Bref historique du conflit entre Chevron-Texaco et l’Equateur

Voici un bref historique du conflit entre Chevron-Texaco et l’Equateur, sur lequel vous pouvez lire aussi les interviews de Pablo Fajardo Mendoza, avocat des plaignants, et Oscar Herrera, représentant des victimes, ainsi que des nouvelles récentes (ici).

 

par Richard Varrault

 

Comparaisons économiques

Texaco, société pétrolière étatsunienne, a opéré en Equateur entre 1964 et 1992. Texaco a été rachetée en 2001 par Chevron et constitue aujourd’hui la 2e société pétrolière des Etats-Unis derrière ExxonMobil et la sixième au monde (Chevron est redevenue Chevron Corporation en 2005, Texaco restant une marque du groupe). Son chiffre d’affaires en 2013 est de 229 milliards de dollars et son bénéfice net, en recul de 18 % par rapport à 2012, s’élève à 21,4 milliards de dollars. En comparaison, le PIB de l’Equateur n’est que de 91,41 milliards de dollars.

 

La banque centrale équatorienne prévoit un taux de croissance de l’économie de + 4,5 à + 5 % pour 2014. La monnaie de l’Equateur est le dollar américain.

 

Le pétrole représente 40 % des revenus de l’Etat et 60 % des exportations. Le pays est membre de l’OPEP de 1973 à 1992 et réintègre l’organisation en 2007.

 

Le pétrole

Les opérations de forages ont été réalisées dans le nord du pays dans la province du Sucumbios, région amazonienne frontalière avec la Colombie. Au début de l’exploitation pétrolière, l’Equateur est un pays sous dictature. Elle se terminera à la fin des années 1970. Le pays fut marqué à cette époque par un conflit armé avec le Pérou et par le mouvement des Indiens pour la reconnaissance de leurs droits. Les tribus indiennes paralysèrent le pays par une grève pacifique.

 

Les conditions d’intervention de l’entreprise américaine ont certainement été influencées par la succession de situations politiques et sociales agitées qui ont pu faciliter son influence auprès des différents gouvernements.

 

Il est aujourd’hui reproché à Texaco d’être responsable d’avoir déversé au moins 70 millions de litres de résidus de pétrole et 64 millions de litres de pétrole brut sur un territoire de 2 millions d’hectares de l’Amazonie équatorienne. Eléments qui ont été déterminés par la justice équatorienne après neuf ans de procès. Tout a été pollué, comme le montrent les témoignages et les expertises, l’eau, l’air, les sols, au point que les habitants furent victimes de maladies dégénératives, cancers, malformations, empoisonnements.

 

Plusieurs tribus vivaient dans la région impactée par les 356 puits et leurs stockages de produits et déchets toxiques à ciel ouvert. Deux d’entre elles, les Tetete et les Sansahuari, ont complètement disparu, tuées par les intoxications délétères.

 

La justice

Les premières plaintes ont été portées en 1993. Les plaignants ont voulu que le premier jugement soit rendu à New York, mais Chevron a fait obstruction et poussé politiquement et avec d’autres influences pour qu’il ait lieu en Equateur, pensant mieux contrôler la situation.

 

Finalement, en février 2011, la cour de justice de Lago Agrio a condamné Chevron à verser 19 milliards de dollars pour la remise en état des zones dévastées par ses méthodes de travail et l’indemnisation des victimes. Une des plus lourdes condamnations pour des dégâts environnementaux et pétroliers en particulier.

 

Ce jugement a été cassé à New York en mars 2014 par le juge Lewis Kaplan, en argumentant que les plaignants utilisaient des méthodes mafieuse pour soutirer de l’argent à une entreprise très riche. Un prochain jugement doit intervenir dans les mois qui viennent.

 

L’objectif des plaignants est d’obtenir la saisie des actifs de Chevron dans plusieurs pays. En plus des Etats-Unis et de l’Equateur, d’autres procès se déroulent actuellement au Canada, en Argentine et au Brésil.

 

Le différend s’est également déplacé à la cour permanente d’arbitrage de La Haye (créée en 1899), tribunal privé spécialisé dans la résolution de conflits entre entreprises et entre entreprises et Etats.

 

L’affaire y est enregistrée sous les références suivantes : « Affaire CPA n° 2009-23 ». « La CPA fournit un soutien administratif dans cet arbitrage conduit conformément au Règlement d’arbitrage de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, ndlr), en application du Traité entre les États-Unis d’Amérique et la République d’Équateur concernant l’encouragement et la protection réciproque des investissements. »

 

Au plan international, des actions sont engagées pour réduire l’influence des multinationales et accroître la prise en compte des droits humains. Ainsi Pablo Fajardo (avocat des plaignants) est intervenu à la tribune du Conseil des Droits de l’Homme à Genève le 26 juin 2014 et une première résolution a été votée.

 

Lien vidéo

Vous pouvez retrouver une synthèse de ce conflit dans l’intervention de Madame la ministre de la défense de l’Equateur Maria Fernanda Espinosa. Vidéo enregistrée au Sénat le 4 novembre 2013 lors d’une réunion de travail à l’initiative du groupe de projet du Tribunal International de la Nature :

http://www.dailymotion.com/video/x16z03o_senat-4-novembre-2013-maria-fernanda-espinosa-ministre-de-l-equateur_news (durée 9’:11“)