par Fabrice Nicolino |
Vous le savez sans doute : le troisième Plan national santé environnement était en consultation jusqu’au 14 octobre. Est-il sérieux ? Hélas, non, et pas une seconde. Dans ce domaine pourtant crucial pour nous tous et nos descendants, la puissance publique apparaît comme paralysée.
C’est tristement simple. Quantité de maladies flambent. 355 000 cas de cancers en France en 2012, contre 170 000 cas en 1980. Quatre millions de diabétiques. 15 % d’obèses chez les adultes, soit le double qu’il y a quinze ans. Près de 30 % d’allergiques de toute sorte. Un million d’Alzheimer et peut-être deux d’ici 2020. D’évidence, quelque chose se passe à une très grande vitesse, mais quoi ? Des études parues dans les meilleures revues scientifiques, de plus en plus nombreuses, pointent des liens entre exposition à des molécules toxiques et ces maladies si graves. Il ne s’agit évidemment pas de prétendre que tout viendrait de là, mais il serait stupide de ne pas voir tous ces signaux qui s’allument en même temps.
Et pourtant, rien ne bouge. En 1991, la scientifique américaine Theo Colborn a forgé l’expression déconcertante de « perturbateur endocrinien ». Des molécules toxiques, imitant à la perfection des hormones naturelles, entrent dans le corps humain et y désorganisent le système endocrinien, décisif pour notre équilibre général. D’évidence, il s’agit d’un danger gravissime. Mais notre Plan national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a été scandaleusement saboté, de même que la politique européenne dans ce domaine. Et le si lourd dossier de l’air intérieur est lui aussi durablement encalminé, au point que Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, vient de renoncer à suivre la qualité de l’air dans les crèches. Pourquoi ? Parce que la question est explosive ! Une étude menée fort discrètement par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) révèle que les gestionnaires de parcs immobiliers crèvent de trouille à l’idée qu’on pourrait leur demander des comptes. Le spectre de l’amiante – et ses innombrables procès – est dans toutes les têtes.
Et le pire est qu’on comprend cette angoisse, car que faire ? Annoncer froidement à la population française que l’air qu’elle respire 20 heures sur 24 est farci de molécules potentiellement dangereuses ? Que les rares études montrent une contamination généralisée ? Oui, que faire, quand il faudrait revoir la quasi-totalité des process industriels, de manière à enfin s’attaquer à la source des émissions ?
Le plan actuellement en consultation ne sera donc, comme les précédents, que cautère sur une jambe de bois. Il faudrait du courage, un courage politique fou, et comme chacun le sait, la denrée est rare. Reste notre propre responsabilité, amies, amis, consœurs et confrères des JNE. Nous qui avons la possibilité – et le devoir – d’informer, qu’attendons-nos pour mettre sur la place publique les vraies enjeux de la santé qu’on appelle environnementale ? Pour ma part, je préfère parler de la santé de tous les organismes vivants, car nous ne sommes pas seuls au monde. Il y a les plantes. Il y a les animaux.
Fabrice Nicolino vient de publier Un Empoisonnement universel, comment les produits chimiques ont envahi la planète, aux éditions Les Liens qui libèrent. Il anime le blog Planète Sans Visa.
Cet éditorial, comme tous ceux de ce site, n’engage que son auteur.