Nous avons la tristesse d’apprendre la disparition de notre ami Pierre Pfeffer, survenue le 29 décembre à Paris. Grand zoologiste, il participa à l’émission de télévision Les animaux du monde à la fin des années 1960 et fut l’un des premiers membres de notre association créée en 1969. Ardent défenseur des animaux, celui qui fut également président du WWF, lança la campagne Amnistie pour les éléphants au sein de la Société Nationale de la Protection de la Nature (SNPN) en 1987. En cette fin d’année où la Chine vient d’annoncer l’interdiction du commerce de l’ivoire, souhaitons que son combat n’aura pas été vain. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille. Voici sa biographie publiée dans l’Annuaire 2014 des JNE.
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par Roger Cans
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Né à Paris en 1927, Pierre Pfeffer suit sa mère journaliste en Union Soviétique, et, déjà passionné d’animaux, adhère au cercle des Jeunes Naturalistes de l’école primaire qu’il suit à Moscou et se voit chargé de l’élevage des couleuvres ! Revenu en France à la veille de la guerre, Pierre Pfeffer s’engage à 16 ans, en 1944, dans les maquis FFI de l’Ardèche, puis, lorsqu’elle débarque en France, dans la première armée française du général De Lattre et participe aux campagnes de France, d’Allemagne et d’Autriche, dans le 19e Bataillon de Chasseurs (!) à pied. Sa première université, c’est donc la guerre et ses combats au cours de laquelle il ne rate cependant pas l’occasion d’observer la faune, notamment celle des montagnes d’Autriche.
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Démobilisé, il reprend le lycée au niveau du bac et sur recommandation de Théodore Monod, part en 1959 en Côte d’Ivoire, en tant que « naturaliste-voyageur » chargé de collecter des spécimens de faune pour le Muséum de Paris. Parmi ces « spécimens », il est malheureusement dans l’obligation, à la demande de l’administration française, d’abattre à deux reprises un éléphant blessé par des braconniers et ayant causé des accidents parmi les paysans africains. De là naît son premier intérêt pour ces animaux et les problèmes que posent leurs relations avec l’homme.
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De retour en France, il se lance sur le tard dans des études de sciences naturelles à la Sorbonne. Attaché au Muséum en 1957 et assistant de biologie animale à la faculté des sciences, il part pour un premier séjour (1955-1957) en Indonésie dans le centre de Bornéo et les Petites îles de la Sonde où il se consacre à l’étude du varan de Komodo et en fait son mémoire de DES en 1958. L’année suivante, il est nommé stagiaire, puis attaché de recherches au CNRS et travaille d’abord au laboratoire des Reptiles et Poissons du Muséum (professeur J. Guibé), puis définitivement cette fois, à celui des Mammifères et Oiseaux (professeur J. Berlioz).
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En 1963, il publie son premier ouvrage : Bivouacs à Bornéo. En 1966, sa thèse de doctorat porte sur le mouflon de Corse (« Systématique, écologie et éthologie comparées »), fruit de quatre années d’observations dans le massif de Bavela dans le centre de l’île. Il devient alors, presque malgré lui, spécialiste des ongulés montagnards d’Europe, mais aussi de ceux des forêts d’Asie et d’Afrique.
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Contacté par le journaliste François de la Grange, Pierre Pfeffer se lance aussi, malgré les objections de certains de ses collègues, dans les émissions animalières de la télévision, présentant à partir de 1969, l’émission Les animaux du monde sur la 1ère chaîne, puis Des animaux et des hommes sur A2. En 1969, il devient maître, puis directeur de recherches au CNRS, section « écologie ». Avec Théodore Monod et Jean Dorst, il milite activement pour l’écologie et la protection de la nature, mais à leur grande déception, ils ne sont que trois à s’engager dans cette direction sur les quelque 300 scientifiques du Muséum !
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Pierre Pfeffer a également été président du WWF France et membre du bureau international, ainsi que coordinateur de l’UICN et du PNUE pour les aires protégées d’Afrique occidentale et centrale. En France, il a été membre et secrétaire du Conseil national pour la protection de la nature au ministère de l’environnement. Egalement président du comité scientifique du parc national du Mercantour (Alpes Maritimes), il a eu, en 1992, la responsabilité d’identifier le premier loup tué en France et de confirmer, dans un cadre polémique dont on se souvient, la présence de l’espèce dans notre pays. Jusqu’à sa mort, il a plaidé pour sa protection, ainsi que pour celle de nombre d’autres espèces menacées, dont bien sûr, les éléphants !
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