La Baleine et le Papillon

Voici le compte-rendu d’un voyage naturaliste hors du commun au Mexique.

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par Jean-Baptiste Dumond

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Photo Jean-Baptiste Dumond

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La Baleine et le Papillon
Baja Sur – Michoacan
Mexique

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25 février – 9 mars 2013

Partie 1 : la baleine

Lundi 25 février 2013 : Paris – Mexico – La Paz
Paris 14 h 15 – Mexico – La Paz 23 h 15 : Paris moins 8 h.

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Mardi 26 février 2013 : sud de La Paz
La plage de Todos Santos, longue, jaune-orangée, descend roidement vers le Pacifique qui l’assaille et la creuse violemment à coups d’épaisses vagues. Sur le sable, un marsouin mort entouré d’Urubus à tête rouge. Plus loin, un pélican brun immature blessé tente de s’échapper vers la mer qui le roule et le rejette dès qu’il l’atteint.
Le moment fort c’est l’apparition soudaine des baleines grises. Des souffles, puis des sauts, puis des échines qui émergent, se déploient, s’enfoncent élégamment dans l’océan. Un couple mère/petit longe le rivage durant un long moment tandis qu’au loin surgissent d’autres cétacés, observées par des bateaux de pêche et de touristes.

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Mercredi 27 février 2013 : La Paz – Loreto – Santa Rosalia
Long trajet de presque 12 heures, 600 km sur la Carretera, qui parcourt la Baja du nord au sud. Vallées de cactus, plaines de cultures, petites chapelles, croix fleuries, un cheval mort guetté par les charognards, des gorges, des tournants, des sommets dentés, une vallée aride suivie d’une longue plaine arbustive, bordée d’une chaîne de montagnes mauves. A nouveau des gorges plantées de cardõns jusqu’à Bahia Concepcion. Reliefs, montagnes, collines verdâtres où coulent des pierriers sang. La plage d’El Coyote avec ses maisons de bois. De nouvelles vallées encaissées, dominées par des sommets arrondis ou crénelés, de tertres, où se mélangent cardõns, broussailles, longs pierriers. Mulegé, sa mission jésuite du XVIIIe qui surplombe une rivière émeraude bordée de palmiers.
Santa Rosalia, enfin, ville du cuivre, aux maisons en bois de style colonial et son église construite par Eiffel.

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Jeudi 28 février – Dimanche 3 mars 2013 : Santa Rosalia – San Ignacio – Laguna de San Ignacio (Kuyima Camp)
La route vers la lagune. Changement de décor, lunaire. Lac salé, toundra arbustive, et la baie immense bordée de sierras, les pics Santa Clara, un petit aérodrome, les différents camps de Whale watching, enfin le nôtre, Kuyima Camp 2 : une quinzaine de chalets acajou sur pilotis alignés devant la baie; avec sanitaires écologiques.
Accueil par Carlos, grand et fort barbu mexicain, maniant bons mots et propos scientifiques, accessoirement musicien. Il indique les règles de comportement et de sécurité, le maniement des facilités, les horaires de repas, des sorties de Whale watching.
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– Les repas : 7 h 30, midi, 19 h, servis, dans un bâtiment à l’entrée, grande salle commune ronde qui rassemble cuisine, bar, bibliothèque spécialisée, prises multiples pour les batteries d’appareils.
– Les sortie, matin et (en supplément) le soir, à des horaires tributaires du vent, fermeture de la réserve à 17 h. Entre les sorties, la mangrove, la toundra.
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La lagune est divisée en deux parties :
. La baie, interdite à la circulation, lieu de reproduction et nursery où les mères élèvent leur petit. Eau peu profonde, plus salée, et absence de prédateurs.
. La passe, entre la lagune et la haute mer, lieu des sorties.
– Coucher vers 21 h. Incitation à ne plus utiliser de lumière après 22 h.

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souffle
Photo Jean-Baptiste Dumond

Cela offre de belles nuits, y compris au dessus des têtes qu’un ciel comblé d’astres coiffe hors de toute pollution lumineuse, immensément lacté.
Debout de bonne heure, levers et couchers de soleil sur Santa Clara, toundra buissonnante marquée des pieds de coyote, ou mangrove secrète agitée de vies multiples, Balbuzard pêcheur rentrant avec poisson aux serres, allant nourrir son jeune, Aigrette roussâtre, Chevalier semi-palmé, Courlis corlieu, Ibis blanc, Barge hudsonienne, Bernache cravant, Puffin, Starique de Cassin, Macreuse à front blanc, Goéland de Cortez et marin-briseur de coquillage, Frégate superbe, Pélican brun, Cormoran à aigrettes et de Brandt, Sterne élégante, Huîtrier d’Amérique, Grand Corbeau, coyotes de passage, insectes et araignées, et le rivage aux multiples coquillages, os de cétacés, hippocampes et poissons séchés, tous interdits de ramassage : réserve de la biosphère oblige !
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Ce n’est pas pour rien que cette baie a été surnommée Bahia des las Baleinas.
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Au cours de près de 12 heures de mer en 5 sorties, par houle ou calme, dans les mouvements agités des vagues ou comme sur un lac d’huile (le mieux pour observer), nous aurons assisté à un ballet de baleines grises (près de 400, dont plus de 100 baleineaux), avec tous les comportements : souffle qui nous arrose, saut, plongée, copulation, sortie de tête en chandelle, regards – Ah! Le regard d’un baleineau, cet oeil qui émerge à la commissure des lèvres, quel instant, quel échange! -, queue déployée, poursuite; et le cadeau final de la nature : le toucher de baleineaux et de sa mère, le contact de leur peau, douce comme une babine de chien !

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queue
Photo Jean-Baptiste Dumond

Les marques sur leur peau disent la rudesse de leur vie. Elle raconte la longue route qui, chaque année, les amène d’Alaska et de la mer de Barentz et les y ramène, en tout 16 000 km de voyage qu’orques et requins croisent, avec lesquels il faut ruser, eux les carnivores, eux les herbivores et planctivores, deux mondes que séparent le goût du sang. Et les pièges des hommes – chasse, déchets, pollution. Mais cette population californienne – 20 000 individus – n’est pas en danger, contrairement à sa cousine japonaise et coréenne, en voie d’extinction.
Le soir, depuis le rivage, nous entendons souffler les baleines, nous en apercevons surgissant au dessus de la lagune, des échines grises qui s’arrondissent à la surface, des jets vaporisés dans l’air.

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Dimanche 3 mars 2013 : Kuyima Camp – Loreto
Le vent a changé de nouveau. Passé au nord-ouest hier, portant le calme sur la baie, il revient au nord-est et lève du clapot.
On n’entend plus le souffle des baleines qui nous diraient adieu. Avons-nous rêvé?

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Je suis sûr que nous partons le cœur gros.

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Retour vers La Paz….

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A suivre…

Ce voyage était proposé et organisé par Objectif Nature.

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