L’eau, l’air, la terre ne devraient-ils pas être sans distinction le bien de tous ? Dès lors, comment faire pour que ces ressources vitales ne soient pas considérées comme de simples biens marchands à surexploiter ? Voilà certaines des questions qui ont amené Pierre Thomé à rédiger ce livre. Les réponses se trouvent souvent du côté de la société civile qui a toujours su être inventive pour s’indigner, alerter et créer des alternatives en les expérimentant. Mais elles ont ensuite besoin d’être formalisées. La loi du 31 juillet 2014 signe la reconnaissance publique de l’économie sociale et solidaire mais, quoique Elinor Ostrom et Olivier Williamson aient reçu le prix Nobel d’économie 2009 pour leur travaux sur la gouvernance des biens communs, la validation de ce concept se limite toujours pour l’instant à quelques cercles universitaires et réseaux militants.
Après un rappel historique depuis le Moyen-Âge avec, notamment, les notions de « Biens communs », au pluriel, et « Bien commun » au singulier, Pierre Thomé analyse des exemples actuels de gestions réussies : Colibris, Terre de liens, GRAP (groupement régional alimentaire de proximité), groupement pastoral du Plan Pichu en Tarentaise, gouvernance de l’eau potable à Cochabamba (Bolivie) et à Paris. Il cite au passage le rôle souvent néfaste du FMI et de la banque mondiale. Ainsi, au Mali où les terres relevaient à 85% du droit coutumier sous la responsabilité des chefs de village et sans spéculation possible, ces deux organisations internationales ont incité les communes à émettre des titres fonciers et s’approprier des terres pour les louer ou les revendre à des multinationales. Depuis 1991, 800 000 hectares ont été octroyés à des opérateurs internationaux condamnant les petits paysans maliens qui, du jour au lendemain, n’ont plus accès aux terres qu’ils cultivaient jusque là.
Le dernier chapitre écrit par Jean Huet est consacré aux SCIC (sociétés coopératives d’intérêt collectif), un modèle d’organisation pour des communs. Apparu en 2001, plus de 600 SCIC ont été créées (chiffre 2015). détrônant quelque peu les SCOP (sociétés coopératives et partipatives). La plus-value de la SCIC réside dans sa capacité à offrir le seul cadre possible où les différences entre parties prenantes sont formalisées et utilisées dans un mode de gestion qui fixe des règles précises sur la manière d’envisager l’exercice du pouvoir, la propriété et le partage des richesses. Or la création en commun des règles semble être essentielle à la réussite du projet d’autant que les acteurs sont souvent multiples : collectivités territoriales, établissement territoriaux, particuliers.
Cette façon de développer le dialogue et de décloisonner les acteurs en présence pour construire de nouvelles politiques publiques ou communes pourrait être un facteur clé du service public de demain. Toutefois l’auteur a bien conscience que la SCIC n’est pas une solution magique qui va résoudre tous les écarts de vision du monde qui peuvent exister entre les acteurs publics, les acteurs privés et les acteurs d’initiatives citoyennes. Mais avoir un statut juridique pour gérer des projets démocratiquement est déjà une belle avancée pour co-construire et co-gouverner des communs.
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Éditions Yves Michel, collection Société civile, 128 pages, 13 € – www.yvesmichel.org
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(Danièle Boone)
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