A l’occasion du 100e anniversaire de son décès, retour sur la vie et l’oeuvre d’un grand naturaliste : Jean-Henri Fabre.
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par Roger Cans
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Né en 1823 dans un village perdu du Rouergue (Aveyron), une des régions les plus pauvres de France (« seigle et châtaigne »), Jean-Henri Fabre est laissé à 3 ans dans la ferme de ses grands-parents. Aucun livre à l’horizon : rien que la communale du village. Les parents du petit Fabre tiennent des bistrots de ci de là (Rodez, Toulouse, Montpellier, Avignon) et envoient leur fils au collège local, où il découvre ses premiers livres. Il quitte l’école à 14 ans et fait des petits boulots alimentaires. Mais il lit tout ce qu’il peut, avidement. A 17 ans, il se présente seul au concours de l’Ecole normale d’Avignon, où il décroche une bourse. Il sort premier de l’Ecole et est nommé instituteur à Carpentras, où il rencontre sa femme, qui lui donnera quatre enfants, dont les deux premiers meurent en bas âge.
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Fabre a trouvé sa voie : l’enseignement. Il passe le baccalauréat de lettres, puis de sciences, toujours seul. Il décroche ensuite plusieurs licences, lettres et sciences, et il est nommé répétiteur de physique au collège Fesch d’Ajaccio. Il poursuit là l’herbier qu’il a commencé en Provence à 20 ans. Et il rencontre deux botanistes chevronnés qui font l’inventaire de la flore corse. Ceux-ci l’incitent à se tourner résolument vers les sciences naturelles, alors qu’il enseigne maths, physique et chimie.
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Fabre est alors nommé professeur au lycée impérial d’Avignon. Il initie ses élèves à la botanique et à l’entomologie au cours de sorties de terrain. Il approfondit ses connaissances par la lecture et, pour la première fois, monte à Paris en 1855 soutenir plusieurs thèses, qu’il a préparées seul, sans maître de thèse. Il préfère mener des études approfondies, à titre personnel, plutôt que le concours de l’agrégation, qui ne sert qu’à la carrière. Sa réputation de naturaliste est donc alors connue jusqu’à Paris.
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En 1865, il reçoit la visite de Pasteur, missionné pour guérir un mal qui frappe le ver à soie. Mais le courant ne passe pas entre le naturaliste de terrain et le grand savant, qui ne sait pas ce qu’est un cocon ni une chrysalide. Les talents de pédagogue du naturaliste incitent Victor Duruy, ministre de l’Instruction Publique, à inviter Fabre à Paris pour le présenter à l’empereur Napoléon III. L’empereur lui fait remettre la légion d’honneur et lui propose de devenir le précepteur du prince impérial. Fabre refuse tout net car il ne se voit pas vivre confiné dans le palais des Tuileries, loin de sa chère Provence.
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Victor Duruy lui offre une autre chance. Comme il vient de créer un enseignement pour les jeunes filles qui, pour une fois, ne se limite pas à la couture et à la cuisine, Fabre enseigne les sciences aux jeunes filles d’Avignon. Y compris les sciences naturelles et donc, entre autres, la fécondation des fleurs. Scandale dans la bonne bourgeoisie d’Avignon, qui s’offusque des audaces pédagogiques de Fabre ! Ecœuré par cette cabale, il démissionne de l’Education nationale et s’installe à Orange, où il va commencer à écrire ses ouvrages d’initiation aux sciences (mathématiques, physique, chimie, astronomie, botanique, « insectes utiles » ou « ravageurs », etc.). Son éditeur parisien, Charles Delagrave, se félicite d’avoir misé sur cet autodidacte méridional qui sait à merveille expliquer les choses à tous, enfants ou grandes personnes. Il le pousse à se lancer dans la rédaction de ses souvenirs entomologiques.
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Par son intense production livresque, Fabre se constitue un pactole qui va lui permettre de réaliser son rêve : acquérir un coin de Provence où il puisse entasser toutes ses trouvailles et observer la nature à loisir, chez lui. En 1879, à 56 ans, il achète une propriété abandonnée à Sérignan-du-Comtat (Vaucluse) qu’il intitule l’Harmas, c’est-à-dire la friche. C’est là qu’il va achever la rédaction de ses fameux Souvenirs entomologiques (10 tomes), qui vont décrire la vie des insectes au quotidien et surtout ce mystérieux instinct qui les guide à coup sûr. Ces Souvenirs vont être traduits en une quinzaine de langues et lui permettre de dialoguer par lettres avec Charles Darwin. Fabre, observateur d’un instinct qu’il n’explique pas, n’accepte pas la théorie de l’évolution du savant anglais, le transformisme. Il reste résolument fixiste. Les milieux universitaires le snobent, car on y publie pour ses pairs, donc pour la carrière, et nous pour répandre le savoir jusque dans les cours d’école. L’entomologiste n’en a cure : il préfère raconter les prouesses du scorpion vivant plutôt que d’étudier son cadavre en laboratoire.
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Fabre ne se complaît cependant pas dans une vie sereine et tranquille. Il se met à peindre les champignons, avec un talent d’aquarelliste qu’on ne soupçonnait pas. Il va ainsi peindre 599 planches, qui sont aujourd’hui cotées en Bourse ! A la mort de sa femme, en 1885, il épouse sa bonne, qui lui donne trois nouveaux enfants, dont un fils qui va mourir à 16 ans. Malgré sa peine, immense, il poursuit la rédaction de ses souvenirs, qu’un de ses fils va illustrer de photographies.
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Il est désormais une figure nationale, que le président Poincaré viendra saluer en 1913. On fait son portrait, on sculpte son buste. C’est la gloire. Mais elle ne lui monte pas à la tête. Humble il est né, humble il a vécu, humble il mourra, à 92 ans. En pleine guerre, en 1915, alors qu’il a un fils sur le front.
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En dehors du film Monsieur Fabre (1951), où son rôle est tenu par Pierre Fresnay, le grand naturaliste a été un peu oublié. Mais son souvenir est encore chaud en Provence, où la ville d’Avignon vient de le célébrer par plusieurs expositions.
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Ses plus grands admirateurs se trouvent aujourd’hui au Japon, qui n’hésitent pas à venir faire le pèlerinage au Harmas, devenu propriété du Muséum national d’histoire naturelle.
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