De Totnes, ville en transition, à Angoulême-Résilience

Le plus intéressant de l’expérience de Totnes, ville en transition, n’est pas sa réalité présente : il n’y a pas encore de plan de descente énergétique et madame le maire de cette petite ville de 8000 habitants n’a pas trop conscience de ce que veut dire « résilience ». Mais c’est un concept viral, qui a vocation à se propager dans le monde entier.

 .

par Michel Sourrouille

.

En effet, le constat pour cette ville anglaise est le même que pour toutes les villes de cette planète : nous allons être soumis aux terribles jumeaux de l’hydrocarbure : changement climatique et pic pétrolier. Rob Hopkins, à l’origine de l’expérience de Totnes, appelle « Intervalle du pétrole », le bref interlude de 200 ans où nous aurons extrait du sol la totalité de cette extraordinaire substance et l’aurons brûlée. Le changement climatique nous dit que nous devrions changer, tandis que le pic pétrolier nous dit que nous allons être forcés de changer.

.

Les communautés locales sont les mieux à même de se pencher sur la façon dont la contraction énergétique et économique se manifestera dans telle région, telle ville et tel village. C’est pourquoi la ville d’Angoulême en France a voulu suivre le même chemin que Totnes. J’ai personnellement initié ou participé à la totalité de ce qui suit.

.

Conditions de réalisation d’une expérience de transition

La constitution d’un groupe de travail sur la transition nécessite un événement fort ou la présence d’un organisme préexistant. La commission anti-nucléaire, une des composantes de Charente-nature, s’était transformée en commission énergie. Après parution du manuel de transition de Rob Hopkins en 2010, cette commission est devenue à mon initiative Energie-Résilience : « Angoulême en transition » est donc né début 2011.

.

Le groupe a continué à se réunir tous les premiers lundis de chaque mois, une liste de diffusion dédiée a été créée. Cette liste a été ouverte à des représentants des différentes associations d’Angoulême, SEL (système d’échange local, une variante des monnaies), Incroyables comestibles, AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), des membres de Colibri, vélocité de l’Angoumois, etc. Des représentants du parti socialiste local et d’EELV ont été associés.
.

Un tel groupe de travail a pour fonction de sensibiliser la population, mais doit disparaître quand la transition est prise en charge par la communauté tout entière. Encore faudrait-il que cette sensibilisation soit effective.

.

Les caractéristiques de la transition à Angoulême

Le groupe s’est fait connaître au travers de manifestations publiques, projection du film « solutions locales pour un désordre global », débats organisés au cours de différentes évènements locaux, conférence-débat avec le conférencier Benoît Thévard (vers un avenir sans pétrole). Nous avons fait accepter par l’AG de Charente Nature une motion pour le « lundi végétarien ». Nous avons diffusé les témoignages de plusieurs membres du groupe sur leur expérience de simplicité volontaire, publié un livret sur les différentes entreprises régionales engagées dans la rénovation thermique de l’habitat, visité des maisons « passives », participé à l’expérience de l’ADEME « familles à énergie positive », etc.

.

Les objectifs étaient clairs, tendre localement à l’autonomie alimentaire et énergétique. Il fallait donc reconquérir la ceinture vivrière autour d’Angoulême, mettre en place des centrales hydroélectriques sur la Charente, transformer le contexte culturel, etc. Tout cela n’était plus de la compétence du groupe de travail, mais de la communauté de commune. Nos tentatives de contacts avec les autres villes en transition n’ont rien donné et le site français de synthèse ne vit pas : à chacun dans son coin de faire ce qu’il peut.

.

Le groupe Angoulême-Résilience s’est éteint à l’approche des municipales 2014, au moment même où cette initiative aurait dû être reprise par l’ensemble des listes en présence.

.

Les limites de l’expérience angoumoisine

Le terme « transition » est aujourd’hui galvaudé : transition écologique, énergétique, agricole… C’est pourquoi nous avions choisi le terme de communauté de « résilience », ou capacité de résister aux chocs. Mais il a fallu expliquer ce terme, y compris au président de Charente-nature. Nous ne sommes qu’au début de la prise de conscience.

.

Une ville comme Angoulême, forte de près de 50 000 habitants (110 000 avec l’agglomération), ne peut pas faire vivre l’esprit de communauté d’appartenance. Il faudrait descendre au niveau des quartiers, mais ce petit territoire n’a quasiment aucun potentiel d’autonomie véritable au niveau socio-économique.

.

Il est très difficile de convaincre les gens que la question énergétique et alimentaire va devenir cruciale alors que le prix du baril stagne autour de 100 dollars et que la nourriture arrive en masse des quatre coins du monde. Le groupe de travail connaissait un taux d’entrée/sortie important, et les initiatives concrètes se comptaient sur le doigt d’une main.

.

Les municipales auraient dû être le coup d’envoi de la transition/résilience. Mais le débat national sur la transition énergétique avait déjà capoté et les partis n’avaient comme définition de la transition qu’une vision édulcorée, y compris EELV (cf. son site).

.

Convaincu de l’urgence d’agir contre le réchauffement climatique, le Grand Angoulême avait initié dès 2007 un plan climat de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a associé tous les partenaires du territoire, les collectivités, le monde socio-économique, les institutions, les associations (dont Charente-nature). Il n’a abouti à rien de palpable. On parle maintenant depuis 2010 de Schéma Régional Climat Air Énergie Poitou-Charentes (SRCAE), une usine à gaz sans conséquence. Ces initiatives officielles montrent bien que le PADE (plan d’action de descente énergétique) de Rob Hopkins commence à titiller les instances politiques, locales et nationales… Une initiative associative comme Angoulême-Résilience n’est qu’un élément de tout un ensemble. Mais il faudra un baril à 500 dollars pour que des concrétisations réelles soient vraiment mises en place.

.

Conclusion partielle

« Le niveau idéal pour une Initiative de Transition est celui que vous sentez pouvoir influencer. » (Rob Hopkins)

« Nous apprenons à faire quelque chose en le faisant. Il n’y a pas d’autre façon. » (Rob Hopkins)

.