Pétrole et changement climatique : l’accord de Vienne fait oublier celui de Paris

Dans les quatre ans à venir, l’investissement des grandes villes du monde pour lutter contre le changement climatique atteindra 375 milliards de dollars consacrés au remplacement des énergies fossiles par les énergies propres, telles que l’énergie solaire et l’énergie éolienne.

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par M’hamed Rebah

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c40_mayors_summit_2016C’est l’annonce faite à Mexico, jeudi 1er décembre 2016, par le groupe C40, qui est un réseau rassemblant les maires de grandes villes du monde. Le même jour, à Alger, une émission de Canal Algérie, chaîne de télévision publique, diffusée en direct, consacrée à l’Accord de Vienne conclu la veille par les pays exportateurs de pétrole, montrait, à travers un débat d’experts, que les préoccupations, chez nous, étaient plutôt centrées sur ce que pouvait rapporter encore la vente de cette énergie fossile.

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Il y a eu, durant le débat, quelques allusions furtives aux énergies renouvelables, mais l’impression qui s’est dégagée des échanges laisse penser que l’Accord de Vienne, qui redonne espoir aux pays qui vivent de l’exportation du pétrole, a fait oublier l’Accord de Paris qui consacre une démarche, en sens contraire, de réduction de l’utilisation des énergies fossiles – et le pétrole en est une par excellence – dans la perspective d’aller partout vers une économie non carbonée.

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La grande crainte exprimée au cours du débat de Canal Algérie est liée au degré de fragilité de l’Accord de Vienne, dont la décision de réduire les quantités de pétrole sur le marché mondial, risque d’être remise en cause par le nouveau président américain élu, Donald Trump, qui a promis d’engager les Etats-Unis dans le « tout fossile » sans limite, gaz de schiste, évidemment, compris.

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Quant à l’Accord de Paris (ratifié par l’Algérie le 13 octobre 2016), entré en vigueur le 4 novembre 2016 à la veille de la COP22 (22e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Marrakech, Maroc), il n’a pas été cité par les experts présents au débat, alors qu’il est sérieusement menacé par le même Trump qui pourrait en faire sortir son pays, et annuler ses engagements de financements « climat ». Il a dit que le changement climatique est un « canular ».

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Par beaucoup d’aspects, la démarche « politique » de lutte contre le changement climatique manque de crédibilité, voire de sérieux, à cause des multiples contradictions qui la marquent. Ainsi, pour la COP22, la mise en œuvre de l’Accord de Paris est vue comme une « priorité urgente », mais elle laisse un délai de deux ans pour en définir les modalités. Les pays de l’OPEP ne manquent pas une occasion pour souligner l’importance de promouvoir des alternatives énergétiques propres, ont signé et certains d’entre eux ont ratifié l’Accord de Paris, mais ils ne veulent pas ou ne peuvent pas abandonner le pétrole. De laborieuses tractations ont été nécessaires pour les amener à accepter de réduire leurs productions respectives de pétrole, et ce n’était pas pour des raisons climatiques mais pour faire remonter les prix, alimentant une spirale de production interminable puisqu’à 60 dollars le baril – qui est le niveau espéré par l’Accord de Vienne – les investisseurs seront encouragés à reprendre leurs forages même pour le non conventionnel, gaz et pétrole de schiste.

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Les investisseurs, ce sont les sociétés pétrolières qui, en même temps, c’est le cas de BP, Statoil et Royal Dutch Shell, affirment qu’elles veulent agir pour le développement des énergies renouvelables. En Algérie, il est question de confier la réalisation du programme de développement des énergies renouvelables à Sonatrach dont l’objectif prioritaire, pour le moment, est de développer ses capacités de production…d’hydrocarbures. Dans le système mondial actuel, la lutte contre le changement climatique s’efface devant l’impératif de l’accroissement des recettes d’exportations de pétrole tirées par une forte demande destinée à répondre aux besoins des pays consommateurs, tous deux, pays producteurs et consommateurs, engagés dans une compétition internationale qui exige toujours plus de croissance économique. Sans être spécialement dominée par les climato-sceptiques, l’opinion publique, en Algérie, ne montre pas un grand enthousiasme pour la lutte contre le changement climatique. Dans les médias algériens, les contributions sur le projet de loi sur la retraite ont eu plus de lectures que celles, très rares, publiées sur le thème de la COP22. Il reste aux écologistes soit la consolation que procure le vœu pieux de changement de paradigme, soit l’action persévérante, et coordonnée, pour renforcer les dynamiques locales qui finiront par consacrer ce changement de paradigme.

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Cet article a été publié le lundi 5 décembre 2016 dans la Nouvelle République (Algérie).

Pour en savoir plus sur la COP 22, voir le dossier de la SERE (cliquez ici).

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