Le 30 juillet 2016 a eu lieu le premier lâcher de trois lynx venus de Slovaquie dans la forêt du Palatinat (Land de Rhénanie-Palatinat).
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par Jean-Claude Génot
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Ce lâcher s’est déroulé dans le cadre d’un programme Life pour la réintroduction du lynx dans la réserve de biosphère transfrontalière Pfälzerwald-Vosges du Nord, qui recouvre côté français le Parc naturel régional des Vosges du Nord et côté allemand le Naturpak Pfälzerwald. Une réserve de biosphère est un territoire d’application du programme scientifique l’homme et la biosphère de l’UNESCO.
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Le programme Life prévoit de réintroduire 20 lynx sur 5 ans, venant de Slovaquie et de Suisse. Si les lâchers auront tous lieu côté allemand, il est probable que des lynx viendront dans les Vosges du Nord que rien ne sépare des forêts du Palatinat. Représentant le Parc naturel régional des Vosges du Nord, impliqué dans ce programme européen, j’ai eu la chance d’assister à ce lâcher.
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Comment tout cela a-t-il fonctionné ? Evidemment pas comme prévu ! D’abord, des animaux sauvages devaient être capturés dans les Carpates slovaques au printemps, puis installés dans un enclos de contention pour contrôler leur état de santé, y être équipés de puces et de colliers GPS puis transportés en Allemagne et relâchés. Or aucune capture n’a pu être réalisée.
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Les responsables slovaques ont proposé de fournir trois lynx orphelins recueillis au zoo de Bojnice (un mâle et deux femelles). Le choix a été fait par les responsables du programme (la fondation pour la nature et l’environnement de Rhénanie-Palatinat = SNU) de transporter ces trois premiers lynx par la route. Rendez-vous a donc été donné aux personnes invitées à assister à ce premier lâcher à 8 h dans un chalet de chasse en pleine forêt du Palatinat. Mais c’était sans compter avec les imprévus d’un tel voyage de nuit : un orage qui a rendu un des lynx très nerveux et des embouteillages en arrivant sur les autoroutes allemandes un jour de départ en vacances.
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Le rendez-vous a donc été repoussé à 11 h et les invités prévenus par courriel à 23 h la veille, trop tard pour moi étant parti de très bonne heure pour être au rendez-vous avant 8 h. Je peux donc témoigner qu’un lâcher c’est beaucoup d’attente ! Mais comme la plupart des invités sont arrivés entre 10 h et 10 h 30, je n’étais plus seul à attendre. Même la ministre de l’Environnement du Land, une femme très simple et abordable, a patienté gentiment et les médias présents en ont profité pour faire des interviews. Puis vers 11 h 30, des mini-bus ont transporté tous les invités sur le site de lâcher.
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Ce site est une petite prairie en lisière d’une forêt feuillue où deux lignes ont été matérialisées avec du ruban, derrière lesquelles se sont tenus les invités, de part et d’autre d’un point central où les cages ont été installées pour que les lynx aient la forêt en point de mire. La soixantaine d’invités a encore patienté une bonne heure, le temps pour la ministre de faire un discours et au responsable de la SNU d’indiquer le nom des trois lynx relâchés : un mâle (Lucky) et deux femelles (Luna et Kaja).
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Parmi les personnes présentes : des journalistes français (AFP, TF1, Dernières Nouvelles d’Alsace) et allemands (ARD, SWR et presse régionale), des représentants des structures associées au projet (administration forestière qui dépend du ministère de l’Environnement, association des chasseurs de Rhénanie-Palatinat, association des éleveurs d’ovins et de caprins, les organisations de protection de la nature comme le WWF, le BUND, le NABU et Luchs Projekt Verein qui est l’association à l’origine du projet) et des membres de la SNU.
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Il faut souligner que ce projet allemand de réintroduction bénéficie du soutien et de l’implication de la fédération des chasseurs et de l’association des éleveurs d’ovins et de caprins. Enfin, vers 13 h, les deux véhicules transportant les lynx sont arrivés dans la clairière après un périple de 1 000 km et 11 heurees de trajet. Au moment où la première cage est sortie du camion, immédiatement le silence s’est fait au sein du public. Les trois cages ont été disposées côte à côte face à la forêt. La Ministre de l’environnement et le vice-président de l’association des chasseurs du Land ont levé ensemble la trappe de sortie puis il a fallu attendre une dizaine de secondes pour que le premier lynx jaillisse de la cage et rejoigne la forêt en quelques bonds. Le deuxième lynx, plus nerveux que les autres, a immédiatement bondi hors de la cage et le troisième, plus posé, est sorti tranquillement en marchant puis a fini par bondir pour rejoindre la forêt comme les deux autres. L’impression visuelle est la souplesse de ces animaux magnifiques et leur minceur qui tranche quelque peu avec la taille volumineuse de la batterie nécessaire au fonctionnement de la balise GPS.
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Heureusement, ces colliers sont prévus pour tomber d’eux-mêmes d’ici deux ou trois ans quand la batterie sera vide. Pour les initiateurs de ce projet, ce lâcher représente l’aboutissement de plusieurs années de travail et pour les responsables c’est le début d’une aventure pleine de découverte et, espérons-le de réussite, tant le risque de braconnage plane toujours sur les populations de lynx.
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Et le lynx en France ?Il n’y a plus de population dans le massif vosgien où l’espèce fut réintroduite en 1983.
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Le lynx est sporadique dans le massif alpin.
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La seule population viable est celle du massif jurassien, même si récemment des cas de braconnage montrent sa fragilité.
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