Jean-Marie Pelt, une vie de croyant et d’écologiste

Des souvenirs en forme d’hommage…

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 par Olivier Nouaillas

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9782213681863_1C’était la dernière interview que j’ai faite de lui pour « La Vie ». Nous étions au lendemain de la publication de l’encyclique «Laudato Si » et Jean- Marie Pelt était heureux au delà du possible : « Vous comprenez Olivier.  Nous les cathos écolos, nous avons été longtemps à la marge de notre propre église. Et puis, tout d’un coup, nous avons ce pape François qui, avec cette encyclique sur l’écologie, nous met au centre de l’église. Lui, le pape des périphéries. Il m’aurait fait ce cadeau de mon vivant ».

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Et puis, en conclusion de l’interview que je prenais en note, il m’a dit ces phrases particulièrement émouvantes : « j’ai particulièrement été sensible aux derniers mots de son encyclique (NDLR : « Laudato Si ») quand le pape François nous emmène « au delà du Soleil, vers la beauté infinie de Dieu et les mystères de l’Univers ». J’attends tout cela avec impatience ….».

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J’ai raccroché et je suis resté longtemps silencieux. Je savais Jean-Marie Pelt gravement malade. Au début de l’année, il avait été hospitalisé de longues semaines près de chez lui en Lorraine. Et j’ai pensé à ce moment là, que c’était sinon sa dernière interview mais sans doute une forme de testament spirituel qu’il venait de me confier. D’ailleurs, une des dernières fois que nous nous nous sommes parlés c’était à la mi-août 2015, quelques jours avant les 2e Assises chrétiennes de l’écologie, où sur les ordres de son médecin, il avait dü déclarer forfait. « Ah Olivier, on est dans la mouise. Dites-bien à Jean-Claude (NDLR : Jean-Claude Noyé, mon confrère de La Vie qui est, avec le diocèse de Saint Etienne, une des chevilles ouvrières de ces Assises) que j’en suis désolé. Mais surtout téléphonez moi après pour me dire comment cela c’est passé. Il faut la populariser cette encyclique ». D’ailleurs dès les premières Assises chrétiennes de l’écologie en 2011, il était venu à Saint-Etienne en compagnie de Pierre Rabhi, auquel une vieille complicité le rattachait. Et qui avait donné naissance à ce livre tardif mais écrit à quatre mains, avec le paysan sobre des Cévennes, et intitulé « Le Monde a-t-il un sens ? » (Flammarion ? 2014)

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Ce sens, il l’a cherché tout au long de sa longue vie, à la fois de croyant et d’écologiste. Et ce fut un privilège pour moi, de le rencontrer et de l’interviewer autant de fois. Avec cette habitude prise au fil des ans et des rencontres, de se parler régulièrement au téléphone, de tout et de rien. De sa santé, de sa Lorraine, de son jardin, et puis surtout d’écologie, sa passion, sa vie. Et puis de « La Vie », son journal qu’il aimait et dont il commençait toujours la lecture par les Essentiels. Nous avions fait de nombreuses conférences ensemble aussi bien à Melun avec les Amis de la Vie – où nous nous étions découvert une même réticence vis à vis des portables – qu’aux Etats Généraux du Christianisme à Strasbourg où il avait entamé un surprenant dialogue avec Yves Paccalet auteur de « L’humanité va disparaître : bon débarras ! ». Lui, ses livres étaient empreints d’humanisme, de foi et d’espérance. Et surtout de sa grande connaissances des plantes, ses merveilleuses amies. Il me serait imposible de citer ici tous ceux qui ont une influence sur moi et sur les lecteurs de La Vie même si trois d’entre eux « Le tour du monde d’un écologiste » (Fayard, 1990), « la Terre en héritage » (Fayard, 2000) ou encore « la Solidarité chez les plantes, les animaux, les humains » (Fayard, 2004) me viennent spontanément à l’esprit. D’ailleurs, quand devant l’abondance (il en a écrit plus de 80 livres ), j’oubliais d’en parler d’un, il ne manquait pas de me téléphoner lui-même à la place de son attachée de presse : « Olivier, vous n’avez pas reçu mon dernier bouquin ?  », feignait-il de s’interroger…

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Je partageais aussi ses combats : contre les OGM, l’agriculture industrielle, les pesticides, et le nucléaire – il ne goûtait guère la présence de la centrale de Cattenom à proximité de son domicile. Et au lendemain de la catastrophe survenue à Fukushima en 2011, il nous avait d’ailleurs confié une interview avec ce titre qui claquait à la Une de « La Vie » : « Avec le nucléaire, les hommes se sont pris pour des dieux ! ». Il redoutait également les effets du changement climatique sur la biodiversité. Et même s’il doutait de l’ efficacité des grandes messes onusiennes type COP, il m’avait encouragé , dès 2012, à écrire « Le Changement climatique pour les Nuls » (First, 2014) « Vous savez, Olivier, le grand public n’y comprend pas grand chose. ». Et c’est avec chaleur qu’il avait accepté d’être un dix grands témoins à la fin du livre. « Comme cela vous me l’enverrez et je comprendrais un peu mieux » m’avait-il dit, un rien taquin.

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J’aimais également son engagement européen – n’oublions pas qu’il a fondé l’Institut Européen d’ Ecologie à Metz et qu’il vénérait Jean Monnet et Robert Schumann pour leur constribution à la réconciliation franco-allemande – et même son côté démocrate chrétien, certes parfois un peu nostalgique, mais qui le rendait aussi bien méfiant vis à vis de certains travers de l’écologie politique que des courants chrétiens conservateurs promoteurs de l’écologie dite « humaine ». D’ailleurs contrairement à ce qu’on a parfois écrit il n’était pas du tout créationniste (« des adultes tombés en enfance » disait-il ) mais, au contraire, cherchait à concilier sa lecture chrétienne de la Bible avec les travaux de Darwin sur l’évolution. Et j’essayais d’écouter le plus régulièrement possible ses chroniques, chaque samedi sur France Inter à 14H, dans l’émission culte des amoureux de la nature et de l’écologie « CO2 mon amour » de Denis Cheissoux. Un de ceux qui l’ont certainement le mieux compris et aussi le mieux utiliser pour ses talents de « raconteur du vivant ». Quelle voix !

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Il y a de curieuses coïncidences parfois dans la vie. J’avais fait sa dernière interview au téléphone de Creuse, là où j’ai mes racines familiales et où je m’échappe souvent. Et c’est en Creuse que j’ai appris sa mort en lisant cette manchette de « La Montagne », le 24 décembre, la veille de Noël : « Jean Marie Pelt, précurseur de l’écologie, s’est éteint hier, à 82 ans ». Et c’est de Creuse, en regardant la nature par la fenêtre – aujourd’hui il fait 19° et les mésanges virevoltent dans les haies – que j’écris ce post de blog en pensant à lui. Merci Jean-Marie pour tout.

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Cet article a été publié sur le blog Planète Verte d’Olivier Nouaillas, sur le site de La Vie. Il est reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur, vice-président des JNE.

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