Algérie : les fauteurs de bruit sont-ils au-dessus de la loi ?

Le bruit fait fureur dans les villes algériennes, y compris une grande partie de la nuit, avec une tendance à devenir un fait «normal».

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par M’hamed Rebah

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Quand ce n’est pas une gare routière implantée dans une cité populaire, et qui fait monter les décibels des moteurs et des klaxons mêlés aux cris des gens, passagers et employés des sociétés de transport, ce sont les supporters de clubs de football qui laissent éclater leur joie après une victoire en mettant à plein tube leurs lecteurs de CD pour faire entendre les hymnes à la gloire de leurs équipes fanions, ou alors, c’est une fête commerciale à caractère publicitaire installée au milieu d’habitations et où trônent un animateur ou un DJ totalement ignorants de l’impact des nuisances sonores qu’ils provoquent.

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Ils ne savent pas que si l’intensité du bruit dépasse le seuil d’innocuité, cela provoque une gêne et un stress qui perturbent l’organisme, humain ou animal. Chez l’homme, cela peut entraîner des problèmes d’irritabilité, d’insomnie et de dépression et jusqu’à des dommages physiologiques avec une perte temporaire, voire permanente, de l’audition. Les animaux ont tendance à fuir les endroits bruyants.

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Aucun fauteur de bruit n’est inquiété et il y en a même qui se prévalent d’une «autorisation» délivrée par un responsable local, au niveau de la commune ou de la wilaya. Les guillemets qui encadrent le mot «autorisation» sont bien à leur place parce que dans notre pays, la loi – comme partout dans le monde, mais ailleurs elle est appliquée par ceux qui ont la charge de le faire – impose expressément aux activités bruyantes sur la voie publique, une étude d’impact. Nul n’est censé ignorer la loi, stipule la Constitution algérienne, mais tout indique que, dans notre pays, nombre de responsables ne se sentent pas concernés par cette disposition et font mine de ne pas connaître la loi algérienne sur l’environnement, indifférents à l’escalade des décibels qui dépassent le seuil de tolérance fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et qui agressent l’environnement et en premier lieu les riverains.

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En Algérie, la loi sur l’environnement de juillet 2003 soumet les activités bruyantes, de quelque nature qu’elles soient, au régime très strict des installations classées. Il s’agit évidemment de travaux d’utilité publique indispensables et non pas d’activités de loisirs ou commerciales qui peuvent être délocalisées. Un décret, signé en 1993, entré en vigueur depuis 1995, toujours valable, fixe les seuils d’intensité de bruit à 70 db et 45 db, respectivement entre 6 heures et 22 heures et de nuit. Pour rappel, le bruit est mesuré en décibels (db) à l’aide d’un sonomètre sur une échelle entre 0 (c’est le plus faible bruit perceptible à une oreille) et 120 (sensation extrêmement douloureuse). L’émission de bruit à partir du véhicule par l’utilisation abusive du klaxon ou du poste radio constitue, pour la loi algérienne, une infraction pour laquelle les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 2000 à 3000 dinars. Cette disposition de la loi n’est pas appliquée. En fait, ce sont des considérations autres, notamment politiques, qui l’emportent sur les préoccupations environnementales, voire de santé publique. Le résultat se fait malheureusement sentir dans d’autres domaines plus sensibles, comme celui des accidents de la route dont le bilan ne veut pas descendre malgré la sévérité, théorique, de la loi.

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Cet article a été publié dans Reporters (Algérie).

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