A la rencontre des champignons de culture au Musée du champignon de Saint-Hilaire/Saint-Florent (Maine-et-Loire)

L’association La Salamandre, aujourd’hui basée à Cérans-Foulletourte (Sarthe), a effectué le 10 septembre dernier une sortie dans le Saumurois. Au programme du matin : une visite du Musée du champignon de Saint-Hilaire/Saint-Florent (Maine-et-Loire), avec une jeune guide attachée à notre groupe.

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par Roger Cans

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gal-2215335Nous pénétrons dans une galerie délicieusement fraîche par ce temps de canicule : 12° C et 90 % d’humidité ! Petite laine indispensable. Nous sommes dans une ancienne carrière de tuffeau, où l’on nous explique la technique d’exploitation. Les anciens carriers maniaient le pic pour creuser des saignées autour de la roche à extraire de la paroi, puis ils glissaient des pièces de bois dans les saignées pour les faire éclater en les imprégnant d’eau. Ils arrivaient de la sorte à extraire des masses de plusieurs tonnes, qu’ils faisaient basculer de la verticale à l’horizontale sur des pièces de bois appelées chandelles. La table ainsi extraite était ensuite roulée à l’extérieur pour être découpée à la scie.

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Le tuffeau, calcaire friable et spongieux, n’est pratiquement plus exploité pour la construction. En fait, une seule carrière a été maintenue en exploitation pour restaurer l’ancienne prison de l’abbaye de Fontevraud, classée monument historique. L’extraction du tuffeau se fait aujourd’hui par haveuses, comme pour le charbon.

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Et l’on pénètre dans les galeries dédiées aux champignons. On commence par le plus commun : le champignon de Paris ou rosé des prés. Il est appelé champignon de Paris, car sa culture a commencé autrefois à Paris, dans les catacombes. Le Saumurois a pris le relais avec ses 2.000 km de galeries et le crottin de son Ecole nationale d’équitation (Les Cadets de Saumur). Aujourd’hui, 95 % des champignons de Paris sont cultivés dans le Saumurois. Mais le plus gros producteur est actuellement la Chine (500.000 tonnes), puis les Etats-Unis et le Canada (à peu près autant à eux deux), puis la Pologne et les Pays-Bas, et enfin la France.

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La technique de reproduction se fait par les spores : on découpe le chapeau d’un champignon adulte, que l’on dépose sur une feuille de papier. En 48 heures de « sporée », on obtient jusqu’à 5 millions de spores ! On fait germer les spores en les plaçant dans une boîte de Pétri garnie de gélose, puis on les place sur des grains de blé germé où ils forment leur mycélium. Il ne reste plus qu’à semer les grains de blé couverts de mycélium, à l’aspect de moisissure blanche. On sème dans un terreau à base de crottin de cheval, en provenance des haras, centres équestres, Garde républicaine, etc., auquel on ajoute de l’urine de vache.

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Une question : doit-on ou non cueillir le champignon au couteau ? Surtout pas ! Si l’on veut conserver le champignon au moins trois jours, il faut le prélever entre le pouce et l’index afin de conserver la volve, ce qui donne un « pied terreux ». Si on coupe la tige au couteau, le pied coupé se dessèche très vite et le mycélium resté dans le sol va pourrir avec la volve. Donc plus de champignon à la saison suivante.

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Pour cuisiner les champignons, il ne faut ni les éplucher (pour conserver l’arôme) ni les faire tremper. Le mieux est de les rincer ou de les nettoyer à l’essuie-tout. La guide en profite pour vanter les deux spécialités du coin : la « fouée » et la « galipette », un gros pied de champignon qui a versé (d’où le nom) et que l’on déguste à l’apéritif grillé à l’ail et au persil.

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La culture des champignons a aussi son histoire. On a commencé par la culture sur meules, des alignements de terreau moulés dans des bacs en métal et renversés sur le sol. On semait le blé germé dans le fumier de compost et, au bout de trois semaines de germination du mycélium, on le transférait sur une terre de « gobetage », contenant du tuffeau broyé pour absorber l’humidité. Le champignon était formé en trois ou quatre jours de pousse. Il existe en fait deux champignons de Paris : l’un, très blanc, qui se vend le mieux à cause de sa couleur impeccable, l’autre, « blond » (roussâtre), qui est meilleur mais moins diffusé.

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La culture sur meules au sol obligeait à récolter accroupi, un métier pénible alors réservé aux femmes. On a donc eu l’idée de cultiver le champignon dans des caissons à hauteur d’homme (ou de femme !). Des premiers caissons en bois, qui pourrissaient vite, on est passé aux caissons en métal galvanisé, beaucoup plus durables. Avec un caisson contenant 600 kilos de compost, on obtient 200 kilos de champignons, cueillis en trois ou quatre « volées » (passages de récolte). La terre du caisson est ensuite donnée aux agriculteurs comme engrais organique et le caisson, nettoyé, est laissé vide durant trois mois (vide sanitaire).

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Aujourd’hui, les petits producteurs cultivent le champignon de Paris dans des sacs plastiques ouverts, contenant 35 kilos de compost, ce qui donne 8 kilos de champignons. Mais l’essentiel de la production se fait maintenant dans des hangars climatisés, avec caissons superposés.
Un nouveau champignon de culture est le « pied bleu », très élégant mais plus fragile. Un caisson de 600 kilos de compost ne donne que 40 kilos de pieds bleus. Ce champignon haut de gamme, qu’il faut cuire au moins vingt minutes, est expédié à Rungis pour l’exportation et les restaurants. Une autre nouveauté est le Shii-Také (champignon d’arbre en japonais), appelé en français « lentin de Saint-Pol ». Les essais d’implantation dans l’écorce de billots de chêne ont été abandonnés, car il fallait attendre trois ans pour voir apparaître le premier champignon ! Aujourd’hui, sa culture est pratiquée dans des ballots d’écorce compactée, qu’il faut suspendre et secouer pour déclencher la pousse, comme au Japon avec les tremblements de terre. Le champignon apparaît au bout de trois mois et non plus trois ans. Le shii-také, dont on fait de la bière, a des vertus médicinales. C’est un anti-cholestérol et un antirides exploité par Yves Rocher.

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La visite se termine sans la guide, le long de galeries d’exposition très riches. Il y a la salle des pleurotes, ce champignon lui aussi cultivé sur bois et commercialisé. Il en existe trois sortes : le gris (le plus courant), le jaune (très lumineux) et le rose, qui vient d’Asie, mais est caoutchouteux et ne sert donc qu’en décoration. On cultive aussi le ganoderme luisant sur des blocs de sciure de bois compactée. En France, c’est pour le décor, mais en Asie, on le broie pour faire des infusions supposées conserver jeune. On cultive aussi le coprin chevelu, que l’on trouve partout sur les bords de route ou les talus bien exposés. Ce champignon peut se croquer cru lorsqu’il est encore fermé, mais il n’est plus comestible lorsqu’il est trop ouvert et devient de l’encre. Consommé avec de l’alcool, il provoque des palpitations, voire des hallucinations.

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Les dernières galeries présentent tous les champignons de France, en moulages ou inclusions sous plastique, classés par familles. Une belle réalisation qui vaut la visite.

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