veut arrêter le protocole de Nagoya.
Côté acteurs économiques, la donne n’est pas la même qu’avec le climat, remarque Sandrine Bélier. Autant sur le climat, on peut expliquer que cela amène un bouleversement mais, que dans le même temps, la transition amène de l’activité. Prendre en considération les enjeux de biodiversité suppose des changements de pratiques profondes qui ne vont pas apporter d’avantages financiers immédiats ou vont apporter des avantages financiers et économiques à d’autres secteurs. Ainsi dans le domaine de l’agriculture, c’est le développement de l’agriculture biologique ou de l’agroforesterie au détriment de l’agriculture industrielle. C’est bien là la difficulté des négociations en faveur de la biodiversité.
Didier Babin, président pour la France du Comité Man and Biosphère (MAB), succède à Sandrine Bélier. Il suit la COP biodiversité depuis 2001. Cancun était donc sa huitième COP. Pour lui, la COB n’est pas une convention qui traite de l’environnement en tant que tel, mais c’est la première convention qui traite de développement durable. Dès le début, la négociation sur la convention était véritablement de lier le développement et la protection de l’environnement. C’était dans la suite de la conférence de Stockholm (1972) qui était le début de ces réflexions au niveau des Nations Unies.
On a eu un cycle 72 – 82 – 92 et ces trois conventions, et puis il y a eu Rio +20. L’objectif fixé en 2002 était d’inverser la tendance en termes de biodiversité et l’Union européenne s’était engagée à stopper l’érosion de la biodiversité en 2010, donc les renégociations de 2010 étaient basées sur un échec. On s’est aperçu qu’avec la façon dont on s’y était pris, on ne pouvait pas stopper ni même inverser les tendances. Et pourtant, tous les scientifiques s’accordent pour dire que la biodiversité, c’est la base d’énormément d’activités économiques et la survie des pays en voie de développement, de leur alimentation, de leurs médicaments, de leurs habitations. Grâce à de nombreux rapports scientifiques, on sait que si la tendance à la dégradation continue, les conditions de vie de l’humanité, stables depuis plus de 10 000 ans, risquent d’être tellement bouleversées qu’on ne peut pas savoir où l’on va.
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Les protocoles
Les seuls textes contraignants dans les conventions internationales, ce sont les protocoles. Le reste ce sont des décisions, c’est à dire que les pays qui vont s’engager à faire des actions, à mettre en œuvre un certain nombre de choses n’ont pas de contraintes s’ils n’atteignent pas leur objectif. C’est pour cela que la négociation de protocoles dans ces négociations internationales est essentielle.
Le protocole de Nagoya (partage juste et équitable des avantages) et le protocole de Carthagène (protocole négocié en 2000 et mis en œuvre en 2003 sur les échanges internationaux en termes d’organismes vivants modifiés et les risques par rapport à la biodiversité) sont sur des questions liées aux biotechnologies. Selon Didier Babin, l’enjeu pour la suite de cette décennie 2010-2020, c’est d’inclure dans la prochaine décennie de négociations pour 2030, un protocole qui obligerait les pays à utiliser durablement la biodiversité.
Suivent beaucoup de questions concernant des entreprises qui sont présentes sur la COP biodiversité ou bien encore à propos de la diversité. On parle en effet tout le temps de biodiversité, mais pas de la diversité en tant que telle alors qu’elle est le moteur du vivant. On n’a pas su encore démontrer pourquoi la diversité est nécessaire, comment elle permet d’assurer la résilience des écosystèmes, de la distance et de l’innovation.
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Biologie de synthèse
Barbara Livorei et Jean-François Silvain de la FRB nous parlent ensuite de l’un des sujets majeurs abordés à la COP biodiversité, la biologie de synthèse. Une définition en a été donné à Cancun : « la biologie synthétique est un nouveau développement et une nouvelle dimension de la biotechnologie moderne, qui combine la science, la technologie et l’ingénierie pour faciliter et accélérer la compréhension, la conception, la restructuration, la fabrication et/ou la modification de matériaux génétiques, d’organismes vivants et de systèmes biologiques ».
On connait tous les OGM. Les biotechnologies ne sont pas récentes, le fait de manipuler le vivant, de faire des croisements, des hybrides, des greffes, des portes-greffes, cela a toujours existé, mais on a une progression des techniques parce que la recherche progresse énormément ,notamment avec l’arrivée de nouvelles technologies comme CRISPR-Cas9 ou Gene drive, efficaces, faciles, rapides, bon marché et peu ou pas traçables. On entre de plus en plus dans le génome, dans les gènes.
L’avantage de la COP biodiversité, c’est que, pour une fois, on a beaucoup anticipé grâce au processus des questions émergentes où un Etat membre, accompagné en général de plusieurs autres, peut déposer une demande de questions auprès de la COP. Or, cela fait plusieurs années que la biologie de synthèse a été déposée et a reçu un accueil très mitigé. Les organismes vivants modifiés sont soumis au protocole de Carthagène qui permet leur règlementation. Un réseau international de laboratoires a également été mis en place afin d’identifier les risques.
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Les espèces exotiques envahissantes
Maïté Delmas du Muséum National d’Histoire Naturelle parle maintenant des espèces exotiques envahissantes. Sur les 1 2000 espèces exotiques d’Europe, 10 % sont envahissantes. Dans le règlement européen, les champignons sont inclus. Ces espèces se maintiennent sans interventions humaines et ont des influences négatives sur tous les écosystèmes. Elles sont la troisième cause de perte de biodiversité dans des écosystèmes fragiles comme les îles. Certaines d’entre elles, comme l’ambroisie, ont un impact sur la santé humaine. Le constat est fait. Il faut mettre davantage de moyens pour la recherche des risques. Il faut agir sur les espèces les plus problématiques et également agir en amont pour empêcher si possible l’arrivée sur le territoire de ces espèces exotiques.
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La financiarisation de la nature
Didier Babin termine cette matinée très dense avec la financiarisation de la nature. On a d’abord essayé de mettre un prix à la nature de façon à ce que cela soit présent dans la discussion pour le processus de décision. Cela a mis en évidence, notamment, le fait qu’il y a des choses qu’on ne paye pas et qui peuvent avoir une valeur. Le prix donné à la nature, c’est lorsqu’il y a des échanges marchands. Divers facteurs donnent de la valeur à la biodiversité, mais qui ne font pas partie de la sphère marchande et il existe un certain nombre de techniques pour essayer de mettre une somme en face des valeurs non marchandes.
A partir de 2005, la biodiversité est prise en compte en termes de services. C’est à ce moment qu’a émergé la question des services écosystémiques. Au delà de la présence d’une espèce, éléphant, tigre ou moustiques, il y a des services apportés par les écosystèmes qui ne sont pas forcément pris en compte dans l’économie.
Enfin, au début de ce phénomène de financiarisation, on mettait en avant la valeur de la biodiversité, maintenant on tient plutôt compte de son coût, restauration, remise en état de ces éco-systèmes.
A la fin de ces débats très riches, plusieurs d’entre nous, restent et discutent avec les intervenants. Preuve s’il en est de l’intérêt de cette rencontre autour de la COP 13.
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