L’Algérie a rejoint les pays qui ont procédé à la constitutionnalisation du droit de l’environnement.
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par M’hamed Rebah
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Dans le Préambule (partie intégrante de la Constitution révisée), le modèle économique et social que se donne le peuple algérien est décrit dans ses grands traits : réduction des inégalités sociales et élimination des disparités régionales ; économie productive et compétitive dans le cadre d’un développement durable et de la préservation de l’environnement.
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L’article 17 bis est une sorte de transcription du concept de développement durable : « l’Etat garantit l’usage rationnel des ressources naturelles ainsi que leur préservation au profit des générations futures. L’Etat protège les terres agricoles. L’Etat protège également le domaine public hydraulique ».
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L’article 54 ter est explicite : « Le citoyen a droit à un environnement sain. L’Etat œuvre à la préservation de l’environnement. La loi détermine les obligations des personnes physiques et morales pour la protection de l’environnement. » Cet article est inscrit dans la série de ceux réservés aux droits sociaux : l’enseignement (art. 53), la santé (art. 54), le travail (art. 55).
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Les spécialistes qui ont étudié la question de la constitutionnalisation du droit à l’environnement ont établi un palmarès des pays qui ont commencé dans cette voie après la première Conférence mondiale sur l’environnement de juin 1972 à Stockholm : Suède (1974), Portugal (1976), Espagne (1978), Autriche (1984), Colombie (1991), Russie et Pérou (1993), Argentine, Belgique, Allemagne et Finlande (1994), Cameroun, Ghana (1996), Mexique et Suisse (1999), Maroc (2011), Tunisie (2014).
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Cependant, pour ce qui est de l’Algérie, il est inexact de dire que l’environnement était totalement absent dans la Loi fondamentale. L’article 122 de la Constitution de 2008 (visiblement inchangé dans la version révisée) le cite parmi les domaines dans lesquels le Parlement légifère.
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La constitutionnalisation du « droit à un environnement sain » donnera un argument de poids aux écologistes dans leur combat. Ils pourront, en principe, agir avec plus d’efficacité, en s’appuyant sur une autre nouvelle disposition qui stipule que « l’Etat encourage la démocratie participative ».
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L’article 60 rappelle à tous que « nul n’est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République ». Ce rappel est utile. Les cas de violations des dispositions de la loi sur l’environnement concernant, par exemple, les nuisances sonores, sont très fréquents. Ils découlent des comportements d’une catégorie de citoyens qui ignorent tout du civisme et de la loi, mais aussi, plus grave, de pratiques de responsables locaux qui croient bien faire et travailler au service de la population en organisant des activités bruyantes sur la voie publique, au milieu d’habitations, sous prétexte qu’il faut permettre aux jeunes de s’amuser. Ces responsables pensent que cette « bonne intention » les autorise à se mettre au-dessus de la loi pour la piétiner.
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La nouvelle Constitution mettra-t-elle fin à l’état de fait pour laisser définitivement la place à un état de droit ? Les séquelles de la situation dominée par cet état de fait – traduit dans : « C’est comme ça ! Allez-vous plaindre à qui vous voulez ! » – sont visibles dans les dégâts causés à l’environnement urbain par l’auto-construction sans permis de construire, « régularisé » ensuite, en violation flagrante des droits des voisins. On pouvait, à la limite, comprendre ces dérives durant la décennie noire qui a donné aux spéculateurs et aux prédateurs une occasion en or de faire ce qu’ils voulaient, mais plus maintenant.
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Cet article est paru dans le magazine algérien Reporters (dimanche 7 février 2016).
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