Les oies et les abeilles au parloir !

Qui a dit que notre pays était réfractaire à l’innovation ? C’est sans doute pour faire cesser de tels ragots infondés, que notre ministre de l’Ecologie a récemment choisi la voie de l’originalité. Voyez plutôt  et parlons de la chasse : jusqu’à présent, ses prédécesseurs s’étaient contentés de prendre des arrêtés en contradiction avec les directives européennes, arrêtés qui en particulier, prolongeaient la chasse à l’oie sauvage au mois de février… alors que ce canardage est censé s’arrêter en janvier. La chasse, c’est comme les soldes, il y a toujours des prolongations…

 

 par Denis Cheissoux

 

Mais cette année, même si le cessez-le-feu a été officiellement fixé au 31 janvier, une variante est apparue. Oh c’est tout simple ! Comme les chasseurs ont annoncé qu’ils ne respecteraient pas l’interdiction, Ségolène Royal a demandé au directeur de l’Office National de la Chasse de ne pas verbaliser les contrevenants ! En quelque sorte, le braconnage devient une activité sinon légale, du moins implicitement encouragée par un ministre qui en matière de politique, n’a rien d’une oie blanche, et qui prône le pragmatisme face au lobby de la « gâchette-qui-démange ». Bref, la réalité du terrain avant toute chose !

 

Le ministère joue en tout cas ici à un bien étrange jeu de l’oie. Et de l’oie (la bestiole), au non-respect de LA LOI, il n’y a probablement que l’épaisseur d’une plume de palmipède. La loi n’est décidément pas la même pour tous, surtout quand des élections cantonales se profilent. Des élections qui pourraient bien se jouer sur un coup de dés, et dont les oiseaux migrateurs feront fatalement les frais. Maintenant entre le gouvernement et les écologistes, toute cette affaire ne risque-t-elle pas de dégénérer en conflit d’oies ?… Allez savoir.

 

C’est d’autant plus dommage que d’autres actions comme la prime km vélo pour les déplacements domicile-travail, l’interdiction du commerce de l’ivoire d’éléphants dans les salles de vente, les mesures pour arrêter la diésélisation de nos poumons, la labellisation de territoires énergétiques sont des mesures très positives.

 

Et les z’abeilles ?!

On savait les abeilles mal en point ; on vient d’apprendre qu’elles se sont fait un nouvel ennemi. L’abeille est comme ça, il faut qu’elle se fâche avec tout le monde !… Doit-elle faire face à un nouveau frelon, au varroa, nosema, au petit insecte des ruchers ? A un parasite sournois autant qu’inédit ? Point du tout. Le nouvel ennemi, c’est le sénateur. Parfaitement, le sénateur, qui à l’inverse des abeilles, voit ses populations enregistrer une certaine stabilité, voire un léger rajeunissement.

 

Le sénateur donc, aurait pu, le 4 février, interdire les néonicotinoïdes qui contribuent – même si ce n’est pas la cause unique – à l’effondrement des colonies de butineuses. Il n’en a rien fait, c’est sur le score sans appel de 248 voix contre 64 que l’interdiction d’utiliser cette famille de pesticides, proposée par le sénateur écologiste Joël Labbé, a été rejetée par le Sénat cette semaine. Les sénateurs PS ont voté contre cette interdiction à la quasi unanimité cette résolution … soutenue par S. le Foll, ministre de l’Agriculture.

 

N’allez pas dire après ça que l’on ne prête qu’aux ruches !

 

Bon, c’est sûr, les sénateurs ont déjà fait beaucoup pour les abeilles, puisque les jardins du Palais du Luxembourg hébergent des ruches depuis 1856. Sans doute, ces dames et messieurs, toujours convaincus d’œuvrer dans l’intérêt général et certainement pas pour le lobby de la chimie,ont-ils considéré qu’il n’était pas nécessaire d’en faire davantage pour cette classe ouvrière volante !

 

Et puis les mêmes sénateurs maires dans leurs communes doivent avec une sincérité émouvante  installer et inaugurer des ruchers pour ces réfugiées chimiques qui dépérissent dans les champs devenus un long printemps silencieux. On veut bien accueillir quelques réfugiées malmenées par les pesticides, mais de là à s’attaquer au fond du problème, il y a tout de même un abîme.

 

En tout cas, pour le rapporteur de ce projet de résolution, Joël Labbé – qui n’aboutira donc pas à une révolution des pratiques agricoles – la messe est dite.

 

Denis Cheissoux anime CO2 Mon Amour tous les samedis à 14 h sur France Inter. Vandana Shiva est l’invitée principale de son émission du 7 février 2015, au cours de laquelle le texte ci-dessus devait être lu.