Tous les 7 ans, la surface d’un département en terres agricoles disparaît

Et si l’on préservait l’avenir en même temps que les terres agricoles ?

 

par Pierre Arnault

 

 

Si le côté politique des dernières municipales a été copieusement commenté, le rôle des communes pour réduire la pression foncière sur les terres agricoles n’a guère suscité d’intérêt. Or, tous les 7 ans des terres agricoles disparaissent d’une surface équivalente à celle d’un département. Des outils existent pour réduire ce phénomène, mais ils paraissent insuffisants. Parmi les éventualités, gérer le foncier sur un territoire plus vaste, la région par exemple, est évoqué.

 

logo-abiodocFace à la diminution de l’espace agricole, le monde agricole est de plus en plus inquiet, souligne une étude publiée par Abiodoc (1). Les agriculteurs les plus touchés sont les moins de 40 ans qui, en dehors d’un cadre familial, ont des projets d’agriculture diversifiée, de proximité (circuits courts) ou engagée dans des pratiques plus respectueuses de l’environnement, en particulier d’agriculture biologique. Le recul des terres agricoles touche toute l’Europe : 30 millions d’hectares en moins entre 1961 et 2003. En France, en dehors des surfaces affectées non affectées à l’urbanisation, aux loisirs et au boisement artificiel, l’abandon des terres agricoles est estimé à 30 000 ha par an. Il est relativement dispersé sur le territoire, mais le secteur viticole du Languedoc, les Alpes de Haute Provence, l’Ain, les Ardennes et la Haute-Saône sont particulièrement touchés. En secteur rural, l’urbanisation s’accentue dans le nord des Alpes, en Charente-Maritime, au sud de la Mayenne et sur le littoral de Basse-Normandie. La pression des villes est trois plus élevée que la moyenne nationale dans les zones périurbaines de Lille, Le Mans, Lyon et Toulouse. Les terres devenant plus rares, elles sont également plus chères (65 % de hausse entre 1997 et 2010 pour les prés et les terres libres). Cela favorise la spéculation dans la mesure où les terrains constructibles valent 55 fois plus chers que les terres agricoles avec moins de risques que la Bourse. Il y a de moins en moins d’exploitants agricoles mais de plus en plus de propriétaires fonciers.

 

 

La consommation d’espace augmente

Le développement de l’habitat individuel – 62 % du parc en 2009, contre 41 % entre 1950 et 1975 – accentue la consommation d’espace. Sans oublier l’incompatibilité fréquente entre cet habitat et la production agricole : bruits, odeurs…. Simultanément, les besoins en productions agricoles croissent alors qu’il est indispensable de protéger davantage d’espaces naturels pour la biodiversité, les captages d’eau ou les paysages (qui présentent une valeur économique essentielle pour le tourisme). En montagne, la pression foncière s’exerce particulièrement dans les plaines, là où les agriculteurs peuvent produire les aliments du bétail (céréales) qui favorisent l’autonomie des exploitations. Le Commissariat général au développement durable constate, en 2011, que plus d’un tiers des sols agricoles artificialisés présentent un potentiel agronomique fort. Si le Schéma de cohérence territoriale (ScoT) et le Plan local d’urbanisme (PLU) semblent pertinents, ils ne sont pas suffisamment utilisés dans une perspective de protection des espaces agricoles. La concurrence entre les collectivités territoriales accentue cette tendance. C’est pourquoi l’échelon régional paraît plus pertinent pour l’aménagement du territoire. Une donnée que le regroupement en cours des collectivités territoriales pourrait prendre en compte.

 

La protection des terres agricoles doit donc tenir compte de leur valeur agronomique. Des expériences et des outils réglementaires, avec la loi Grenelle et la loi de Modernisation agricole, existent pour protéger les terres agricoles, mais de façon dispersée. Ces initiatives tendent à favoriser la production de produits alimentaires, préserver les ressources, telles que la qualité de l’eau et la biodiversité, lutter contre les risques naturels, développer des circuits courts. Des réalisations démontrent que cela est possible. Elles sont fondées sur des diagnostics agraires, la préservation et la transmission du foncier agricole, la cartographie du territoire agricole, les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces naturels et agricoles périurbains (PAEN) comme celui de la vallée du Gier dans le parc naturel régional du Pilat, ou les Zones agricoles protégées (ZAP) à l’exemple de celle de la communauté de communes de l’Est tourangeau. Ce peut être aussi la location d’une ferme communale pour pérenniser l’activité agricole d’une commune comme à La Chapelle du Bard (Isère). Donc, des solutions existent. Puissent-elles être source d’inspiration pour toutes les collectivités territoriales concernées, même si la sujet a globalement peu suscité d’intérêt lors de ces dernières élections municipales. On peut penser qu’il a aussi sa place pour les Européennes qui se profilent…

 

 

 

1) Cette synthèse, signalée dans le n° 197 de Biopress (février 2014), est disponible sur le site www.abiodoc.com, rubrique Documents. Elle a été réalisée dans le cadre du projet « Développement des filières biologiques du Massif Central pour répondre aux besoins de la restauration collective », porté par le Pôle Agriculture Biologique Massif Central et qui s’inscrit en complément des actions engagées au niveau de chaque région ou département. Programmé jusqu’en 2013, ce projet regroupe ABioDoc – VetAgro Sup, AgriBioArdèche, l’APABA, l’ARDAB, Auvergne Biologique, Bio 82, le SEDARB, LotABné, Inter Bio Limousin, Sud et Bio, l’EPL de Limoges, l’ISARA, le Lycée de Naves, ainsi que les plateformes Auvergne Bio Distribution, BioAPro et Manger Bio Limousin.