En Algérie, le ministère de l’Industrie se préoccupe de la préservation des sols. Paradoxal ?
par M’hamed Rebah
« Pour la sauvegarde des terres agricoles de la bande du littoral, l’investissement industriel sera délocalisé, pour l’essentiel, vers les régions des Hauts plateaux ». Cette orientation qui prend en charge des préoccupations écologiques – la préservation de la ressource-sol et la protection du littoral – est donnée par le ministre algérien de l’Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb. On aurait pu l’attendre du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, dont les missions sont directement centrées sur le souci de la sécurité alimentaire qui impose de préserver les terres à vocation agricole.
Il faut préciser que l’intérêt de l’un et l’autre est dominé par une considération non pas écologique, mais purement économique : la nécessité de réduire la facture des importations de produits alimentaires, un objectif qui ne peut être concrétisé, selon eux, que si l’on respecte l’impératif de la préservation des terres agricoles. Sinon, à quoi servirait l’allocation accordée par le prochain plan quinquennal au développement agricole, qui s’élève, a rappelé Abdesselam Bouchoureb, à plus de 255 milliards de DA pour la seule année 2015 (soit près de 2,5 milliards d’euros).
La préoccupation écologique, à travers la préservation des terres agricoles, n’est pas nouvelle au ministère de l’Industrie. Elle était exprimée déjà au plus fort de l’époque de « l’industrie industrialisante », dans les années 1970, mais la structure spécialement dédiée à la protection de l’environnement, et qui était censée prévenir le risque de détournement du foncier agricole pour les besoins des projets industriels, ne pouvait rien face à la volonté de « rattraper le retard » sur les pays développés, traduite sur le terrain en complexes géants dans toutes les branches.
Ce que l’industrie a épargné, a été ensuite « bouffé » par les constructions d’habitations, les hangars de stockage et les autres infrastructures de base, comme les routes. Une petite visite dans les zones industrielles et dans les agglomérations urbaines suffit pour constater la disparition des terres agricoles et des cultures qui faisaient leur réputation : orangeraies, vignobles, maraîchages,…Tout cela en violation de la loi, évidemment, car il n’y avait, au moment des faits, le vide juridique qui pouvait permettre un tel détournement des terres agricoles de leur vocation.
Il y a moins de deux mois, à l’occasion de l’Assemblée plénière, tenue à Rome, du Partenariat mondial sur les sols (GSP), l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) rappelait que les ressources en sols de la planète sont limitées et insistait sur la nécessité d’arrêter leur dégradation afin que les générations futures puissent répondre à leurs besoins en nourriture, en eau, en énergie et en matières premières. L’éradication de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté, sont à ce prix, faisait remarquer la FAO.
L’avertissement lancé par Maria Helena Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO, semble adressé aux Algériens : « Le sol est la base même de l’alimentation humaine et animale, de la production d’énergie et de fibres ». « Sans les sols, ajoute-t-elle, aucune vie sur terre n’est possible, et lorsque des sols disparaissent, ils ne peuvent se renouveler à notre échelle de temps ». Elle a tiré la sonnette d’alarme sur l’accélération du rythme actuel de dégradation des sols qui menace la capacité des générations futures de satisfaire leurs besoins fondamentaux.
A retenir : l’ONU a proclamé le 5 décembre Journée mondiale des sols et 2015 Année internationale des sols. Un large travail de communication et de sensibilisation dans ce domaine peut être préparé dès maintenant.
Cet article a été publié dans le magazine algérien Reporters.