End Ecocide (halte à l’écocide) et Tribunal international de l’environnement : un petit déjeuner JNE

Un petit déjeuner JNE était organisé le 1er mars 2013 à la mairie du 2e arrondissement de Paris sur le thème : End Ecocide (halte à l’écocide) et Tribunal international de l’environnement.

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par Roger Cans (avec Richard Varrault)

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Richard Varrault, l’organisateur de la rencontre, présente les intervenants du jour :

– Valérie Cabanes, juriste indépendante, spécialiste de droit international et du droit des communautés autochtones. A ce titre, elle a passé un an au Cambodge et un an à Quetta, au Baloutchistan, à la frontière irano-afghane. Elle est aujourd’hui porte-parole de l’initiative End Ecocide in Europe, une initiative citoyenne pour donner des droits à la Terre.

 

– Alfredo Pena-Vega est un sociologue français originaire du Chili, d’où ses parents ont fui après le coup d’Etat de Pinochet. Il enseigne aujourd’hui l’ethnobiologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, et mène des recherches sur les catastrophes industrielles. Avec son collègue Edgar Morin, ils ont organisé à Rio+20 un séminaire intitulé « La Terre inquiète ». Un combat exemplaire pour lui : un chef aborigène, en Australie, a réussi par l’insurrection des consciences à arrêter un projet de mine d’uranium (Areva) dans le parc national de Kakadu.

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Valérie Cabanes explique la genèse de l’Initiative Citoyenne Européenne « Arrêtons l’écocide en Europe » que chaque citoyen de l’Union européenne peut signer jusqu’au 21 janvier 2014. (Photo Copyright Richard Varrault)

 

Valérie Cabanes retrace l’historique de l’initiative lancée en avril 2010 par l’avocate anglaise Polly Higgins. Inspirée par le tribunal de Nuremberg qui, en 1948, a puni les crimes de guerre, Polly Higgins a proposé à l’ONU une loi contre « l’écocide » (le massacre de la planète). Le crime d’écocide deviendrait alors le 5e crime contre la paix (après le crime de guerre, le crime contre l’humanité, etc.). S’appuyant sur cette proposition, la Cour Suprême du Royaume-Uni a mené un procès fictif (mock trial) contre BP, responsable de la catastrophe écologique en Louisiane à la suite de l’explosion d’une plate-forme pétrolière dans le Golfe du Mexique, et un autre procès contre l’exploitation des schistes bitumineux en Alberta (Canada).

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L’initiative contre l’écocide, pour déboucher au plan international, doit recueillir l’accord d’au moins 81 Etats qui devront ratifier cet amendement pour qu’il soit validé aux Nations Unies. A ce jour 10 Etats, hors UE, ont signé un accord national, dont le Vietnam, victime en son temps de l’agent orange, et certains pays de l’Europe de l’est dans lesquels l’ex URSS avait réalisé des essais atomiques.
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Au plan européen, grâce au traité de Lisbonne qui a créé la possibilité d’une « initiative citoyenne européenne », onze Européens de neuf nationalités différentes se sont associés pour demander à la Commission européenne une directive Ecocide. Déposée au Parlement européen le 22 janvier 2013, l’initiative doit recueillir un minimum d’un million de signatures pour être prise en compte. Et comme il ne s’agit pas d’une pétition, mais d’un vote citoyen, les signataires doivent s’inscrire sur le site de la Commission dédié (www.endecocide.eu). Le quota minimal pour la France est de 54.000 signatures, ce qui est parfaitement jouable. Mais le droit français oblige, pour un vote, à déclarer son identité, ce qui peut réfréner certaines ardeurs.

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Après l’initiative sur le droit à l’eau et une autre sur le revenu minimum, c’est donc la troisième ICE (initiative citoyenne européenne) à être lancée en Europe. Elle se fonde sur la constatation que notre écosystème est la condition de notre survie. Ceux qui mettent cet écosystème en péril, qu’il s’agisse de dirigeants, d’entrepreneurs, de banquiers ou de sociétés, doivent être poursuivis pénalement et personnellement pour crime contre l’environnement. La reconnaissance du préjudice écologique en France est déjà un premier pas.

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Qu’il s’agisse de BP en Louisiane ou de Total pour l’Erika, le pollueur s’en tire toujours en indemnisant les victimes et il y a impunité pour les dirigeants. L’initiative vise à ce que les responsables d’un crime écologique soient condamnés et, le cas échéant, mis en prison. Elle vise aussi à ce que tout produit d’un écocide soit interdit sur le marché européen. Enfin, elle met en garde les entrepreneurs européens contre un écocide hors d’Europe, comme les turbines françaises promises pour le barrage de Belo Monte, en Amazonie, qui est un écocide pour les populations autochtones. Cela devrait encourager les entrepreneurs à investir dans le propre et le sobre. « En cela, nous sommes d’accord avec Michel Prieur (JNE) et son Tribunal international de l’environnement. »
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« Tribunal de conscience »

