A la Réunion, Jean-Bernard Galvès est porte-parole d’un collectif d’une dizaine d’associations de protections de la nature (Sea Shepherd, Sauvegarde pour les requins, ASPAS, Requins intégration, Fondation Brigitte Bardot, Longitude 181, Vague, Tendua). Pour lui, le requin est devenu un bouc émissaire.
par Myriam Goldminc
Ce plongeur chevronné résiste à une ambiance délétère et continue à plaider pour que ce grand prédateur puisse continuer à vivre dans l’Océan Indien.
« Le requin est devenu un bouc émissaire et depuis deux ans les mesures prises pour l’éradiquer se développent sans aucun fondement scientifique », commente Jean-Bernard Galvès. « Ainsi, la chasse au requin, d’une durée de 72 heures, déclenchée par le préfet après une attaque, n’est qu’une opération de pure représailles », explique-il. « Alors que l’on sait que les requins sont capable de faire le tour de l’île en 5 heures, le protocole prévoit une durée de pêche de 72 heures à une distance de 1 km du lieu de l’attaque. Lors du dernier accident en février dernier, 4 bateaux ont appâté à tout va, contrairement au règlement qui l’interdit. Les premiers requins capturés, ainsi que les autres prises de poissons, ont attiré comme il fallait s’y attendre d’autres requins et le Comité des Pêches peut ensuite prétendre que le secteur en est infesté! ».
Du shark business !
En 2013, l’État a financé à hauteur de 260 000 euros des études scientifiques intitulées « Ciguatera » pour l’évaluation des risques sanitaires liés à la consommation du requin bouledogue.
« Pourtant, rappelle Jean-Bernard Galvès, à Madagascar, des dizaines de personnes sont mortes et des centaines ont été intoxiquées après avoir mangé du requin bouledogue. Ce requin est ainsi plus dangereux mort que vivant ! » L’AFSA (Agence de sécurité alimentaire) a mis son veto à la commercialisation, tandis qu’un nouveau programme intitulé « Valo requin » projetait de pêcher les requins pour en faire des croquettes pour chiens …. Ce qui a quand même fini par provoquer un tollé !
Dans le cadre de Cap requin, d’autres études aussi farfelues ont été réalisées comme la transformation pour la maroquinerie de la peau du requin bouledogue, dont le toucher est semblable à celui du papier de verre.
Mais d’autres projets pourraient voir le jour comme la location d’un drone sous-marin pour surveiller la plage d’Étang Salé. Ce gadget luxueux pourrait bien être financé dans le cadre des 10 millions d’euros destinés aux communes, apportés par l’Europe via les fonds Feder pour être affectés à la Région et aux collectivités locales pour des « solutions antirequins innovantes » ! Une manne pour certaines communes dans l’Ouest de l’île, qui envisagent la pose de drum lines (lignes appâtées) à proximité de la plupart des plages. « Une absurdité, dénonce Jean-Bernard Galvès, car les drum lines, en plus d’attirer les requins vers les plages fréquentées, ont un effet pervers en constituant des pièges mortels pour les requins, mais également pour les tortues, les dauphins et les baleines … »
Un principe de précaution
Les solutions pour se prémunir des attaques sont avant tout affaire de bon sens et de respect des consignes élémentaires de sécurité. Faire appliquer la réglementation en vigueur afin que les pêcheurs ne rejettent pas leurs déchets (têtes de thon, bonites ou espadons au large des plages). Rappeler aux chasseurs sous-marins, dont le nombre s’est accru depuis une dizaine d’années, que conserver le poisson dans l’eau, à une ficelle, c’est dangereux pour eux comme pour les autres usagers. Il faut aussi souligner l’imprudence de certains nageurs et surfeurs qui nagent à la tombée du jour à l’heure de la chasse pour les requins ou qui vont se baigner après de fortes pluies dans une eau trouble, ou dans des lieux connus pour leur dangerosité.
« Si l’homme ne fait aucun effort pour comprendre qu’il y a des règles à respecter et des limites à ne pas dépasser, on se retrouvera toujours devant le même problème ! Ce qui reste quand même incroyable en 2015, c’est de voir le comportement absurde de certains qui refusent d’admettre que l’Océan n’est pas une piscine et que le requin y est chez lui. »
A lire aussi sur le même sujet et sur ce site, Requins à la Réunion : une étude scientifique à contre-courant des idées reçues