L’accident de Fukushima maintenu au secret

Comme si un accident nucléaire n’était qu’un banal fait divers industriel…

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par Claude-Marie Vadrot

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Fukushima & Claude-Marie Vadrot

Le 7 août 2013, le gouvernement japonais et l’entreprise Tepco qui gèrent tant bien que mal, et plutôt mal, les suites de l’accident de Fukushima, ont proclamé une « situation d’urgence » ; après avoir dû admettre que de l’eau fortement radioactive s’écoulait vers la mer.

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Deux semaines plus tard, les mêmes ont décrété une « alerte grave », avouant une réalité dissimulée depuis longtemps : chaque jour ce sont 300 000 litres d’eau contaminée qui polluent le Pacifique ; sans que l’origine en soit clairement identifiée tant les réservoirs de contention hâtivement installés sont nombreux. Dans la foulée, les officiels ont admis que les nappes souterraines seraient également « un peu » contaminées.

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A chaque fois que les autorités et Tepco s’embrouillent dans le manque de transparence et les mensonges, ils sont contraints de dévoiler un peu plus l’étendue de la catastrophe en cours. Qu’il s’agisse des rejets dans l’eau et dans l’air, des agriculteurs, des écoles polluées, des habitants toujours réfugiés à des dizaines ou des centaines de kilomètres dans des bâtiments provisoires ou des pêcheurs qui ne peuvent pas vendre leurs poissons pour cause de radioactivité supérieure aux taux autorisés.

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Un confrère japonais qui suit pour Politis les méandres de la désinformation organisée depuis les premiers jours sur l’accident affectant les réacteurs et la piscine de refroidissement toujours en équilibre instable, explique : « mes compatriotes n’ont jamais pu mesurer l’étendue des dégâts et les rares visites organisées pour la presse sont tellement encadrées qu’il est impossible aux journalistes de comprendre dans quel état se trouvent les réacteurs et les bâtiments délabrés qui les abritent. Si on peut utiliser ce mot. Ils n’ont même pas le droit de se munir d’instruments de mesures précis ; notamment ceux enregistrant le cumul de tous les éléments radioactifs polluant le site. En fait, sauf quand le mensonge est trop gros ou qu’un ingénieur finit par passer quelques informations à la presse, nous ne savons rien de précis de la situation sur un site qui est plus gravement pollué et détruit que l’était celui de Tchernobyl. »

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Si, à Tchernobyl, le gouvernement soviétique de l’époque n’a pu conserver le secret sur l’état des lieux que quelques jours avant que n’intervienne l’armada des liquidateurs qui risquèrent et souvent sacrifièrent leur vie pour procéder aux interventions d’urgence, celui du Japon a pratiqué l’omerta avec efficacité. Réussissant même à écarter les spécialistes étrangers de l’essentiel de l’information scientifique et industrielle. Comme si un accident nucléaire était un accident industriel ordinaire.

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Alors, tout ce que j’ai vu, en Ukraine comme au Japon, rappelle dans le moindre des détails une réalité difficilement évacuable : impossible de limiter dans le temps comme dans l’espace les conséquences d’une catastrophe survenant dans une centrale. Quelles qu’en soient les origines, il n’a pas de fin.

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Les ingénieurs de la Tepco, soutenus par le lobby nucléaire et le gouvernement, amusent donc périodiquement la presse nationale et internationale avec des annonces qui ne sont que des opérations de communication destinées à entretenir l’illusion qu’il leur est possible de faire face. Ainsi, le gigantesque projet consistant à racler la couche de terre des zones contaminées est au point mort. Pour au moins deux raisons, d’abord la difficulté de l’opération et ensuite l’impossibilité de trouver un endroit pour entreposer des dizaines de millions de tonnes de terre polluée.

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L’autre initiative consistant à équiper des singes macaques et des sangliers avec des dosimètres couplés à des GPS pour répertorier et cartographier sans risque les espaces contaminés a avorté. Et les fameux robots qui devaient explorer les réacteurs explosés sont tombés en panne les uns après les autres (comme à Tchernobyl) « bloqués » par l’intensité de la radioactivité. Dans l’enceinte de deux réacteurs dont les officiels ont annoncé il y a longtemps que la température et l’activité nucléaire étaient revenues « à la normale ». Conséquence : nul ne sait ce qui s’y passe et dans quel état ils se trouvent, puisque personne ne peut y aller « voir » sans risque mortel.

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Pour ce qui concerne les risques sanitaires que courent les ouvriers, techniciens et ingénieurs qui se relaient au déblaiement et au refroidissement, le black out et les mensonges sont les mêmes que pour la population, les évacués comme ceux qui reviennent clandestinement. Sans oublier les 360 000 enfants menacés de cancer qui restent (théoriquement) sous surveillance médicale mais que le gouvernement évoque de moins en moins souvent. Officiellement, la catastrophe nucléaire n’a entraîné ni maladie ni décès.

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Cet article a été publié en 2013 dans l’hebdomadaire Politis.

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