L’essai de Jacques Testart, A qui profitent les OGM ?, s’organise en trois parties. La première consiste en une critique des PGM (Plantes génétiquement modifiées). « L’affaire Séralini », en deuxième partie, complète la démonstration. Le tout permet, dans une troisième partie, de déboucher sur une remise en cause du système actuel d’expertise. Voici la deuxième partie, consacrée à l’étude de Gilles-Eric Séralini, de la tentative de dialogue entre l’auteur, Jacques Testart, et un membre de l’AFBV (Association française pour les biotechnologies végétales), Alain Deshayes. La première partie, consacrée aux Plantes génétiquement modifiées, est en ligne ici.
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Propos recueillis par Michel Sourrouille
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Alain Deshayes : Dans sa deuxième partie, entièrement consacrée à « l’affaire Séralini », Jacques Testart commence par nous expliquer que l’étude publiée n’a bénéficié que des « moyens très limités », qu’elle a été réalisée dans un « contexte économico-politique » difficile et avec la crainte « d’un sabotage au niveau expérimental ». Sans doute faut-il comprendre que c’est pour cela que l’étude « n’est pas une œuvre irréprochable », qu’elle a des « défauts indéniables » et qu’elle ne contredit pas « le constat d’innocuité pour des rats mis en expérience pendant trois mois… ». On comprend mal dans ces conditions que Jacques Testart reprenne, en les faisant siens, tous les arguments de GE Séralini et qu’il puisse écrire que l’étude « montre la toxicité d’un maïs GM ».
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Pourquoi Jacques Testart ne cite-t-il pas les avis critiques et unanimes de nombreuses revues scientifiques (Nature, Science, New Scientist…) et d’agences de sécurité alimentaire de différents pays (Etats Unis, Allemagne, Pays Bas, Belgique, Nouvelle Zélande, Australie, Afrique du Sud…) ? Pourquoi ne cite-t-il pas les nombreuses lettres qui ont été adressées par des scientifiques à la revue Food and Chemical Toxicology ? Pourquoi s’indigne-t-il contre un quotidien qui aurait eu une attitude partisane, alors que la « médiatisation exceptionnelle » à laquelle on a assisté a, en fait, été organisée par le CRIIGEN et GE. Séralini lui-même ? Pourquoi enfin, tronque-t-il la vérité à propos de la condamnation de Marc Fellous, Président de l’AFBV, pour diffamation à l’égard de GE Séralini ?
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Jacques Testart : Sur « l’affaire Séralini », je crois avoir indiqué que quasiment toutes les instances « expertes » ont condamné cette publication, et j’ai aussi donné des pistes explicatives, en particulier la mobilisation exceptionnellement rapide et brutale des partisans invétérés des PGM dont l’AFBV (Association française des biotechnologies végétales) à laquelle Alain Deshayes appartient. Comment justifier la non prise en compte, par les agences responsables, d’éléments discrètement inclus dans le Round up, lequel n’a jamais pas été soumis à une véritable évaluation puisque les tests n’ont étonnamment concerné que sa molécule active (glyphosate). Est-ce cela qu’il faut nommer « la rigueur » ? Les partisans honnêtes des PGM et des pratiques associées ne devraient-ils pas exiger de tels contrôles et honorer le chercheur isolé qui a lancé l’alerte ?
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Alain Deshayes : L’objectif principal de cet essai était bien de s’insurger contre « la brutalité et la malhonnêteté des attaques contre une équipe de recherche qui rompt avec le discours officiel ». Cela ne peut surprendre de la part de Jacques Testart, mais il ne me contredira sans doute pas pour considérer que dans le domaine scientifique, plus que dans d’autres domaines, la rigueur est un impératif, et GE Séralini ne semble pas encore l’avoir compris.
Jacques Testart : Comment ne pas féliciter Séralini d’avoir, par son article méchamment décrié, innové dans deux directions de l’évaluation : tester l’herbicide entier et examiner les effets des pesticides et PGM durant la vie entière de l’animal expérimental ? Cela volerait un peu plus haut que les accusations de liens avec une « secte guérisseuse pseudo catholique » lancées, en désespoir de cause, contre Séralini par Gil Rivière-Wekstein, un lobbyiste authentique rémunéré par l’industrie pour contre-attaquer systématiquement toute critique de l’agriculture productiviste (Le Monde du 18 janvier 2013). A propos, que pense l’AFBV du comportement « scientifique » de ce personnage, dont le statut de chien de garde des multinationales illustre la jungle où avancent les lanceurs d’alerte et explique la stratégie inusuelle développée par Séralini pour faire paraître et survivre sa publication de septembre 2012 ?
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Cliquez ici pour découvrir la troisième et dernière partie, sur l’expertise.
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A lire : A qui profitent les OGM ? Jacques Testart (CNRS éditions, 2013, 76 pages, 4 euros)
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