COP 22 : vers de nouvelles perspectives de développement durable

Sans déroger aux règles de négociations sur le climat, la COP 22 s’est terminée par deux longues soirées intenses, avec au bout un consensus, un programme et plusieurs interrogations.

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par Houmi Ahamed-Mikidache

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Les engagements

C’est dans un esprit courtois et de cohésion que se sont déroulées pendant deux semaines les discussions intenses, a souligné le président de la COP et ministre des affaires étrangères marocain, Salaheddine Mezouar.

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Séance finale de la COP22 à Marrakech, novembre 2016 – photo DR

L’enjeu était de taille : la mise en œuvre de l’accord de Paris. Annonces remarquées : l’initiative du Maroc pour l’eau en Afrique, l’initiative d’accès à l’énergie des pays les moins avancés, le financement de l’initiative d’accès à l’énergie en Afrique, l’initiative africaine pour l’agriculture, les 10 000 engagements financiers des dirigeants d’entreprises, soit plus de 8 trillions de dollars pour réduire les émissions de CO2, la fermeture des frontières des forêts par la Colombie pour lutter contre les conflits, l’engagement des villes pour réduire les émissions de CO2 de 1 gigatonne par an d’ici 2030, le programme de soutien résilient au climat des économies des océans en Afrique par la FAO, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement, la volonté de réduction de 7 gigatonnes à 3,1 tonnes d’ici 2030 par les transports, la signature des 130 maires du monde pour un système alimentaire durable pour les villes par l’agriculture.

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Autres initiatives : la présentation d’un outil d’évaluation sur la résilience qui permettra notamment d’établir des rapports qualitatifs normalisés à la Convention mondiale des maires sur les engagements relatifs à l’adaptation. Autres avancées : mise en place d’un nouveau cadre quinquennal au sein du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices et assistance technique et financière (baptisé African Package for Climate-Resilient Ocean Economies) pour soutenir les économies vivant de l’océan en Afrique et renforcer la résilience au changement climatique des zones côtières par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD).

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Les partenaires de la COP22 pour l’action sur les océans ont publié une feuille de route stratégique pour des mesures en faveur des océans et du climat de 2016 à 2021, qui propose une vision de l’action sur les océans et le climat au cours des cinq prochaines années pour six océans. Autres engagements : la création d’un fonds de 500 millions de dollars, « l’investissement de Marrakech pour l’adaptation », le fonds vert pour les femmes créé notamment par l’acteur Leonardo Di Caprio et l’émergence d’une finance verte en Afrique. Dix-neuf autorités et échanges de marchés de capitaux africains, représentant 26 pays africains, ont signé et approuvé l’Engagement de Marrakech pour l’encouragement des marchés de capitaux verts en Afrique.

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L’action

Après Paris, présentée comme la COP de la décision, Marrakech s’est présentée comme la COP de l’action. Grande nouveauté issue de la décision de l’accord de Paris : l’intervention pendant un an des championnes de haut niveau pour le Climat : la Ministre de l’environnement du Maroc Hakima El Haité et Laurence Tubiana, négociatrice en chef française. Objectifs : encourager les initiatives individuelles et collectives et faciliter les échanges entre les acteurs non-étatiques et étatiques.

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Hakima El Haité et Laurence Tubiana -Photo UNFCCC

« Nous avons trouvé des partenaires engagés et coopératifs : ces partenaires nous prouvent aujourd’hui par leurs réalisations, par leurs plans d’action que l’élan d’une transition vers un avenir sobre en carbone et vers une civilisation résiliente est irréversible », a déclaré Mme El Haité lors du Segment de haut niveau sur l’accélération de l’action.

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Plus de 5000 personnes se sont retrouvées dans la ville ocre. De nombreux événements à thèmes ont eu lieu en marge des négociations avec la présence significative notamment de négociateurs, de ministres, de chefs d’Etat et d’acteurs non étatiques.

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Un jour avant la fin de la COP 22, les championnes ont ainsi lancé le partenariat de Marrakech pour l’action globale pour le climat, une action initiée à partir du Sommet organisé en 2014 à Lima par le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, et suivie à Paris à travers l’agenda de l’action Lima-Paris.

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« Ce partenariat de Marrakech pour l’action globale ne nous appartient pas, il appartient à tous : c’est un espace de renforcement des ambitions et de collaboration qui comble les fossés », a expliqué Mme Tubiana qui a annoncé ne pas poursuivre sa carrière de négociatrice ainsi que ses actions au sein de la Convention sur le Climat à l’issue de la COP. Le partenariat de Marrakech couvrira les questions liées à l’utilisation des terres (agriculture, forêt…), à l’eau, aux zones côtières, à l’établissement humain, à l’énergie, aux transports et à l’industrie. Il appuiera l’action climatique au cours de la période 2017-2020.

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A Marrakech, tous les négociateurs saluent unanimement les avancées de l’action des championnes et le travail des Parties. « A Marrakech, nous avons fait de nombreux progrès, notamment dans les questions liées au genre et changements climatiques, le transfert de technologies et développement et le renforcement des capacités », indique le négociateur en chef de la République Démocratique du Congo, et président du Groupe des pays les moins avancés, Tosi Mpanu Mpanu.

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Quid du financement

Mais le financement climat destiné aux pays en développement a été au cœur des négociations pendant ces deux semaines. Autre problématique : l’ambition et la révision des plans nationaux. Conditionnés. La plupart des plans nationaux africains sont en attente de financement, même si d’après le président du Groupe des négociateurs africains, Seyni Nafo, la réponse climatique vient actuellement des Etats africains et de leur budget.

