Le colloque « Animal Politique » : objectif 2017

Ce 2 juin à l’Assemblée nationale, les députées Geneviève Gaillard et Laurence Abeille réunissaient pour la première fois une trentaine d’associations de protection animale autour de la question « Comment mettre la condition animale au cœur des enjeux politiques ? ». Leur but : publier un manifeste pour faire entendre la voix des animaux aux élections de 2017.

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par Marc Giraud

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bandeau-2-juin-ajout-FLACSaluons d’abord l’initiative courageuse de ces deux femmes dans un monde indifférent, voire hostile à la cause qu’elles défendent, et l’intelligence de leur démarche. En effet, les députées vont se renseigner à la source auprès des associatifs afin de faire remonter les réalités du terrain. Des groupes de travail ont déjà eu lieu, des amendements ont été étudiés. Jusqu’ici unique en son genre, ce colloque n’est qu’une étape de cette remontée vers les instances de pouvoir. Il y en aura d’autres.

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Au cours du colloque du 2 juin, différentes tables rondes se sont succédé avec des intervenants tels que les philosophes Florence Burgat et Martin Gilbert, l’avocate Hélène Thouy, le politicien Melvin Josse, les journalistes Audrey Garric et Audrey Jougla, ou encore l’universitaire Corine Pelluchon. Les thèmes en étaient : les répercussions des avancées de l’éthologie sur la protection, la contribution des médias ou des lanceurs d’alerte, l’intégration de la question animale dans le droit et l’enseignement, et comment construire un projet politique pour la condition animale et lancer la mobilisation.

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Un mot a souvent été prononcé : la sentience, ce mélange de sensibilité et de conscience, de capacité à ressentir du plaisir, de la douleur ou des émotions de manière individuelle, d’avoir des expériences vécues, des intérêts à défendre, ou encore de désir de vivre, que l’on reconnaît de plus en plus aux animaux. Ce concept central de l’éthique animale implique des devoirs moraux de notre part envers les autres êtres vivants.

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Dans le public, les représentants de 27 associations étaient présents, allant de la lutte contre la corrida ou la vivisection, la défense des animaux sauvages ou de boucherie, pour le droit animal, etc. Hélas, les questions de quelques personnes du public ont un peu trop focalisé le débat sur le seul véganisme, et de façon agressive. Il est décevant de constater que ces antispécistes, prônant par conséquent le respect le plus haut qui soit envers la différence, aient tant de mal à accepter ceux qui se nourrissent différemment. Heureusement, les intervenants étaient de compétences variées et ont élargi nos sphères d’intérêt, l’écrivain Vincent Message apportant même un peu de fiction et de culture au débat.

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Notre consœur Audrey Garric, chef adjointe du service Planète/Sciences au journal Le Monde, a expliqué un contexte de pénurie de moyens et de manque de temps que nous connaissons bien. Journaliste également, Audrey Jougla a fait part de sa courageuse enquête sur la vivisection, faisant voler en éclat la désinformation sur le sujet. Souvent mise en valeur, la recherche contre le cancer ne représente en fait que 2 à 5 % des expériences, l’essentiel étant commercial. Même pour la médecine, 10 000 molécules testées sur des animaux ne donnent que 10 médicaments, dont 1 seul sera autorisé, ce qui donne une idée de la quantité de souffrance infligée pour une surmédicalisation de la société dont le but premier n’est plus de guérir. De son côté, l’éthologiste Pierre Jouventin a rappelé l’histoire de la science du comportement et de ses figures marquantes. Spécialisé en psychologie morale et auteur du livre Voir son steack comme un animal mort, Martin Gibert a décrypté le phénomène de « dissonance cognitive » qui vise à occulter la conscience de la souffrance animale.

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L’avocate Hélène Thouy, co-fondatrice de l’association Animal Justice et Droit, a révélé à quel point les militants de la cause animale se voyaient poursuivis pour des prétextes parfois totalement absurdes, alors que les violences qu’ils subissent restent impunies. Le professeur de droit privé et de sciences criminelles Jean-Pierre Marguénaud a défendu l’idée d’inclure plus de droit animalier dans l’enseignement et chez les journalistes. Avec la philosophe Florence Burgat, qui a évoqué l’expérience de la subjectivité des animaux, il est responsable de l’excellente Revue semestrielle de droit animalier.

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Parmi les intervenants, le plus précisément proche du thème a sans doute été Melvin Josse, qui analyse et compare les stratégies développées par le mouvement animaliste dans différents pays d’Europe, et qui constate des avancées difficiles en France sur des politiques concrètes. Au regard de son diagnostic, il propose par exemple aux associations des revendications assez radicales pour se situer en rupture avec les habitudes sociales, mais assez réalistes pour mobiliser un nombre suffisant de soutiens. C’est une des pistes qu’il conseille d’explorer. Elle demande aux personnes impliquées de savoir accepter leurs différences pour s’unir autour de ce qu’elles ont en commun, du chemin reste à parcourir…

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Un nouveau colloque national est prévu pour septembre, en vue de la présentation d’un manifeste rédigé par les associations fédérées en groupes de travail. L’ambition de ce manifeste est de peser fortement sur les élections présidentielle et législatives de 2017.

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Le colloque du 2 juin a été filmé et sera mis en ligne dans un site dédié au projet « Animal et politique ».

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Contact et informations Lucille Peget lucillepeget@gmail.com contact@lanuitavecunmoustique.org

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