Des épidémies, des animaux et des hommes


par François Moutou
Moutou

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Qu’on le veuille ou non, le décompte de la biodiversité doit intégrer aussi tous les microorganismes associés aux plantes, aux champignons et aux animaux. Et certains de ces microorganismes possèdent eux-mêmes leurs propres parasites (au sens large du terme). On peut discuter pour savoir si les virus entrent ou non dans ce recensement, mais cela ne change plus grand-chose, ils sont là.

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Comme la biodiversité, c’est surtout l’ensemble des relations unissant tous ces vivants, il apparaît vite que les notions de santé et de maladie figurent parmi les expressions naturelles de la biodiversité. En tant qu’individus, nous préférons clairement le premier terme (santé) au second (maladie). Voici quelques réflexions à ce sujet.

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Les pressions actuelles sur la biodiversité vont probablement entraîner la perte de nombreuses espèces. Le processus est déjà enclenché. Faut-il d’un côté regretter la disparition d’animaux et de plantes, mais de l’autre se réjouir de celle de certains parasites, bactéries, virus ? La situation est peut-être un peu plus complexe.

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Une notion importante en biologie est celle de symbiose. Elle illustre un type de relations très particulières, mais très répandues entre espèces. Chaque individu de chaque espèce est lui-même constitué de nombreuses autres espèces. Chaque être humain porte plus de bactéries qu’il n’a de cellules dans son propre corps. Chacune de nos cellules contient des mitochondries, leurs centrales énergétiques, dérivées de bactéries qui se sont associées pour de bon avec nous. Au moins 10% de notre génome est composé de séquences probablement d’origine virale et qui se sont intégrées à notre ADN au cours des temps géologiques. Et tout cela nous est indispensable. Nous ne pouvons pas vivre sans eux. La question est donc peut-être d’apprendre à mieux se connaître, à mieux vivre ensemble, avec tous les autres vivants, au moment où la disparition de nombre d’entre eux semble de plus en plus inéluctable.

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Soyons clairs, l’idée n’est pas d’héberger tous les microbes, coûte que coûte. En réfléchissant un peu aux processus épidémiologiques, en les étudiant de plus près, il apparaît cependant que toutes les maladies, toutes les épidémies, ne sont pas que des fatalités. L’arrivée des maladies émergentes, les MIE pour « maladies infectieuses émergentes », l’expression à la mode du moment, ne doit pas faire illusion. Il ne s’agit que de maladies dont les agents n’étaient pas encore connus, au même titre que les espèces animales et végétales encore régulièrement découvertes et décrites. On peut même supposer que chacune de ces nouvelles espèces héberge un cortège de microorganismes encore à découvrir. Il reste du travail pour tous les systématiciens de bonne volonté.

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Est-ce à dire qu’il faudrait apprendre à vivre avec les tigres, les ours et les loups comme avec les virus de la poliomyélite, de la rougeole ou de la grippe ? A vivre entre-nous ? Les trois derniers nommés ont un bilan nettement plus impressionnant que les trois premiers. Là où ces animaux existent, quelques précautions sont peut-être à prendre. Là où ces virus sont présents, il y a peut-être quelques règles d’hygiène à respecter. Si le progrès consistait seulement à éliminer ce qui gêne, le bilan serait assez brutal, encore plus que la situation actuelle. C’est pourtant un peu la tendance, mais est-ce la bonne approche ?

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L’impact global de sept milliards d’êtres humains sur la planète, leur besoin d’espace, d’eau, de nourriture, l’envahissement de toujours plus de milieux non habités jusque-là, tout cela favorise les nouvelles rencontres. Certaines sont suivies d’effets. Comme pour le reste, la maîtrise de la santé passera par une maîtrise de ces impacts et la réponse sera probablement d’abord politique. Amélioration de l’économie, de l’éducation, de la démocratie, de la tolérance, de la stabilité, lutte contre l’insécurité, la corruption, la pauvreté. La biodiversité a bon dos.

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François Moutou publie le 13 mai 2015 Des épidémies, des animaux et des hommes aux éditions Le Pommier. Cet éditorial, comme tous ceux de ce site, n’engage que son auteur.

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