Ceux qui, en Algérie, n’ont jamais cru en Desertec (400 milliards d’euros à investir pour produire 100 GW d’ici 2050) ont eu raison. Dans un entretien téléphonique avec EurActiv (un site d’actualités et de débats européens), le PDG de Desertec Industrial Initiative (Dii), Paul van Son, a annoncé l’abandon de l’idée d’acheminer de l’électricité depuis l’Afrique du Nord vers l’Europe.
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par M’hamed Rebah
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C’était une «vision unidimensionnelle», a-t-il reconnu.
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L’information n’a pas surpris les observateurs qui ont suivi les dernières péripéties de ce projet qui n’arrivait plus à avancer. En novembre 2012, l’actionnaire fondateur Siemens, un pilier du projet, se retirait de DII suivi immédiatement par Bosch, pour des raisons liées à la conjoncture économique difficile.
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Simultanément, l’idée de concrétiser Desertec au Maroc tombait à l’eau. DII n’a pas pu obtenir le soutien du gouvernement espagnol, qui se débattait dans une crise sans fin, pour lancer la construction d’une centrale pilote de 500 MW à Ouarzazate dans le désert marocain (elle devait être prête en 2012). La construction de cette centrale devait sans doute pousser l’Algérie à lever ses réticences à l’égard de Desertec.
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Un véritable forcing médiatique a été exercé sur l’Algérie, dès les premiers balbutiements de Desertec, pour pousser notre pays à mettre à la disposition de cette idée non seulement une part de désert mais aussi l’argent pour acheter les équipements fabriqués ailleurs, en Europe. Maigres résultats pour ceux qui voulaient jeter notre pays dans une aventure où il avait tout à perdre : un mémorandum d’entente a été signé en décembre 2011 à Bruxelles entre Sonelgaz et l’entreprise allemande Desertec initiative; un projet de production entre Desertec et Sonelgaz pour 1000 MW en solaire (900 MW à exporter et 100 MW pour la consommation interne), à très long terme, autant dire jamais; enfin, des discussions pour la mise en place d’une convention aux termes très vagues. Depuis quelques jours, tout cela n’est plus que de l’encre sur du papier.
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L’idée Desertec qui vient de prendre fin, a commencé à se faire connaître en 2009. Elle consistait à implanter dans les zones très ensoleillées, et plus ou moins ventées, essentiellement au Maghreb et à l’horizon 2050, un vaste réseau de centrales solaires et éoliennes dont la production d’électricité devait être transportée jusqu’en Europe pour couvrir 20% de ses besoins. L’écueil financier n’a jamais pu être surmonté par la vingtaine de sociétés mobilisées autour de cette idée. La crise et l’incertitude sur son issue n’étaient pas pour encourager quiconque à mettre de l’argent dans Desertec.
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On se rend compte maintenant, côté européen, que « l’exportation d’électricité est incompatible avec l’interconnexion actuelle du réseau entre le Maghreb et l’Europe, et au sein de l’Europe elle-même, et que le marché européen éprouve déjà des difficultés à intégrer une capacité supplémentaire d’énergie renouvelable ». Autre fait tardivement soulevé : « l’Espagne éprouve déjà des difficultés avec sa propre production excédentaire d’énergie renouvelable et des importations supplémentaires de pays tiers aggraveraient certainement le problème ».
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Depuis 2011, l’Algérie a son propre programme national de développement des énergies renouvelables ouvert aux partenaires étrangers qui souhaitent s’y associer. Une enveloppe de 100 milliards de dollars est consacrée à la réalisation de la partie du programme qui concerne la production d’électricité destinée à couvrir la demande nationale.
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Cet article a été publié dans le quotidien algérien Reporters.
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