Voici le compte-rendu d’une conférence de NatureParif organisée le 17 mars 2016 à Paris.
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par Roger Cans
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L’orateur du jour est un jeune doctorant du Muséum, Roman Pavisse, spécialiste des espaces naturels modifiés. Il commence par expliquer l’origine de notre chat domestique, qui ne vient pas du chat sauvage de nos forêts (Felix sylvestris), mais d’un chat plus oriental, le chat ganté africain. C’est pourquoi le chat domestique, comme son ancêtre oriental, préfère les milieux ouverts.
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Comme le chien et les autres animaux domestiques, le chat a fait l’objet d’une longue sélection pour un usage bien spécifique : la lutte contre les rongeurs qui dévorent les réserves de grains. Les Egyptiens de l’Antiquité l’appréciaient et l’ont momifié dans les tombes. Au Moyen-Age, en revanche, le chat devient l’animal du diable. A Ypres, en Belgique, on jetait les chats du haut du beffroi pour que cela porte bonheur ! Même La Fontaine, au XVIIe siècle, décrit le chat paresseux et sournois. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle, avec le romantisme, que le chat devient un animal de compagnie.
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Aujourd’hui, en France, c’est l’animal de compagnie le plus fréquent : 12,7 millions au dernier décompte, établi à partir des déclarations des propriétaires. Ce qui, compte tenu des chats errants ou en divagation, dépasse les 13 millions. Au fil des ans, le nombre de chats augmente, tandis que celui des chiens baisse.
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Dans les zones périurbaines, les chats remplacent la fouine et le renard en matière de prédation. Il faut souligner que le chat domestique est un prédateur entièrement dépendant de l’homme et donc indifférent à l’abondance des proies, qu’il tue par instinct ou jeu et ne mange généralement pas. Alors que le prédateur sauvage mange toujours sa proie, et ne tue qu’elle.
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Quel est l’effet de la prédation du chat domestique sur la faune sauvage ? Tout dépend du terrain. S’il s’agit de l’Europe continentale, par exemple, on n’a pas relevé de disparition d’espèces. Mais il en va tout autrement dans les espaces clos, comme les îles. Au XIXe siècle, en Australie, on a introduit le chat pour lutter contre les rats et les lapins, eux-mêmes introduits par les premiers colons, volontairement ou non. Le chat a proliféré, limitant la prolifération des rats et des lapins, mais exterminant les petits marsupiaux qui n’avaient pas de prédateurs et étaient donc sans défense. On estime qu’il y a aujourd’hui 20 millions de chats errants en Australie, responsables de la disparition de 28 espèces sauvages.
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Dans les petites îles, où les oiseaux marins nichent souvent au sol, le chat fait des dégâts considérables. C’est notamment le cas dans l’île de Molène, en Bretagne, aux îles Kerguelen, dans l’océan austral, où le chat mange les pétrels, ainsi que dans les Antilles ou les îles de la Méditerranée. En Grèce, la moitié des lézards disparaissent sous la dent du chat. Au Mexique, c’est le petit varan bleu, et en Nouvelle-Zélande, un petit oiseau rare.
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Les Anglo-Saxons ont été les premiers à tenter de chiffrer l’hécatombe, qui se monte chaque année à des milliards d’oiseaux et petits mammifères. Au Royaume-Uni, on a calculé qu’un chat domestique peut tuer 1.100 proies par an, portant sur 70 espèces différentes (dont 60 % de rongeurs). Une autre étude a montré que 986 chats avaient tué 14.000 proies dans l’année (dont 69 % de mammifères). Ces résultats, établis à partir des déclarations des propriétaires, sont forcément en dessous de la réalité, puisque les chats peuvent manger leur proie ou ne pas la rapporter. Les Anglais estiment que, tous les six mois, les chats font disparaître chez eux 57 millions de mammifères et 27 millions d’oiseaux. Aux Etats-Unis, des chats munis de caméras au cou ont montré que, dans certaines régions, leurs proies étaient surtout des serpents et des lézards.
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En France, l’étude de la prédation des chats ne fait que commencer. Le Muséum vient de lancer une campagne pour la participation des particuliers à cette recherche. Ils sont invités à signaler leurs constatations sur un site dédié. Toute information est bonne à prendre, même imprécise ou lacunaire. La difficulté, avec les chats, c’est que chacun a sa façon de chasser et de choisir ses proies. Avec les petits rongeurs comme les mulots, pas de risque d’extinction, car ils font plusieurs portées nombreuses par an. Avec les chauves-souris, en revanche, qui ne font qu’un petit par an, la menace est réelle.
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Les jardins périurbains offrent un terrain d’étude privilégié, car on y trouve beaucoup de chats. Et ce sont eux, souvent, qui permettent de connaître la faune sauvage qu’on ne voit jamais parce qu’elle est nocturne, comme les lérots, muscardins ou chauves-souris. En juillet 2015, 2.500 participants ont fourni leurs données : sur 14.000 proies rapportées, on a dénombré 135 espèces de vertébrés (on ne compte pas les insectes), dont 80 oiseaux et 35 mammifères. Au total, on estime qu’une proie sur deux n’est pas indésirable. Autrement dit, les chats tuent moitié de « nuisibles » et moitié d’animaux « utiles » ou neutres. Il arrive qu’un chat s’attaque à la vipère ou au crapaud, qu’il sait toxiques. Constatation importante : le nourrissage du chat n’a aucune incidence sur sa recherche de proies.
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Pour évaluer la « zone de chalandise » du chat domestique, on a équipé 40 félins de bornes GPS. Mais les résultats sont encore très partiels. Quels sont les remèdes à la prédation du chat ? Il y en a trois : le collier à clochette ou grelots, la stérilisation ou le maintien du chat bouclé la nuit à l’intérieur. Mais ce ne sont que des palliatifs, car on ne peut empêcher un chat de se livrer au geste instinctif du petit fauve. Et beaucoup de propriétaires répugnent à brider leur cher compagnon fourré.
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