Grave dilemme pour EDF : comment faire taire le Journal de l’énergie, le site internet qui a révélé le mois dernier les déficiences des moyens de secours des centrales nucléaires ?
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par Yves Leers
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Pas possible de nier les faits car l’enquête se basait sur des documents internes établissant que plusieurs de ces diesels de secours étaient dans un état « inacceptable », « dégradé » ou encore « à surveiller ». Ne pouvant poursuivre la publication pour divulgation de fausses nouvelles – et pour cause – EDF a mis en demeure le Journal de l’énergie de « retirer immédiatement » de son site les rapports internes à EDF sur la fiabilité des diesels de secours des réacteurs en arguant du « droit de propriété intellectuelle ». EDF a aussi demandé au Journal de l’énergie de cesser « de divulguer, reproduire et diffuser ces notes techniques auprès de quiconque ».
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On croyait avoir tout vu en matière de censure mais là, EDF innove et ouvre un champ de réflexion sur le droit à l’information : le droit de propriété intellectuelle pourrait être invoqué dès qu’on relate les moindres propos tenus, par exemple, en conseil des ministres. Mais surtout, comment des documents internes factuels – remis par un lanceur d’alerte – pourraient-ils relever de la propriété intellectuelle de leurs auteurs ou d’une entreprise ?
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Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’EDF n’a pas apprécié qu’on mette sur la place publique des éléments inquiétants sur la sûreté des réacteurs car ces « moyens de secours » (deux énormes groupes électrogènes à moteur diesel par réacteur) sont la dernière parade pour éviter le pire si un évènement rend indisponible les sources d’alimentation électrique externe. C’est ce qui s’est passé à Fukushima.
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On aurait pu rêver que, face à la révélation d’une telle situation, EDF mette cartes sur table et explique comment il allait remettre de l’ordre dans des moyens de secours aussi essentiels. Mais la culture du secret dans le nucléaire l’emporte toujours sur l’intérêt public …
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Pour le Journal de l’énergie, « les menaces d’EDF constituent clairement une atteinte à la liberté d’informer et démontrent la volonté de maintenir l’opacité autour de l’état réel des moyens de secours des réacteurs, ce qui met en évidence un affaiblissement de la sûreté du parc nucléaire français ».
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En attendant, le Réseau Sortir du nucléaire a décidé de mettre en ligne sur son site web l’intégralité des « documents confidentiels » d’EDF, en soutien au Journal de l’Énergie.
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Pour nous, cette nouvelle tentative d’intimidation est une affaire à suivre.
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