A Molsheim (Bas-Rhin), l’entreprise Soli’vers, une coopérative d’intérêt collectif (SCIC), est engagée dans l’économie sociale et solidaire. Pierre Hoerter, vigneron et président de la coopérative, nous raconte cette belle aventure.
par Myriam Goldminc
Le modèle fonctionne. Financée par le Fonds social européen, l’Agefip et le Ministère du Travail, l’association a permis de garantir des CDI à 250 personnes souffrant de handicaps à travers des prestations de service saisonnières pour l’entretien des vignobles et des plantations de haies vives. Certaines personnes ont pu créer leur propre entreprise.
Main verte a été le moteur qui a permis à Pierre Hoerter de créer la coopérative Soli’ Vers avec d’autres partenaires : un groupement foncier agricole GFA pour développer le domaine du Stierkopf, une voiture hippomobile pour ramasser les feuilles mortes et les déchets végétaux, un atelier recherche et innovation, le tout dans un bâtiment flambant neuf qui héberge en son sein un service de restauration intitulé Vertu 0se et sa boutique traiteur de produits locaux en direction des entreprises et des particuliers. Ces infrastructures emploient des personnes en situation de handicap qui sont, précise Pierre Hoerter, non pas en insertion mais en « inclusion en milieu rural ».
Un autre regard sur le handicap
« Nous parlons aujourd’hui de l’inclusion au lieu de l’insertion car notre préoccupation est moins la personne inadaptée que la situation de désavantage. C’est la situation de l’individu du point de vue de ses facteurs personnels, inscrits dans des environnements et appréhendés à partir de ses habitudes de vie, sachant que les modes de réponse ne sont pas uniques mais multivariés. Le handicap est beaucoup moins lié au diagnostic médical fait en amont qu’on ne le pense généralement. Il est en fait lié aux diverses situations auxquelles l’individu est confronté dans son environnement actuel, dans sa vie de tous les jours. »
« Nous faisons une analyse systémique. En travaillant pour les personnes dites handicapées, on travaille tout autant pour les autres. En effet, que sait-on des difficultés diverses rencontrées par des personnes dites non handicapées ? La personne ayant mal au dos, une personne âgée, une femme enceinte, peuvent s’avérer tout aussi en difficulté qu’une personne reconnue « handicapée ». Il est à la fois question de conseiller, de stimuler, d’encourager, de motiver, de viser une réhabilitation morale, comme de fournir des aides pratiques. Ainsi nous avons un bureau de recherche qui a travaillé à la création d’un langage codé de 300 signes inspiré du langage de la plongée et du langage des signes pour communiquer en cuisine avec les sourds et muets. On pourrait ainsi imaginer la création de codes similaires dans bien d’autres secteurs professionnels et inviter les entreprises à embaucher les personnes en situation de handicap. »
De la passion et du savoir-faire, Soli’vers n’en manque pas pour changer en Alsace et ailleurs notre regard sur le handicap.
Ce reportage a été réalisé dans le cadre du voyage JNE au Salon BiObernai 2014.