Voici le compte-rendu du débat JNE sur Démographie et Ecologie qui avait lieu le 15 mai 2014 à la mairie du IIe arrondissement de Paris.
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par Roger Cans
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Notre présidente Carine Mayo présente les intervenants et rappelle que, pour beaucoup d’écologistes, la question démographique est taboue. L’ordre des interventions est tiré au sort.
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Denis Garnier, de Démographie responsable, aborde le premier la question. Il indique qu’il a fallu 150.000 ans pour que l’humanité atteigne son premier milliard et seulement 12 ans pour le second milliard. D’où la création, en 2009, de Démographie responsable. L’homme est aujourd’hui en concurrence directe avec la mégafaune, comme l’éléphant ou le tigre, très menacés. Par son empreinte écologique, l’homme a besoin de 2,7 hectares pour que sa consommation soit soutenable. Mais sa biocapacité – son crédit capital—n’est plus que de 1,8 hectare. Les courbes de ces deux indicateurs se sont croisées en 1970. Résultat : 20 % des hommes consomment 80 % des ressources. L’alerte a été donnée par La bombe P, le Club de Rome et René Dumont. Nous sommes dans un « état d’urgence démographique » avec comme projection basse 8 milliards d’habitants en 2050.
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Gilles Pison, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), déroule ses chiffres : 6 milliards en 1999, 7 milliards en 2011, 9 milliards en 2050 ? 11 milliards en 2100 ? Nous abordons aujourd’hui la transition démographique, qui parvient à un certain équilibre entre natalité et mortalité. Jusqu’au XVIIIe siècle, en Europe, la mortalité infantile était telle que la population était stable. Entre 1800 et 2005, avec la chute de la mortalité infantile et les progrès de l’hygiène, la population européenne a quadruplé. On peut considérer que la transition démographique est achevée en Europe, en Asie et en Amérique. Reste l’Afrique, où la démographie est toujours galopante. En 2100, on devrait compter 638 millions d’Européens et 4 milliards d’Africains. Une constatation générale : l’ensemble de la population mondiale vieillit. La pyramide des âges, autrefois en forme de tour Eiffel se mue en meule de foin avec un gonflement des personnes âgées. Pour consulter les chiffres de l’INED en temps réel, voir www.ined.fr.
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Notre camarade Michel Sourrouille, organisateur du débat et coauteur d’un livre sur le sujet (13 auteurs), l’affirme d’emblée : « Moins nombreux, plus heureux ». Ils ont étudié l’accroissement naturel et les flux migratoires. Michel se déclare malthusien, tant pour la stricte natalité que pour le mode de vie. Il y a le permis de conduire, pourquoi pas le permis de procréer ?
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La parole revient alors à un objecteur de croissance venu des Cévennes, Christian Sunt. Les hommes vivent dans des écosystèmes différents dont ils doivent assurer la pérennité. L’explosion démographique est liée chez nous à la société industrielle. Nous sommes plus nombreux parce que nous vivons plus longtemps. Plus grave que le nombre, c’est le mode de vie qui fait de nous de grands prédateurs. On défriche aux tropiques pour notre consommation de viande, pour le soja et l’huile de palme. Nous nourrissons trop d’ animaux de compagnie. Dans les Cévennes, les chevaux ne servent plus qu’aux loisirs. Il faut abandonner la politique nataliste propre à la France et permettre une éducation collective et gratuite des enfants, qui doivent devenir un patrimoine commun et non plus l’étroite propriété héréditaire de leur parent.
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Débat : Gilles Pison souligne que le taux d’accroissement ne cesse de baisser depuis 50 ans. Ce à quoi Denis Garnier fait observer que le ralentissement n’empêche pas les milliards de s’ajouter. Michel dit qu’on peut toujours compter sur les guerres et les épidémies pour réduire l’accroissement, mais que le crucial est le pic pétrolier qui provoquera un manque d’énergies fossiles. Christian Stunt estime que les deux pierres de touche sont l’éducation des filles et l’énergie. Lorsqu’elle fait de l’aide au développement, l’Europe ne s’occupe pas de planning familial. Il y a 200 millions de femmes en demande de planning.
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Michel précise que le débat fera l’objet d’une journée complète en octobre prochain. Gilles Pison fait état de prévisions qui conduisent au suicide du Japon : plus que 10 Japonais en l’an 3.000 ! Michel remarque que l’empreinte écologique ne compte que les ressources destinées à l’homme et non aux autres espèces. La solution ? La météorite, ironise Gilles Pison. Denis Garnier admet que l’on puisse vivre à 11 milliards, mais ce sera sans les éléphants. Il suggère d’arrêter les allocations familiales au deuxième enfant. En Guyane, ils en sont encore à 3,4 enfants par femme.
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Un intervenant de la salle, Jacques Maret, paysan, explique que sa conscience a été éveillée par Tchernobyl, le professeur Pellerin et son professeur de classe. Comment nourrir 12 milliards d’hommes ? Augmenter la production ? Non. Assurer la répartition. S’il n’y a plus de pétrole, Paris sera affamé en quatre jours. Que l’on pense à l’île de Pâques. Un hectare par personne, ce n’est pas assez. Il en faut cinq.
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Michel conclut : soyons inquiets pour réagir. Il nous suggère de revoir notre fécondité personnelle, de penser aux enfants des autres et de changer notre mode de vie. Un auditeur constate : « Mais on est trente dans cette salle ! ». Un autre, membre du mouvement Colibri, affirme que chacun peut agir.
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