par Thomas Blosseville |
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Depuis l’automne dernier, la France débat de sa transition énergétique. Après des heures de discussion, l’exercice entame une (dernière) ligne droite décisive. Avec des promesses, mais non sans risque.
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Sur le principe, tout le monde s’accorde. Oui, la France doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Oui, elle doit déployer des énergies renouvelables. Oui, elle doit prendre des mesures de sobriété et d’efficacité énergétique. Mais… jusqu’à quel point ? C’est l’enjeu du débat national en cours. Après un démarrage poussif, celui-ci s’accélère. Le 25 avril, trois premiers groupes de travail ont présenté leurs conclusions au conseil national du débat, à Paris. Au menu : sobriété et efficacité énergétique, développement des renouvelables et gouvernance. Le 23 mai, deux autres devraient en faire autant, l’un sur les scénarios prospectifs, l’autre sur le financement. Entre-temps, le 14 mai devrait être consacré à la dimension européenne. Et le 25 mai, des panels représentatifs de citoyens dans les régions françaises seront interrogés. Dans un mois donc, de nombreux éléments seront sur la table des discussions.
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D’ores et déjà, un constat s’impose : la France a des idées. Les premiers groupes de travail ont listé une série de mesures potentielles. Assurément, notre pays pourrait sortir du débat avec une véritable boîte à outils pour réussir sa transition énergétique. Elle aurait d’autant plus de légitimité que ces outils sont, souvent, le fruit de consensus. Le groupe sur la sobriété et l’efficacité énergétique a identifié une quarantaine de mesures prioritaires. Celui sur les énergies renouvelables décline des recommandations transversales et par filières. Celui sur la gouvernance a fait une vingtaine de propositions. Restent à venir les groupes sur les scénarios, le financement, la compétitivité, les mutations professionnelles…
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Attention toutefois, la méthode a une contrepartie. Le débat national fait la part belle aux consensus. A juste titre, car un débat ouvert est indispensable pour mobiliser l’ensemble de la société. Mais cette approche limite l’ambition. Si, à chaque étape à venir, le consensus initial est rogné, il se réduira in fine à peau de chagrin. C’est bien là l’enjeu du bras de fer qui s’engage maintenant entre les différents groupes de pression.
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Car une boîte à outils ne suffira pas. Il faudra aussi établir des priorités et fixer des objectifs. Force est de constater que les tenants de l’ordre actuel n’ont pas tous intérêt, à court terme, à engager la transition. Ainsi, les économies d’énergie s’imposent toujours plus comme une impérieuse nécessité. L’un des objectifs est d’atteindre le « facteur 4 », c’est-à-dire diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici à 2050. Selon les scénarios prospectifs, pour y parvenir, il faudra diviser par 2 la consommation d’énergie… ou un peu moins si surviennent des évolutions technologiques, encore loin d’être garanties. Dans ces conditions, quel objectif se fixer ? Le 25 avril, lors de la dernière réunion du conseil national du débat, les représentants du patronat et certains des syndicats de salariés se sont opposés à viser formellement une division par 2 en 2050 de la consommation d’énergie française. Pourquoi ? En quoi étaient-ils représentatifs des patrons et salariés ? Mystère !
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C’est le gouvernement et les parlementaires qui, au final, trancheront par la loi. Les conclusions du débat en cours alimenteront leur réflexion. Mais sous quelle forme ? Une simple boîte à outils ? Des recommandations ? Une liste des principales options, chiffres et arguments à l’appui ? Cela n’est pas encore décidé, et laisse à chaque partie prenante la possibilité de contribuer à orienter l’issue du débat. Pour le meilleur ou le (moins) pire.
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