Le témoignage de Claude-Marie Vadrot sur son ami Jean Cabut, dit Cabu

Cabu avait une solide fibre écolo, n’avait pas de voiture, aimait la nature et était contre les centrales nucléaires.

par Claude-Marie Vadrot

Cabu - photo DR
Cabu – photo petit zozio

Difficile de résumer une quarantaine d’années d’amitiés et parfois de travail avec Jean Cabut dit Cabu, le nom sous lequel il était connu de la majorité de Français. Notre première rencontre date du novembre 1970 quand Hara-Kiri hebdo fut interdit de parution pour avoir titré, après la mort du Général de Gaulle et après le terrible incendie d’une discothèque de l’Isère ayant fait 146 victimes : « Bal tragique à Colombey : un mort ». Avec Jean-Paul Sartre et Maurice Clavel et des confrères, j’avais alors créé un Comité de défense de la presse et des journalistes qui arracha en quelques jours le droit de reparution du journal sous le nom de Charlie Hebdo. Déjà au nom de la nécessaire liberté de la presse et du droit à l’humour. Notre amitié date de cette période et nous nous sommes ensuite retrouvés à la Gueule Ouverte, le journal écolo fondé par Charlie. Car il ne faut jamais oublier que Jean avait une solide fibre écolo, qu’il n’avait pas de voiture, qu’il aimait la nature, qu’il était contre les centrales nucléaires.

 

Nous avons ensuite été ensemble pendant une dizaine d’années au Canard Enchainé où Jean travaillait toujours. J’ai du mal, beaucoup de mal, à parler de lui au passé car au cours de deux longs voyages que nous avons fait ensemble en URSS pour écrire et dessiner le livre Plutôt Russe que mort, publié en 1987, j’avais eu l’occasion de le connaître intimement, d’apprécier sa gentillesse, son humour au quotidien et son appétit des bonnes choses et son amour de la nature. Au départ du train qui nous emmena en deux jours à Moscou, il avait apporté deux poulets et de quoi nourrir un régiment : un voyage de ripailles joyeuses. Ma fille n’a jamais oublié les succulents spaghetti qu’il lui avait un jour cuisiné. J’ai aussi retenu de ce périple en URSS et de toutes nos rencontres postérieures, son rire extraordinaire de jeunesse. Il a cessé de rire ; et je vais avoir du mal à me marrer. Bien sûr, je n’oublie pas les neuf autres victimes odieusement massacrées, mais la mort de Jean comme celle de Wolinski et de l’élégant Bernard Maris, dit Oncle Bernard, que je connaissais également pour l’avoir fréquenté à Paris 8, pèsera sur le reste de mon existence.