Alfredo Pena Vega retrace à son tour l’historique du « tribunal de conscience » imaginé avec Edgar Morin. Voilà une vingtaine d’années qu’il travaille avec lui pour faire le lien entre le monde scientifique et le monde politique. Dans la perspective de Rio+20, ils se sont mis à réunir dirigeants politiques, chercheurs, élus et intellectuels pour préparer un événement à Rio en 2012. « L’idée est venue de monter un tribunal, comme le souhaitait Michel Prieur, mais un tribunal moral, comme le fut le tribunal Russell durant la guerre du Vietnam. Et comme Stéphane Hessel était pour nous l’une de ces consciences, nous avions l’intention de faire un film intitulé De Russell à Hessel. Hélas, il vient de nous quitter. En 2007, nous avons créé un pôle à Poitiers pour ce futur tribunal, grâce à Ségolène Royal, la présidente de région. Le thème en était « Au-delà du développement ». Nous avons aussi obtenu l’accord de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, et d’un sénateur brésilien. D’où notre séminaire « La Terre inquiète » organisé à Rio, et aussi la diffusion d’un document provisoire diffusé à 10.000 exemplaires. »

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« Surtout, ne pas confondre notre tribunal international citoyen, purement moral, qui veut éveiller les consciences, et l’écocide européen qui se veut pénal. Nous considérons que nous sommes au degré zéro de la politique. L’exemple du barrage de Belo Monte le prouve : lancé sous le président Cardoso il y a une quinzaine d’années, le projet a été repris par tous les successeurs, y compris maintenant Dilma Rousseff  ! Notre tribunal a deux buts majeurs : prévention et pédagogie. Prévention parce qu’il ne faut pas attendre que le mal soit fait. Le tribunal Russell n’a pas attendu la fin de la guerre du Vietnam pour éveiller les consciences et retourner finalement une partie de l’opinion américaine. »

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« Le tribunal n’aura pas de siège, mais tiendra ses audiences dans les lieux d’où remonteront les plaintes. L’écocide, pour être condamné par le Parlement européen, cela peut prendre cinq ans. Nous, c’est très rapide. Nous avons monté une association pour le financement du tribunal. Nous prévoyons un budget annuel compris entre 450.000 et 600.000 euros. Nous avons dix bénévoles qui s’en occupent. Dès à présent, nous avons dépensé 60.000 euros pour lancer une enquête internationale en six langues afin de répondre à la question « Qu’est-ce qu’un crime contre la nature ? ». Nous attendons entre 300 et 400.000 réponses. Nous en rendrons compte lors d’un événement à l’Unesco à la fin mai 2013. Grâce à notre réseau de bénévoles, nous pouvons intervenir partout et vite. Ainsi, en Inde, nous sommes en contact avec Bitoun, le Nicolas Hulot du pays. Il mène campagne contre le projet de centrale nucléaire française (Areva) à seulement 400 km de Bombay, sur une zone sismique avérée. »

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Au moment du débat. De gauche à droite : Valérie Cabanes qui a développé l’ICE Endecocide, Philippe Desbrosses docteur en sciences de l’environnement et agriculteur et Alfredo Pena Vega promoteur du Tribunal international de la nature. (Photo Copyright Richard Varrault)

 

Philippe Desbrosses, arrivé sur la fin de la réunion, ajoute son indignation contre le projet de centrale nucléaire en Inde, qui est le contraire de son idéal de « sobriété heureuse » (Pierre Rabhi). Lui aussi, comme agriculteur bio et comme docteur en environnement, a participé au séminaire de Rio sur « La Terre inquiète ».
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Et il propose que le tribunal de l’environnement crée partout des groupes de base, comme celui qu’il a créé chez lui dans le Loir-et-Cher.

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Quelques liens :

www.endecocide.eu le site « Arrêtons l’écocide en Europe ». L’Écocide est un acte causant des dommages importants à un ou plusieurs écosystèmes, ou la destruction ou la perte d’écosystèmes.

http://eradicatingecocide.com/ le site arrêtons l’écocide en 2020, rappels historiques. In english.

http://pollyhiggins.com/ le site de Polly Higgins, avocate à l’origine du concept d’écocide, peu usité en langue française mais connu des anglophones. In english.

http://eradicatingecocide.com/overview/mock-trial/ le site où verrez un faux vrai procès pour atteinte à l’environnement : In 2011 a “Mock Trial” was held in the Supreme Court of England and Wales. Two fictional Chief Executive Officers were put on trial for causing ecocide due to their destructive practices in the Athabasca tar sands and found guilty. This demonstrated that a law of Ecocide can work in practice, and garnered international media coverage including The Financial Times, Le Monde, Time magazine, Deutsche Welle, Al Jazeera, and Canada’s CBC. The trial was broadcast worldwide online by Sky News.

http://www.sos-21.com/tribunal-nature.html le site provisoire qui présente le tribunal international de la nature avec la liste des soutiens et le projet de site internet en animation 3D.

http://www.tribunal-nature.org/ sur ce site se trouvent notamment l’interview vidéo d’un sénateur brésilien et l’émission 3D de Stéphane Paoli (France Inter) sur l’écocide avec Valérie Cabanes et le Tribunal international de la nature avec Alfredo Pena Vega. Ceux qui s’intéressent aux modifications climatiques écouteront aussi avec intérêt une interview « tgv » de Jean Jouzel.

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