En Tanzanie, le braconnier est devenu l’ennemi public n°1 à abattre. Tous les braconniers arrêtés dans les parcs nationaux et réserves naturelles de ce pays seraient désormais abattus sur place dans la jungle.
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par M’hamed Rebah
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Cela s’appelle une exécution sommaire. Le membre du gouvernement qui a été chargé de donner cette information rapportée par Xinhua (Chine Nouvelle), n’est ni le ministre de l’Intérieur, ni le ministre de la Défense (qui ont les missions de protéger les populations et le territoire contre les ennemis intérieurs et extérieurs), c’est Khamis Kagasheki, ministre tanzanien des Ressources naturelles et du Tourisme. Il a ordonné aux gardes-chasse patrouillant ces zones d’appliquer cette directive avec effet immédiat. On ne peut pas imaginer entendre ces paroles de la bouche de notre ministre du Tourisme qui a en charge en même temps l’Artisanat et non les ressources naturelles, ni du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, qui s’occupe des parcs nationaux et réserves naturelles mais pas du tourisme.
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« Il n’y aura aucun pardon pour les braconniers qui terrorisent les animaux innocents comme les éléphants, rhinocéros et autres espèces de ce pays », a averti le ministre tanzanien, ajoutant qu’il n’y avait aucun besoin de faire un procès pour les braconniers. Sa menace est sérieuse : « toute personne trouvée dans les parcs, quel qu’en soit le mobile, sera abattue sur place ». « Je suis bien conscient que des soi-disant défenseurs des droits de l’Homme feront un scandale, affirmant que les braconniers ont le droit d’être traduits en justice comme tout le monde, mais il faut dire les choses telles qu’elles sont, les braconniers n’hésitent pas non seulement à tuer des animaux sauvages mais aussi à abattre tout innocent qui les gêne », a déclaré M. Kagasheki, révolté par le braconnage de certaines espèces, en particulier les éléphants et les rhinocéros, qui a atteint des proportions dramatiques.
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Les chasseurs qui tuent illégalement des éléphants pour leurs défenses sont sous la protection de riches barons internationaux, ils sont bien armés et équipés et peuvent en général s’offrir toute l’assistance juridique nécessaire pour se défendre, a expliqué le ministre pour justifier la sévérité de cette mesure.
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On voit d’ici le conflit qui peut naître entre Human Rights Watch (HRW) et World Wildlife Fund (WWF), deux organisations internationales, l’une, comme son nom l’indique, chargée de protéger les gens contre les abus des autorités, et l’autre, se préoccupant de la défense des espèces animales, particulièrement celles qui sont menacées d’extinction. On sait que HRW est intraitable sur les atteintes aux droits de l’homme, notamment le droit à être jugé équitablement. Mais le WWF aussi n’a aucun penchant pour la violence. Son logo représente le panda géant, un animal paisible qui ne fait de mal à personne malgré sa taille et son poids (80 à 125 kg avec une moyenne de 105,5 kg ; il mesure de 1,50 à 1,80 mètre de longueur, avec une moyenne de 1,65 mètre).
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Le chef de la protection de la nature de Tanzanie a déclaré que les questions de droits de l’Homme n’entraient pas en ligne de compte sur ce sujet et que la Tanzanie ne se laisserait dissuader par personne.
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En Tanzanie, la faune sauvage est un des facteurs d’attraction touristique. Pour comprendre cette mesure qui peut paraître excessive, il faut consulter les sites spécialisés. On apprend que le tiers de la Tanzanie, plus de 33 % du territoire, est protégé soit comme réserves de gibier, soit comme parcs nationaux (il y en a quinze qui couvrent presque 45 000 km², soit 6 % de la surface du pays), soit comme aires de conservation. Les spécialistes nous signalent qu’à titre de comparaison, le Kenya compte seulement 8 % de territoires naturels protégés. Les territoires protégés de Tanzanie sont le refuge de 20 % de la population de gros mammifères de toute l’Afrique, fauves, éléphants, buffles, hippopotames, élands, bubales, zèbres et autres gnous ! La grande migration des gnous, dont nous voyons les images impressionnantes dans les documentaires à la télévision, part de l’aire de conservation du Ngorongoro, parc national du Serengeti en Tanzanie pour aller vers les réserves de Masai Mara au Kenya.
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« Les revenus générés par le tourisme sont montés de 1,35 milliard de dollars en 2011 à 1,7 milliard en 2012, faisant du tourisme la deuxième source de devises étrangères après le secteur de l’or », annonçait triomphalement le ministre des Ressources naturelles et du tourisme, se réjouissant que l’année 2012 ait connu « l’arrivée d’un million de visiteurs internationaux, soit une augmentation de 24 % par rapport à 2011 ». Le tourisme en Tanzanie repose essentiellement sur les visites aux nombreuses et diverses espèces animales de sa demi-trentaine de parcs nationaux qui offrent une diversité exceptionnelle.
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Cet article est paru dans Reporters (quotidien algérien).
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Jean-François Noblet nous invite à signer la pétition « H.E. Jakaya Kikwete, President of Tanzania: PROTECT TANZANIA’S WILDLIFE », réclamant au Président de Tanzanie et à son gouvernement d’arrêter le massacre de la faune, d’abandonner des projets de travaux menaçant les sites naturels et de protéger le patrimoine dont son pays, le peuple tanzanien et le monde ont hérité. C’est ici, en anglais.
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