Notre confrère Marc Giraud (JNE), qui vient de publier Safari dans la bouse (Delachaux & Niestlé), a participé le 10 novembre à l’émission scientifique de Mathieu Vidard, La tête au carré, diffusée quotidiennement sur France Inter de 14 h à 15 h.
par Roger Cans
Marc Giraud, qui prend des notes depuis vingt ans sur les excréments de la faune (sauvage ou domestique), avoue avoir eu du mal à trouver un éditeur pour son dernier ouvrage. Car la société est foncièrement « fécophobe », en ce sens qu’elle ne veut rien savoir sur les fèces, un sujet qui, pense-t-on, n’intéresse que le premier âge (pipi, caca, dodo).
Même réticence des chaînes de télévision à l’égard du documentaire sur l’urine réalisé par Thierry Berrod, qui va finalement être diffusé sur Arte le 14 novembre à 22 h 20. Le réalisateur constate un fait indéniable : « On a plus de relations avec la mouche qu’avec le lion ». Mais on diffuse plus d’images de lions que de reportages sur les mouches. Il a visité en Chine une usine de méthanisation où l’on mélange le purin de porc avec les excréments humains. Ces matières « viles » peuvent en fait devenir une source d’énergie appréciable.
Marc Giraud souligne qu’une simple bouse de vache est un véritable écosystème, où les insectes coprophages s’installent au-dessous, à l’intérieur et en surface – si toutefois l’on n’a pas administré trop de produits « sanitaires » à l’animal. Qu’il s’agisse des « boulettes fécales » des termites, de la « neige marine » dégagée par certains animaux marins ou des tortillons rejetés à la surface du sol par les vers de terre, tous les excréments jouent un rôle dans la nature. Darwin, déjà, l’avait noté. A ce propos, notre confrère signale que le vocabulaire désignant les crottes est riche et varié, puisque chaque espèce a sa façon de déféquer.
Thierry Berrod indique que l’urine est un élément très complexe, qui peut contenir jusqu’à 3.000 composants. Soit beaucoup plus que le parfum le plus sophistiqué comme le Chanel N° 5, qui contient 1.200 composants. L’urine est d’ailleurs utilisée par certaines populations comme remède ou comme adjuvant.
Marc Giraud décrit alors le principe du « latrines lover », qui veut que les mâles déposent les crottes les plus riches possibles afin de convaincre les femelles qu’ils mangent à leur faim. Il rappelle à ce propos que l’ancienne médication du lavement, supposée nettoyer les intestins, était une ineptie. Les intestins, riches en bactéries, permettent aux éléments digérés par l’estomac d’être encore affinés avant l’expulsion. Il ajoute que les vermifuges administrés aux animaux d’élevage sont rémanents et provoquent des dégâts chez les chouettes et les chauves-souris qui mangent les insectes coprophages. Il évoque le problème de l’Australie, autrefois submergée de bouses de vaches sans le moindre bousier. Il a fallu en introduire.
Les excréments jouent aussi un rôle majeur dans la diffusion des graines, après digestion des fruits. De même, les crottes d’hippopotames, dispersées à grands coups de queue, nourrissent les poissons du fleuve. Les arbres produisent-ils des excréments ? La question a été posée au botaniste Francis Hallé, qui estime que les éléments digérés se transforment en bois, ce matériau mort qui s’accumule sous l’écorce. Encore une matière dont l’utilité, cette fois, est reconnue par tous.
Vous pouvez (ré)écouter cette émission en cliquant ici sur le site de France Inter.