« Souriez, vous êtes surveillés. » Par ce titre volontairement provocateur, le bimestriel du Monde diplomatique, Manière de voir, dans son édition de février, fait découvrir au lecteur un monde caché. Si les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance planétaire par l’agence américaine NSA (National Security Agency) avaient contribué à éveiller les esprits, la lecture du numéro 133 devrait les empêcher de se rendormir.
On savait que l’historique des cartes de crédit, des dossiers, médicaux, et les relevés d’appels téléphoniques faisaient la joie des exploitants des bases de données, et on constate avec inquiétude que le contrôle ou la correction des informations est quasi impossible. On découvre que les caméras de vidéo-surveillance, disséminées un peu partout dans les rues, n’étaient au départ destinées qu’aux prisons ! Au travail, les techniques de contrôle des personnes se développent. Et si vous souhaitez vous confier aux réseaux sociaux, sachez que vos échanges enrichiront le commerce !
Big data libertidice, juteux marché de la peur, vidéosurveillance galopante, banalisation des vigiles, satellites d’observation de plus en plus indiscrets, réseaux sociaux pulvérisant la vie privée, surveillance profonde sur Internet… La lutte contre le terrorisme fait entrer nos sociétés dans l’ère de la surveillance électronique permanente et de la suspicion généralisée. Au point que le philosophe Giorgio Agamben s’interroge : » … les sociétés dans lesquelles nous vivons peuvent-elles encore être qualifiées de démocratiques ? » Et l’on s’effraie en imaginant l’Allemagne nazie disposant en son temps de l’informatique généralisée et des techniques biométriques !
On lit l’anthropologue David Price, citant la fameuse phrase du juge américain Louis Brandeis prononcée en 1928 comme un avertissement prémonitoire : « Si l’Etat se met hors la loi, il encourage les autres à faire de même ; il invite à l’anarchie. » Les programmes Prism et Echelon, semblent lui répondre comme un triste écho. Et ce n’est pas l’article 20 de la Loi de programmation militaire, étendant la possibilité de se procurer les métadonnées informatiques sans passer par l’autorité judiciaire, qui rassurera l’internaute.
L’honnête citoyen, respectueux des lois et s’acquittant de tous ses devoirs, ne serait-il plus qu’une cible potentielle ? Maurice Lemoine cite Vinton Cerf, vice-président de Google : « La vie privée peut être considérée comme une anomalie. » Edifiant !
Marie-Hélène Léon
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