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A Marrakech, des solutions ont été apportées sur cette question : la coalition de pays en développement et développés et d’institutions internationales qui collaborent dans le but de s’assurer que les pays reçoivent le soutien technique et financier pour la mise en œuvre de leur plan d’action national.

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De nombreuses actions ont été mises en avant par les présidents africains lors du Segment de haut niveau et lors du Sommet africain pour l’action. Ils se sont même prononcés sur la nécessité d’un équilibre sur le financement de l’adaptation et de l’atténuation lors de la réunion de haut niveau sur le financement climat (demande du président de la Zambie, Edgar Lungu). Mais la réflexion sur l’équité entre le financement de l’adaptation et de l’atténuation reste en suspens et pose question sur le financement climat, selon la société civile. D’après Tracy Carty d’Oxfam Angleterre, il n’existe pas à ce jour, de procédure commune permettant de comptabiliser le financement climat. La notion des prêts notamment n’est pas évaluée de la même manière en fonction des pays.

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Pour M. Mpanu Mpanu, il est important de mobiliser des financements publics pour des activités d’adaptation. « Nous demandons aux pays développés d’augmenter le fonds d’adaptation pour les pays les moins avancés, un fonds qui continue à être sous-alimenté », souligne-t-il. Le fonds d’adaptation est né en 2001 à Marrakech sous le protocole de Kyoto.*

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Qu’en pense l’Angleterre qui vient de ratifier l’accord de Paris ?

« Nous avons entendu le message clair demandé par les pays en développement : la demande d’une feuille de route de financement avec une méthodologie solide, avec des engagements sur le financement public, et nous avons entendu la demande concernant l’adaptation et un accès facile au financement, les inquiétudes des petits Etats insulaires qui se sentent déconnectés », a expliqué Nicholas Richard Hurd, ministre anglais de l’énergie, lors d’un sommet de haut niveau sur le financement climat à Marrakech. Et d’ajouter : « on espère que la feuille de route que nous présentons répond aux attentes.» L’Angleterre et l’Australie ont publié une feuille de route sur l’accès au financement des 100 milliards de dollars par à partir de 2020.

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D’après les analyses de l’OCDE, les pays développés sont sur le point de répondre aux engagements, par un important financement public. « Il y aura une augmentation du financement climat public de 60 % : le rapport montre que le financement de l’adaptation devrait doubler d’ici 2020 », a-t-il annoncé lors de cette réunion.

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Les Etats insulaires dans l’attente

Mais cette feuille de route est jugée peu satisfaisante par les petits Etats insulaires en développement.« Le chemin est encore long, et nous devons nous poser les questions clés sur l’accès aux 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 : que constitue la finance climat ? Y aura-t-il de nouveaux financements ? Comment le financement public sera utilisé pour appuyer les investissement privés ? Comment se présentera l’équilibre entre le financement de l’atténuation et de l’adaptation ? », a interrogé le négociateur en chef des petits Etats insulaires en développement, et représentant des Maldives, Amjad Abdulla.

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L’accord de Paris stipule dans sa décision du 12 décembre 2015, que les pays développés doivent amplifier leur aide financière, en suivant une feuille de route concrète afin d’atteindre l’objectif consistant à dégager ensemble 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour l’atténuation et l’adaptation tout en augmentant sensiblement le financement de l’adaptation par rapport aux niveaux actuels et continuer à fournir un appui approprié en matière de technologies et de renforcement des capacités.

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A l’issue des négociations, la Conférence des Parties servant à la réunion des Parties de l’Accord de Paris a décidé que le Fonds d’Adaptation doit servir à l’accord de Paris, mais les décisions concernant la gouvernance et les arrangements institutionnels, ainsi que les modalités opérationnelles seront prises en 2018 lors de la COP 24, en Pologne.

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A ce jour, 111 pays ont ratifié le texte de Paris. Le dernier rapport « The civil society review » du collectif d’ONG, intégrant notamment Climate Action Uganda, intitulé « Setting the past toward 1,5° C » explique que seulement 30 à 44 % de réduction de gaz à effet de serre suffirait pour atteindre les 1,5 ° C en 2020 (objectif préconisé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Mais sans action de réduction de gaz à effet de serre avant 2020, il sera compliqué d’atteindre cet objectif. Lors de la session de clôture, l’Afrique du Sud, au nom du groupe BASIC (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud), a insisté fermement sur la nécessité de discuter dans quelques mois des actions liées à l’ambition pré-2020.

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Prochaines rencontres sur le climat : mai 2017 et novembre 2017. La COP 23, organisée par les îles Fiji, aura lieu à Bonn (Allemagne), pour des raisons techniques. Nombreuses sont les discussions dont la finalisation  aura lieu en 2018 lors de la COP 24. 2018 : année où le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présentera son nouveau rapport.

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* Protocole de Kyoto : signé en 1997 et entré en vigueur en 2005 et arrivé à terme en 2012, mais pas respecté. En 2012, la Conférence des Parties a adopté un amendement à Doha. Cet amendement a permis d’établir le second engagement du protocole de Kyoto, qui a commencé le 1er janvier 2013 et se terminera le 31 décembre 2020. A ce jour, 73 pays l’ont ratifié.
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Cet article a été publié ici sur le site Era Environnement.

Pour en savoir plus sur la COP 22, voir le dossier de la SERE (cliquez ici).

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