Un livre d’histoire qui déchiffre les raisons de l’Holocauste et convoque l’écologie comme un appel à penser l’avenir, est un ouvrage original. Son auteur, Timothy Snyder est un historien américain qui s’est longuement penché sur le douloureux passé de l’Europe. Un passé pas si lointain où à la boucherie de la Première Guerre Mondiale ont succédé les atrocités de la Seconde, avec l’Holocauste.
Son titre « Terre noire » traduit du titre original « Black earth » désigne les riches terres à blé d’Ukraine convoitées par Hitler. Dès le prologue l’auteur nous met en garde : « L’Holocauste n’est pas seulement histoire, il est aussi avertissement. »
Du premier chapitre sur l’espace vital (lebensraum) jusqu’au douzième, l’historien nous fait revisiter la pensée hitlérienne. Mais c’est la conclusion qui, après ces pages de lecture souvent douloureuses (on ne peut rester insensible à toutes les atrocités de cette Seconde Guerre Mondiale), résonne dans une actualité écologique brûlante.
Timothy Snyder prévient le lecteur des risques qui accompagnent le changement climatique. « Si les peuples n’assument pas eux-mêmes la responsabilité du changement climatique, ils rejetteront sur d’autres les calamités qui lui sont associées. » Pour l’auteur, même s’il est peu probable que le monde soit à court de nourriture, les sociétés les plus riches s’inquiètent à nouveau pour leurs approvisionnements futurs. « Dans un scénario de tuerie de masse ressemblant à l’Holocauste, les dirigeants d’un pays développé pourraient suivre ou induire une panique autour de pénuries futures et agir préventivement, désignant un groupe humain comme la source d’un problème écologique et détruisant d’autres États délibérément ou par accident. » (…) « La famine en Somalie et les massacres du Rwanda donnent un aperçu redoutable de ce que le changement climatique pourrait entraîner en Afrique. La première illustre la mort directement produite par le climat ; les seconds, les conflits raciaux résultant de l’interaction du climat et de l’imagination politique. L’avenir pourrait nous réserver une troisième possibilité des plus redoutables : l’interaction entre la rareté locale et une puissance coloniale capable d’extraire des vivres tout en exportant l’idéologie globale. »
Pourtant, « Nous savons qu’il est plus facile et moins coûteux de tirer notre nourriture des plantes que des animaux. Nous savons que les progrès de la productivité agricole continuent et que la désalinisation de l’eau de mer est possible. Nous savons qu’utiliser efficacement l’énergie est la manière la plus simple de réduire l’émission de gaz à effet de serre. Nous savons que les gouvernements peuvent attribuer des prix à la pollution carbonique et s’engager mutuellement à réduire leurs émissions futures. Nous savons aussi qu’ils peuvent stimuler la mise au point de techniques énergétiques appropriées. Les coûts des énergies solaire et éolienne ne cessent de baisser… »
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Éditions Gallimard, collection Bibliothèque des histoires, 598 pages, 29 € – www.gallimard.fr
Contact presse : presse-sces-humaines@gallimard.fr – Tél. : 01 49 54 42 00
(Marie-Hélène Léon)
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